Les partis allemands de droite et d’extrême droite subissent une défaite aux élections législatives de Hambourg

L’élection nationale de Hambourg, dimanche, a donné une expression déformée à l’opposition généralisée à l’extrémisme de droite en Allemagne. Quatre jours après qu’un attentat terroriste de droite ait fait neuf morts à Hanau, les démocrates-chrétiens (CDU) et les démocrates libres (FDP), les partis qui ont formé une alliance avec l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), un parti d’extrême droite, pour élire le ministre-président en Thuringe, ont perdu un grand nombre de voix.

L’Union chrétienne-démocrate a été la plus durement touchée. Elle a enregistré le deuxième plus mauvais résultat de l’histoire des élections de l’État, avec seulement 11,2 pour cent des voix. La seule fois où le parti a obtenu un pourcentage de voix inférieur, c’est à Brême, en 1951, où il a obtenu 9,1 pour cent des voix. Par rapport à son résultat de 2016 (15,9 pour cent), qui était le pire résultat jamais obtenu à Hambourg jusqu’à dimanche, la CDU a perdu 4,7 points de pourcentage supplémentaires. Le meilleur résultat jamais obtenu par la CDU était en 2004, lorsque le parti a remporté 47,2 pour cent des voix.

La direction fédérale de la CDU a réagi à la débâcle électorale lundi en convoquant un congrès extraordinaire du parti pour le 25 avril afin de choisir un successeur à la dirigeante fédérale sortante, Annegret Kramp-Karrenbauer. La nouvelle dirigeante de la CDU est susceptible de devenir la candidate pour remplacer Angela Merkel en tant que chancelière en 2021 au plus tard.

Les démocrates-libéraux ont perdu 2,4 points de pourcentage, ce qui signifie que le parti a manqué de peu d’être représenté dans le nouveau sénat de l’État. Avec 5,3 pour cent des voix, l’AfD vient de franchir le cap des 5 pour cent de représentation au Sénat. En 2015, l’AfD a obtenu 6,1 pour cent des voix.

Les sociaux-démocrates (SPD) sont apparus comme le parti le plus fort, avec 39 pour cent des voix. Mais avec une baisse de 6,6 points de pourcentage de son vote, le SPD a subi la plus forte baisse de tous les partis. Néanmoins, il a célébré ce résultat comme une victoire. Les sondages d’il y a quelques mois avaient prévu des pertes beaucoup plus importantes, et le SPD au niveau fédéral ne recueille actuellement que 14 pour cent des voix.

Les plus grands gagnants sont les Verts, qui ont augmenté leur vote de 12,3 pour cent à 24,2 pour cent. Le Parti de gauche a également enregistré une légère augmentation de 0,6 point de pourcentage, terminant avec 9,1 pour cent des voix. Le taux de participation a été relativement faible (63,3 pour cent), mais il s’agit d’une augmentation significative par rapport à 2015, où seulement 56,5 pour cent des électeurs admissibles se sont rendus aux urnes.

Les Verts ont pu bénéficier du fait que les gens les perçoivent comme des adversaires de l’AfD, même s’ils mettent en œuvre une politique de droite similaire. Parmi les nouveaux électeurs, âgés de 16 à 21 ans, les Verts ont été de loin le parti le plus fort. Ils ont gagné 35 pour cent des voix, contre 24 pour cent pour le SPD et 12 pour cent pour le Parti de gauche. Dans ce groupe, l’AfD n’a obtenu que 3 pour cent.

Les Verts ont également bénéficié de l’urgence de la question du changement climatique. Deux jours avant l’élection, «Les vendredis pour l’avenir» (Fridays for Future) a organisé une grande manifestation à laquelle a participé la Suédoise Greta Thunberg. La police a estimé la foule à 20.000 personnes, alors que les organisateurs ont déclaré que 60.000 personnes y ont assisté.

En revanche, le SPD est en grande partie un parti de retraités. Il a obtenu son meilleur résultat, 59 pour cent, parmi les électeurs de plus de 70 ans.

Depuis longtemps beaucoup de monde considérait Hambourg un bastion du SPD. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le SPD a toujours occupé le poste de maire, à l’exception des années 1953-1957 et 2001-2011. Le SPD de Hambourg était généralement plus à droite que le parti fédéral et avait le soutien de la bourgeoisie de la ville.

La figure dominante du parti pendant de nombreuses années a été Helmut Schmidt. Ce dernier, en tant que chancelier allemand en 1975, a initié le virage vers la réduction des dépenses publiques et des services sociaux qui s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui. Il a aussi fait appliquer la décision de l’OTAN de stationner des missiles intercontinentaux à capacité nucléaires en Allemagne face à une opposition généralisée en 1979.

Peter Tschentscher, le maire sortant et entrant, a succédé il y a deux ans à Olaf Scholz, qui a rejoint le gouvernement fédéral de grande coalition en tant que ministre des Finances et vice-chancelier. Il a mis en œuvre depuis lors le même programme d’austérité stricte que celui imposé par son prédécesseur Wolfgang Schäuble (CDU).

Scholz a ordonné une répression policière impitoyable contre les manifestants anti-G20 en juillet 2017 et a lancé une campagne européenne contre les prétendus «extrémistes de gauche». Cette campagne a mis plusieurs jeunes gens derrière les barreaux pour des actes de petite délinquance.

Les Verts, qui ont gouverné en coalition avec le SPD au cours des cinq dernières années, ont soutenu tout cela. La maire adjointe, Katharina Fegebank, a mené la campagne des Verts. Elle a explicitement approuvé l’intervention de la police pour imposer le retour du fondateur de l’AfD, Berndt Lucke, à l’université de Hambourg face à la résistance des étudiants. Elle a condamné les protestations étudiantes contre Lucke comme «une injustice dans sa forme la plus pure».

Les Verts sont un parti de la classe moyenne privilégiée. C’est dans les quartiers aisés des centres-villes, ainsi que dans certains quartiers associé à des milieux de vie alternatifs, que le parti a le plus progressé. Dans certains quartiers riches, ils ont battu le SPD pour devenir le parti le plus fort. Cependant, il a obtenu peu de soutien parmi les travailleurs et les couches les plus pauvres de la population.

La réputation des Verts comme un parti démocratique et respectueux de l’environnement est un mythe. Dans le Land (région) de Hesse, où ont eu lieu l’attaque terroriste de Hanau et l’assassinat du président du district de Kassel, Walter Lübcke. C’est aussi où les groupes néonazis sont étroitement liés aux services de renseignements. Les Verts ont gouverné en coalition avec la CDU pendant cinq ans et ont contribué à dissimuler la conspiration de la droite au sein du Land.

La défaite de la CDU, du FDP et de l’AfD à Hambourg ne changera pas le cours de leur politique. Le SPD et les Verts ont l’intention de poursuivre leur alliance. Cela a déjà mené à bien des initiatives en faveur de l’ordre public qui ont renforcé la conspiration de droite au sein de l’appareil d’État et apporté un soutien à l’AfD.

(Article paru d’abord en anglais 25 février 2020)

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