À la demande du gouvernement provincial de Moe, la police attaque les travailleurs d'une raffinerie en lock-out en Saskatchewan

Trois jours seulement après que le premier ministre de droite de la Saskatchewan, Scott Moe, ait demandé à la police d'intervenir pour briser le blocus imposé par 750 travailleurs en lock-out de la Federated Cooperatives Ltd. (FCL) à Regina, la police est intervenue tard jeudi dans une répression impitoyable des travailleurs.

Dans des actions qui rappellent un État policier, le service de police de Regina, enhardi par la promesse de Moe de «faire respecter la loi» et l'isolement des travailleurs par le syndicat Unifor, a mis en place un point de contrôle sur une route publique menant à une entrée clé de la raffinerie tard jeudi. Seuls les camionneurs de carburant figurant sur une liste préapprouvée étaient autorisés à emprunter cette route. Les travailleurs en lock-out se sont vu refuser l'entrée et interdire leur droit constitutionnel de faire du piquetage, la police ayant organisé le démantèlement d'un blocus de la porte et retiré les stations de réchauffement et les toilettes portables utilisées par les travailleurs tout au long du conflit. Des dizaines de camions-citernes ont ensuite été conduits par la police jusqu'à la raffinerie et, tout au long de la journée du vendredi, des millions de litres d'essence et de diesel ont été transportés pour être distribués aux points de vente de FCL.

Des travailleurs font du piquetage devant la raffinerie Co-op Refinery Complex de FCL

La police est restée sur place après le démantèlement du blocus. Bien qu'elle ait annoncé que les piqueteurs pourraient revenir au cours de la fin de semaine, ce n'était qu'à la condition qu'ils se limitent à distribuer du «matériel d'information» et s'abstiennent de bloquer les véhicules. En d'autres termes, le FCL peut continuer à mener son opération de briseurs de grève sans entrave.

Les travailleurs, qui sont en lock-out depuis le 5 décembre, se battent contre la tentative de l'entreprise très rentable de détruire leur programme actuel de retraite à prestations déterminées et de sabrer les emplois syndiqués dans l'usine.

Au-delà du soutien total de Moe à l'opération, la capacité de la police à intervenir si effrontément est due aux efforts délibérés d’Unifor dès le départ pour étouffer l'opposition des travailleurs aux réductions des pensions et conclure un accord «négocié» pourri qui accorde à l'entreprise pratiquement tout ce qu'elle veut. Alors même que Moe menaçait les travailleurs d'une répression policière la semaine dernière, les responsables d'Unifor ont cherché à jeter de la poudre aux yeux des travailleurs en applaudissant le premier ministre de droite pour s’être «réveillé» et cherché à résoudre le conflit en désignant un médiateur spécial. (Voir: Unifor félicite le premier ministre de la Saskatchewan alors que celui-ci exige une intervention policière contre les travailleurs de la raffinerie en lock-out)

En plus des demandes pathétiques d'Unifor pour que Moe impose un arbitre indépendant, qui ne servirait qu'à imposer les exigences de la société, le président d'Unifor, Jerry Dias, a déclaré mercredi dernier que le syndicat coopérait avec le premier ministre Moe en coulisses. «Nous avons été et continuons à être en conversation sur le processus de médiation proposé par le premier ministre Moe, qui est actuellement notre meilleure option pour ramener l'entreprise à la table des négociations et mettre fin à ce conflit», a déclaré Dias dans une déclaration publiée quelques heures avant que la police n'écrase le piquet.

L'affirmation de Dias est absurde. Depuis le début du conflit, le gouvernement a clairement fait savoir qu'il soutenait pleinement l'opération de briseurs de grève de FCL et se tenait prêt à intervenir si les travailleurs se mobilisaient pour arrêter les opérations de la raffinerie.

L'action policière de jeudi soir a été le point culminant d'une série d'interventions anti-travailleuses la semaine dernière, déclenchées par les propos provocateurs de Moe. Elle a commencé par l'émission de contraventions par la police pour les voitures des travailleurs en lock-out en mission de piquetage et le retrait forcé des barrières utilisées pour bloquer les portes de la raffinerie. Cependant, les travailleurs ont rapidement renforcé les barrières. Puis, tôt jeudi matin, avec la complicité de la police, sept camions ont franchi le barrage et ont pu repartir avec des livraisons de carburant. Au cours de la semaine, quatre autres travailleurs et le négociateur en chef d’Unifor, Scott Doherty, ont été arrêtés pour «méfaits». Jusqu’à maintenant, dix-neuf piqueteurs pacifiques ont été arrêtés et inculpés, dont le président d’Unifor, Jerry Dias.

En plus de recevoir le soutien total de Moe et de la police, la direction de la FCL a également trouvé des alliés proches dans les tribunaux capitalistes. Diverses injonctions ont déjà imposé des restrictions scandaleuses sur le piquetage et ont abouti à des amendes de 100.000 dollars contre Unifor.

Lors d'une audience au tribunal jeudi, FCL a demandé au juge Neil Robertson d'imposer à Unifor une amende supplémentaire d'un million de dollars, à laquelle s'ajouteront 100.000 dollars pour chaque jour futur où les travailleurs perturbent les lignes d'approvisionnement de l'entreprise. Les avocats ont également demandé des peines de prison pour le président et le vice-président du syndicat local. Sans doute conscient que des actions policières étaient en cours, le juge n'a pas rendu de décision immédiate.

À Carseland, en Alberta, la juge Glenda Campbell a émis une injonction pour limiter le piquetage au principal dépôt de carburant régional de FCL. Lorsque les travailleurs ont refusé de démanteler leur barricade, Campbell a donné un ordre d'exécution permettant à la GRC et aux huissiers de justice d'intervenir et d’enlever toutes les barricades si le syndicat ne se conformait pas à l'ordonnance d'ici la fin de la fin de semaine.

Alors que Moe, soutenu par les injonctions des tribunaux, a lancé toute la force de l'État capitaliste contre les travailleurs en lock-out, Unifor les a forcés à se battre avec les mains liées dans le dos. Les événements de la semaine dernière ont démontré la fraude totale des affirmations répétées de Dias selon lesquelles le syndicat mobiliserait la solidarité de ses 315.000 membres dans tout le pays. La réalité est que ces promesses démagogiques, destinées à faire appel au fort militantisme des travailleurs de la raffinerie, ont servi d'écran de fumée derrière lequel Dias et Unifor ont isolé les membres de la section locale 594. Après avoir fait venir par avion quelques centaines de bureaucrates syndicaux de tout le pays pour mettre en place le blocus le 20 janvier, le syndicat n'a fait aucun effort pour mobiliser ses 5000 membres travaillant pour les sociétés d'État de la Saskatchewan, sans parler des centaines de milliers d'enseignants, de travailleurs de l'éducation, d'employés du secteur public, de travailleurs de la santé et de bien d'autres qui sont confrontés à la même attaque sur leurs conditions de travail dans tout le pays.

De nombreux travailleurs en lock-out ont fait d'énormes sacrifices pour faire respecter le blocus, qui a réussi à empêcher en grande partie le pétrole de quitter la raffinerie. En conséquence, et en conjonction avec des actions similaires dans les dépôts de distribution de l'Alberta et du Manitoba, FCL a été contrainte de limiter les achats de carburant de ses clients dans tout son réseau de l'Ouest canadien. À la fin de la semaine dernière, 22 des 35 stations-service Co-op de la région de Winnipeg étaient à sec. Des fermetures similaires de points de vente de carburant ont été enregistrées dans les zones rurales du Manitoba, à Saskatoon, en Saskatchewan et dans le sud de l'Alberta.

Cependant, pour Unifor, le blocus a été dès le départ une manœuvre destinée à dissiper l'opposition des travailleurs en vue d'imposer un accord de capitulation basé sur les conditions de la direction. Une semaine après son lancement, Dias a accepté un ultimatum de la FCL lui demandant d'abandonner toute condition préalable à la reprise des pourparlers, y compris la condition que les régimes à prestations définies des travailleurs existants ne soient pas mis en péril. Unifor s'est empressé de démanteler le blocus et d'offrir à l'entreprise des économies annuelles totalisant 20 millions de dollars dès le premier jour des négociations. Doherty, après avoir admis qu'il avait proposé aux travailleurs de verser un montant sans précédent de 6 % pour leur retraite, a déclaré qu'il pourrait bien être «tabassé» une fois que les travailleurs auraient appris sa dégoûtante trahison. Ce n'est qu'après que la FCL ait rejeté les concessions d’Unifor et exigé davantage que le syndicat a rétabli tardivement le blocus, après que les camions aient réapprovisionné la raffinerie et expédié de grandes quantités d'essence.

Soutenue par la répression policière de Moe, la direction de FCL n'est pas d'humeur à faire des compromis. Dans les remarques qui ont suivi l'injonction du tribunal de l'Alberta, le PDG de FCL, Scott Banda, a résumé sans détour les sentiments des entreprises canadiennes. «Tant qu'Unifor ne sera pas obligée de se conformer à la loi, elle sera enhardie à agir de la sorte dans les futurs conflits partout au Canada», a déclaré avec arrogance Banda, ancien candidat à la direction des néo-démocrates de la province, «les barricades comme tactique pour obtenir ce que l’on veut: c'est un problème et un précédent qui devrait tous, en tant que propriétaires et dirigeants d'entreprises, nous préoccuper au plus haut point. Nous devons à toutes les autres entreprises de ne pas laisser cette activité illégale créer un dangereux précédent pour toutes.»

Ces déclarations, la répression policière brutale ordonnée par Moe et la soumission d’Unifor au gouvernement provincial et à la «loi et l'ordre» capitaliste ne font que souligner que les travailleurs de la raffinerie sont confrontés à une lutte politique. S'ils veulent l'emporter, ils doivent prendre le contrôle de leur lutte pour la défense de leurs retraites hors des mains de la bureaucratie syndicale en formant un comité d'action indépendant et en faisant appel au soutien le plus large possible de la classe ouvrière en Saskatchewan, au niveau national et international. La défense des pensions, des emplois et des conditions de vie ne peut progresser que par la construction d'un mouvement politique de masse en lutte contre le programme d'austérité capitaliste du gouvernement Moe, qui est soutenu par l'élite au pouvoir, ses partis politiques et toutes ses institutions étatiques, y compris les syndicats procapitalistes.

(Article paru en anglais le 10 février 2020)

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