La Fed baisse ses taux d'intérêt, mais la chute des marchés se poursuit

Wall Street a de nouveau plongé mardi, après une hausse record d'un jour de 1294 points du Dow Jones lundi, malgré une baisse d'urgence des taux de la Réserve fédérale américaine de 0,5 point de pourcentage.

Le marché s'est ouvert fortement en baisse puis a remonté, le Dow Jones grimpant de 300 points après la décision de la Fed, pour reprendre le plongeon le reste de la journée. À un moment donné, il a baissé de 997 points, terminant la journée en baisse de 786 points, soit une baisse de 2,9%.

Le S&P 500 a clôturé en baisse de 2,8% après que l'indice ait enregistré sa plus forte hausse en un jour depuis deux ans lundi, et le Nasdaq a chuté de près de 3%.

Un écran de télévision sur les lieux de la Bourse de New York

La baisse des taux de la Fed, approuvée à l'unanimité lors d'une téléconférence lundi soir, était la première effectuée entre deux séances réglementaires depuis la crise financière de 2008.

Annonçant la décision, le président de la Fed, Jerome Powell, a déclaré que le coronavirus et les mesures prises pour le contenir «pèseront sur l'activité économique ici et à l'étranger pendant un certain temps». Dans un effort pour rassurer les marchés, il a reconnu que, si la décision de la banque centrale ne réduisait pas le taux d'infection ou ne résolvait pas une chaîne d'approvisionnement rompue, «nous pensons que notre action donnera une impulsion significative à l'économie».

Mais il y a des indications que cela pourrait avoir l'effet inverse: une réaction répandue à la décision étant la question «qu'est-ce que la Fed sait que nous ne savons pas.» De plus, la décision a un impact majeur sur les banques, dont les marges bénéficiaires sont réduites par un taux d'intérêt de référence plus bas. Les actions bancaires, en plus de celles des hautes technologies, ont fait chuter le marché.

Les inquiétudes à plus long terme concernant la situation des États-Unis et de l'économie mondiale se sont reflétées dans la baisse du rendement des bons du Trésor américain à 10 ans. À un moment, il est tombé en dessous d'un pour cent, terminant la journée juste au-dessus de ce niveau, un plancher record.

Le rendement sur 10 ans a fortement baissé depuis le début de l'année, avant que les effets du coronavirus ne commencent à frapper, les investisseurs cherchant un refuge, motivés par la crainte que l'économie mondiale entre en récession.

L'impact du virus se propageant rapidement, Goldman Sachs a revu à la baisse ses prévisions de croissance aux États-Unis à un taux annualisé de 0,9% au premier trimestre et de zéro au second.

La déclaration de la Fed a mentionné de futures baisses des taux d'intérêt, affirmant qu'elle continuerait de suivre les développements et leurs implications, et qu'elle «utiliserait ses outils et agirait comme il convient pour soutenir l'économie».

Par leur réaction, les marchés indiquent qu’ils exigent encore plus d'action: une position exprimée dans un tweet du président américain Trump. «La Réserve fédérale est en train de couper, doit assouplir encore plus», a-t-il tweeté. «Plus d'assouplissement et de coupe!»

La décision d'urgence de la Fed est intervenue à la suite des décisions de la banque centrale malaisienne et de la Reserve Bank of Australia (RBA) de réduire leurs taux. La RBA a déclaré que l'épidémie de coronavirus avait un «effet significatif» sur l'économie australienne, la douzième en importance au monde.

Les ministres des Finances du groupe des principales économies du G7 ont déclaré qu'ils étaient prêts à utiliser tous les outils appropriés pour «réaliser une croissance forte et durable et se prémunir contre les risques de récession», mais n'ont pas précisé d'action coordonnée.

Ils ont également promis un soutien fiscal aux systèmes de santé. Cet engagement supposé pourrait revenir à tourner le couteau dans la plaie. Les systèmes de santé dans tous les grands pays ont été durement touchés par des années de coupes, dans le cadre de programmes d'austérité en profondeur et des effets de la privatisation, qui les ont rendus mal équipés pour faire face à la crise sanitaire.

Tout comme les effets du coronavirus sur les individus infectés semblent être exacerbés par des problèmes de santé préexistants, on pourrait en dire autant de son impact social et économique.

Cette semaine, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui compte 36 membres et couvre les principales économies du monde, a publié un rapport d'urgence sur l'état de l'économie mondiale. Dans le meilleur des cas, il a déclaré que dans l'hypothèse où les pics épidémiques en Chine au premier trimestre de cette année et les flambées dans d'autres pays seraient modérés et maîtrisés, la croissance mondiale pourrait tomber à 2,4%, en baisse de 0,5 point de pourcentage par rapport à son niveau prévu en novembre dernier. Les économies étroitement liées à la Chine, comme le Japon, la Corée du Sud et l'Australie, seraient particulièrement touchées.

Mais en cas d'épidémie de plus longue durée, la croissance mondiale pourrait chuter à seulement 1,5%.

Même ce chiffre pourrait être une sous-estimation, car l'OCDE a souligné le ralentissement significatif de l'économie mondiale avant que le virus ne frappe. Il a noté que «la production industrielle a continué de stagner à la fin de 2019 et que la croissance des dépenses de consommation s'est ralentie». Le rythme de baisse des ventes mondiales de voitures avait commencé à se modérer jusqu'en 2019, mais «la demande a de nouveau chuté par la suite».

Le commerce mondial «reste très faible», le volume des échanges de marchandises se contractant au dernier trimestre de 2019 et pour l'ensemble de l'année, la première baisse de ce type depuis la chute du commerce mondial en 2009.

L'investissement, facteur clé de l'économie capitaliste, pointe dans la même direction. Selon l'OCDE, la croissance des investissements dans les économies du G20 (hors Chine) est passée d'un taux de croissance annuel de 5% au début de 2018 à seulement 1% l'an dernier.

Le rapport a souligné les effets de la guerre commerciale américaine contre la Chine, affirmant que les tarifs plus élevés imposés par Washington étaient «un facteur important derrière la faiblesse de la demande, du commerce et des investissements mondiaux».

La croissance dans la zone euro devrait rester inférieure à la moyenne, à environ un pour cent au cours des deux prochaines années, les effets du virus ayant encore affaibli les résultats au premier semestre de cette année.

L'OCDE a ajouté sa voix à ceux qui soulignent le danger derrière l'augmentation de la dette mondiale et les risques financiers croissants posés par l'augmentation des émissions d'obligations de qualité inférieure à celles de la catégorie investissement et des obligations notées BBB, juste un cran au-dessus du statut d’indésirable. L'année dernière, plus de la moitié de toutes les nouvelles obligations a été notée BBB et un quart étaient inférieures au grade d’investissement.

Ces évolutions «augmentent le risque de tensions importantes sur les entreprises» en cas de ralentissement économique marqué, écrit l'OCDE. Dans de telles conditions, les obligations notées BBB pourraient être ramenées à un niveau sous la cote d’investissement, «où les ventes forcées associées amplifieraient les effets sur les marchés financiers du ralentissement initial déclenché par la propagation du coronavirus».

Les effets de l'épidémie de coronavirus commencent seulement à se faire sentir, mais des conclusions politiques fondamentales peuvent déjà être tirées.

Les élites dirigeantes ont apporté une réponse de classe: des milliards de dollars sont mis à la disposition des marchés afin de soutenir la soif avide de richesse de l'oligarchie financière, alors que pratiquement rien n'est fourni pour répondre aux besoins de santé de la masse de la population. Aux États-Unis, par exemple, Trump n'a demandé que 2,5 milliards de dollars, dont la moitié proviendrait d'autres programmes de santé.

Mais la chute des marchés après la dernière baisse des taux de la Fed indique que les marchés financiers sont sur une trajectoire de collision avec les évolutions de l'économie sous-jacente et que la politique de relance de l'économie par une offre toujours plus importante d'argent bon marché, menée au cours des quatre dernières décennies, s'effondre.

La réponse de la classe dirigeante ne sera pas de faire marche arrière, mais de redoubler ses attaques contre la classe ouvrière.

(Article paru en anglais le 4 mars 2020)

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