Sanders sur l’émission «60  Minutes» explique la volonté d’utiliser la puissance militaire américaine

L’un des aspects les plus importants de l’apparition de Bernie Sanders dimanche soir dans l’émission «60 Minutes» de CBS était une partie de l’interview que la chaîne a choisi de ne pas diffuser. Toutefois, elle était néanmoins disponible sur son site web et largement citée dans les médias par la suite.

Il s’agissait d’une discussion entre Sanders et le présentateur Anderson Cooper sur la question de la conduite de la guerre par les États-Unis, au cours de laquelle le candidat démocrate à l’élection présidentielle a donné son point de vue sur les circonstances dans lesquelles il ordonnerait une action militaire.

«Nous avons la meilleure armée du monde» a été la première réponse de Sanders lorsque Cooper a soulevé la question de sa position passée de s’opposer aux interventions militaires américaines à l’étranger. On lui a demandé d’expliquer les circonstances dans lesquelles, en tant que président, il enverrait les forces américaines au combat, ce à quoi Sanders a répondu: «Des menaces contre le peuple américain, c’est sûr. Des menaces contre nos alliés. Je crois en l’OTAN. Je crois que les États-Unis, tout en étant égaux, devraient travailler avec d’autres pays dans le cadre de l’alliance, et non pas faire cavalier seul.»

Lorsque Cooper lui a demandé s’il ordonnerait une action militaire si la Chine attaquait Taïwan — une île que les États-Unis reconnaissent officiellement comme territoire chinois — Sanders a répondu: «Oui. Je veux dire, je pense que nous devons faire comprendre aux pays du monde entier que nous ne resterons pas les bras croisés et que nous ne permettrons pas que des invasions aient lieu, absolument.»

Presque toutes les guerres d’agression américaines des 30 dernières années ont été menées sous de tels prétextes. La réaction de Sanders devrait alarmer les travailleurs et les jeunes qui se sont ralliés à sa campagne en pensant qu’il était un véritable opposant à la guerre.

L’Administration de George H. W. Bush a lancé la guerre du Golfe persique en 1991 sous le prétexte de s’opposer à l’invasion du Koweït par le président irakien Saddam Hussein. L’Administration de Bill Clinton a bombardé des cibles serbes en Bosnie et a ensuite bombardé la Serbie elle-même, en invoquant comme prétexte des actes d’agression des forces serbes contre les musulmans bosniaques et les Kosovars.

Le gouvernement de George W. Bush a envahi l’Afghanistan en prétendant que c’était une réponse nécessaire aux attaques terroristes du 11 septembre 2001 contre les États-Unis. Elle a utilisé le même prétexte, sur une base encore plus filandreuse et malhonnête, pour justifier l’invasion de l’Irak en 2003, qui n’avait rien à voir avec les attaques du 11 septembre.

Le gouvernement Obama a fait la guerre pendant ses huit années de mandat — en Afghanistan, en Irak, et par l’utilisation de drones et de forces de substitution en Syrie, au Yémen et dans de nombreux autres pays. Il convient de rappeler que lors de sa première course à la présidence, lorsqu’on a demandé à Sanders s’il utiliserait des drones et des forces spéciales dans la «guerre contre le terrorisme», il a répondu «Tout cela et bien plus encore».

Quant aux «menaces contre nos alliés», on pourrait utiliser un tel critère pour justifier l’intervention militaire américaine contre la Russie en cas de nouveaux affrontements frontaliers avec l’Ukraine. Ou bien dans un conflit entre Moscou et les régimes de droite férocement anti-russes dans les États baltes. D’autres affrontements entre les forces gouvernementales turques et syriennes pourraient impliquer les forces russes, les amenant dans un conflit militaire avec la Turquie, membre de l’OTAN.

États-Unis pourraient entrer en guerre avec un autre rival doté de l’arme nucléaire sur la base des critères de Sanders. Notamment, dans le cas de conflits navals entre la Chine et le Japon ou la Corée du Sud sur des îlots contestés. Aussi, avec un certain nombre de pays d’Asie du Sud-Est qui contestent les revendications chinoises sur certaines parties de la mer de Chine méridionale.

Sanders n’a pas critiqué une seule fois les menaces belliqueuses de l’Administration Trump contre l’Iran, le Venezuela ou d’autres pays visés par les brimades impérialistes de Washington. Ce qui est très révélateur. Il a critiqué les ouvertures amicales de Trump envers la Corée du Nord, bien que Sanders ait déclaré qu’il n’excluait pas de rencontrer le dictateur du pays, Kim Jong-un.

Ces commentaires font suite à une réponse de la campagne de Sanders à une enquête du New York Times sur les candidats démocrates. Dans sa réponse, Sanders a déclaré qu’il envisagerait un usage préventif de la force militaire contre un essai nucléaire ou de missile iranien ou nord-coréen.

Sanders a cherché à combiner son approche généralement «classique» de la politique étrangère impérialiste avec une certaine posture de gauche par rapport à Cuba. En réponse à une question sur sa sympathie passée pour le régime sandiniste du Nicaragua et son opposition aux sanctions américaines contre Cuba, il a dit à Cooper: «Nous sommes très opposés à la nature autoritaire de Cuba, mais vous savez, c’est injuste de dire simplement que tout est mauvais. Vous savez? Quand Fidel Castro est entré en fonction, vous savez ce qu’il a fait? Il a mis en place un programme d’alphabétisation massif. Est-ce que c’est une mauvaise chose? Même si Fidel Castro l’a fait?»

Anticipant la réaction anticommuniste des Républicains et des groupes d’exilés cubains dans le sud de la Floride, Sanders a mis en scène son propre anticommunisme préventif contre Trump. Suggérant que le président n’avait pas le droit de le critiquer comme étant «mou» envers Castro étant donné ses propres «lettres d’amour» à Kim Jong-un.

Un autre incident est survenu qui soulève des questions sur les prétentions de Sanders à être un candidat opposé aux «guerres sans fin» de l’impérialisme américain. Des journalistes l’ont interrogé sur un rapport du Washington Post de vendredi. Selon ce rapport les agences de renseignement américaines l’avaient informé des efforts supposés de la Russie pour interférer dans les élections américaines en sa faveur. Il a déclaré avoir reçu un briefing «il y a environ un mois».

Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’avait pas divulgué le briefing ou son sujet, Sanders a répondu: «Parce que je vais à de nombreux briefings de renseignements que je ne révèle pas au public».

(Article paru d’abord en anglais 25 février 2020)

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