La guerre des prix du pétrole va déclencher de nouvelles tempêtes financières

Les effets économiques et financiers de la propagation mondiale du coronavirus se répandre rapidement à mesure que les prévisions de croissance mondiale sont fortement révisées à la baisse.

Les conditions ont été créées pour de nouvelles turbulences sur les marchés financiers cette semaine. Après la pire semaine depuis la crise financière de 2008, le marché pétrolier a chuté hier sur fond du déclenchement d'une guerre des prix du pétrole entre deux des principaux producteurs mondiaux, l'Arabie saoudite et la Russie.

Les marchés asiatiques ont fortement chuté lundi, l'indice Nikkei du Japon ayant baissé de 6 pour cent à l'ouverture tandis qu'en Australie, l'ASX était en baisse de 5 pour cent.

Les échanges cette semaine ont commencé par une chute du prix du brut Brent de 45 $ le baril à 31,52 $, l'une des plus importantes baisses journalières de son histoire, à la suite d'une décision saoudienne d'augmenter la production et de proposer des remises importantes aux acheteurs.

La décision saoudienne fait suite à l'échec des négociations avec la Russie pour réduire la production afin de freiner la baisse des prix du pétrole résultant de la baisse de la demande en raison de l'épidémie de coronavirus.

S'adressant à l'agence de presse russe TASS, Mikhail Leontiev, attaché de presse de Rosneft, le plus grand producteur de pétrole russe, a déclaré que les relations avec l'Arabie saoudite étaient devenues «dénuées de sens».

Ceci du fait que la réduction des approvisionnements en pétrole convenue avec l'Arabie saoudite a été «rapidement remplacée sur le marché mondial par le pétrole de schiste américain».

L'effondrement du marché aura un effet immédiat sur les producteurs de schiste américains qui avaient du mal à générer des bénéfices et ont financé leurs opérations par le biais d'obligations à haut risques ou les dites «obligations pourries».

Cela pourrait devenir une voie par laquelle les effets de la chute des prix du pétrole se transmettent aux marchés de la dette et du crédit qui commencent déjà à se contracter.

Dans une note publiée vendredi, le stratège de JP Morgan, Nikolaos Panigirtzoglou, a averti que les perturbations des chaînes d'approvisionnement en raison de la propagation du virus pourraient déjà provoquer des problèmes de trésorerie pour des entreprises.

Il a déclaré que les marchés du crédit étaient confrontés à «un risque accru de retournement du cycle avec beaucoup plus de baisses de notation ou même de défauts de paiement au cours des prochains mois».

La note de JP Morgan, telle que rapportée par Bloomberg, a déclaré que les inquiétudes du marché quant à la baisse des notations et la désignation de dette en termes d’obligations pourries étaient justifiées par les indices fondamentaux du crédit.

Le ratio médian de la dette nette sur les bénéfices avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (BAIIDA) en Europe et aux États-Unis, pour les sociétés émettant des dettes à haut rendement, avait fortement augmenté au cours de la dernière décennie. Il était désormais plus élevé qu'avant les récessions de 2007-2008 et 2001-2002.

«Les marchés des taux laissent entendre maintenant que quelque chose qui ressemble à une récession américaine est presque une certitude», a écrit Panigirtzoghlou.

D'autres indicateurs pointent dans la même direction. La semaine dernière, le rendement des obligations du Trésor à 10 ans est descendu à 0,7 pour cent, battant un nouveau record, suite à la recherche par les investisseurs d’un refuge financier. Au début de l'année, le rendement était de 1,9 pour cent. Les obligations d'État britanniques et allemandes ont également connu des baisses records.

Les prévisions de croissance mondiale sont également rapidement revues à la baisse. La semaine dernière, l'Organisation de coopération et de développement économiques a abaissé ses prévisions de croissance mondiale de 2,9 à 2,4 pour cent et a déclaré qu'une «épidémie de coronavirus plus durable et plus intense» pourrait voir la croissance mondiale tomber à 1,5 pour cent en 2020.

Compte tenu de la mise à l’arrêt du nord de l'Italie, qui est presque certaine de pousser le pays en récession, et de la propagation du virus aux États-Unis et ailleurs, cette prédiction, ou même un chiffre plus bas, est devenue de plus en plus probable en seulement sept jours.

Oxford Economics a encore réduit ses prévisions de croissance mondiale pour l'année à seulement 2 pour cent.

«Les effets de la faiblesse des marchés financiers et de la perturbation de la vie quotidienne dans le monde entraîneront une baisse des dépenses de consommation et des investissements en plus des perturbations de la chaîne d'approvisionnement mondiale», a-t-il déclaré dans une note aux clients.

Les dernières données chinoises vont dans le même sens. Les exportations ont chuté au cours des deux premiers mois de l'année, se contractant de 17,2 pour cent, plus que ce qui était prévu par un sondage Bloomberg des économistes. Les importations ont chuté de 4 pour cent au cours de la même période.

Les chiffres du commerce sont intervenus après que les données avaient montré que l'activité manufacturière est tombée à un niveau record dans des conditions où le taux de croissance annuel de la Chine, avant le déclenchement de l'épidémie de coronavirus, était déjà le plus bas en trois décennies.

Selon une enquête menée par l'administration douanière chinoise publiée ce week-end, plus de 80 pour cent des entreprises étrangères du pays sont retournées au travail. Cependant, le ministère de l'Industrie et des Technologies de l'information a déclaré que moins d'un tiers des petites et moyennes entreprises qui emploient 80 pour cent de la main-d'œuvre fonctionnent normalement.

Bien qu'elle ne soit pas directement liée à l'épidémie de coronavirus et qu'elle ait sa source immédiate en particulier à cause de facteurs nationaux, l'annonce par le Liban qu'il fera défaut sur sa dette de 1,2 milliard de dollars libellée en dollars américains - le premier défaut de ce type dans l'histoire - est néanmoins un signe de processus mondiaux plus larges.

Le Premier ministre Hassan Dian a déclaré que le pays faisait face à «une crise économique d'une ampleur sans précédent».

Lorsque l'annonce a été faite, l'opinion dominante était que cela ne déclencherait pas une crise dans d'autres marchés dits émergents, qui dépendent fortement des prêts libellés en dollars.

«Si cela devait déclencher quelque chose de plus largement négatif pour les marchés émergents, il faudrait que cela s'accompagne de nouvelles plus négatives sur le coronavirus et que le PIB mondial et les prix du pétrole baissent encore», a déclaré Nick Eisinger, un gestionnaire de portefeuille des marchés émergents au Wall Street Journal.

Mais dans les trois jours qui ont suivi l'annonce, c'est exactement ce qui s'est produit.

De plus, la crise ne se manifeste pas seulement aux extrémités, mais au cœur de l'économie capitaliste mondiale, les États-Unis.

Dans un commentaire publié aujourd'hui, la rédactrice en chef du Financial Times, Rana Foroohar, a noté que le coronavirus était un déclencheur de ce qu'elle a appelé à ce stade une «correction» en bourse.

«Les États-Unis sont dans le cycle économique le plus long jamais enregistré, avec des monticules de dette mondiale, une baisse de la qualité du crédit et des décennies de taux d'intérêt bas poussant les prix des actifs à des niveaux insoutenables. […] La vérité est que l'économie américaine dépend désormais des bulles d'actifs pour sa survie.»

Cette situation est le résultat de changements de politique, remontant à des décennies et facilités par les gouvernements démocrates et républicains, qui ont bâti une économie «dangereusement dépendante des caprices de Wall Street.»

(Article paru en anglais le 9 mars 2020)

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