Canada: L'absence d’indemnisation et de sécurité de l'emploi empêche les travailleurs de rester chez eux en pleine crise du coronavirus

Alors que le coronavirus continue de se propager rapidement à travers le monde, le besoin d'une action d'urgence pour protéger des milliards de personnes de cette maladie potentiellement mortelle devient de plus en plus évident. En plus d'un dépistage universel gratuit et de soins médicaux de haute qualité pour tous, tous les travailleurs ont besoin de toute urgence d'un congé de maladie payé et d'une indemnisation complète pour toute perte de revenus due à la pandémie.

Des centaines de milliers de travailleurs qui évoluent dans des secteurs d’emplois temporaires et précaires au Canada n'ont absolument pas accès à des congés de maladie payés. Pour beaucoup d'entre eux, il est impossible de rester à la maison pendant les 14 jours recommandés par les professionnels de la santé pour prévenir la propagation du virus.

Une mère célibataire indépendante de Vancouver en Colombie-Britannique a déclaré à la CBC: «Il faudrait que je sois à moitié morte pour ne pas aller travailler... Je suis toujours à un contrat de l'avis d'expulsion.» Expliquant l'impact qu’aurait sur elle la procédure de quarantaine recommandée, elle a ajouté: «Je ne pense pas que les gens comprennent vraiment ce que cela signifie de ne pas pouvoir s'absenter du travail. C'est la différence entre manger ou pas, la différence entre avoir un endroit où vivre ou pas».

Ces sentiments reflètent les inquiétudes et les craintes de centaines de milliers de Canadiens qui travaillent dans ces secteurs précaires d’emplois («gig economy»). La pression financière en l'absence de congé de maladie rémunéré les oblige à travailler même lorsqu'ils présentent des symptômes de maladie, ce qui accélérera la propagation de COVID-19.

Un tiers des nouveaux emplois créés en Colombie-Britannique depuis la récession de 2008-2009 étaient non permanents, selon les derniers chiffres du BC Bureau of Labour Statistics. À l'échelle nationale, plus d'un cinquième des professionnels ont des emplois précaires, dont la plupart n'offrent pas de congés de maladie payés. Dans l'ensemble, 13% de la main-d'œuvre canadienne était employée sous contrat temporaire en 2018, selon une étude de Statistique Canada.

Les travailleurs dans les domaines cruciaux des soins de santé qui un risque accru d'exposition au virus sont également confrontés à la précarité de leur emploi. On estime que 5.000 aides-soignants de longue durée, qui ne sont payés que 16 dollars de l'heure en Colombie-Britannique, n'auraient pas assez de jours de maladie payés pour couvrir la durée de la période de quarantaine. Les 50.000 infirmières syndiquées de la province ne peuvent gagner que 1,5 jour ouvrable de congé de maladie par mois, et ce, si elles sont employées à temps plein. Treize pour cent des membres du BC Nurses' Union sont des travailleurs occasionnels, dont beaucoup ont très peu d'heures de congé de maladie accumulées. D'autres n'ont pas du tout droit à des congés de maladie payés.

Le gouvernement libéral fédéral et les différents gouvernements provinciaux n'ont rien à offrir à ces travailleurs. Mercredi, le premier ministre a annoncé un plan visant à supprimer temporairement la période d'attente d'une semaine avant que les travailleurs puissent obtenir des prestations d'assurance-emploi (AE) pour ceux qui sont obligés de passer 14 jours en quarantaine. Mais les mesures d'austérité soutenues et les attaques contre les droits des travailleurs menées par les gouvernements des grandes entreprises depuis les années 1980 font qu'à peine 40% des travailleurs canadiens ont même droit aux prestations d'AE.

Il n'existe pas de législation au niveau fédéral pour obliger les employeurs à accorder des congés de maladie payés aux travailleurs. Les réglementations provinciales diffèrent, mais aucune d'entre elles ne couvre la période de quarantaine de 14 jours nécessaire pour limiter la propagation du coronavirus. En 2018, le gouvernement progressiste-conservateur de l'Ontario de Doug Ford a supprimé les deux congés de maladie payés auxquels les travailleurs avaient droit par an. Afin de «réduire les coûts des entreprises et de stimuler la concurrence», le gouvernement les a remplacés par trois jours de congé sans solde. Au Québec, les travailleurs peuvent prendre deux jours de congé de maladie payés, tandis que la Colombie-Britannique prévoit cinq jours de congé de maladie non payés, une mesure inutile pour la plupart des travailleurs à faible salaire qui ne peuvent se permettre de perdre une seule journée de salaire.

Les hôpitaux de tout le Canada avertissent le gouvernement fédéral qu'ils sont mal préparés à la pandémie de coronavirus, soulignant que les travailleurs qui contractent la maladie parce qu'ils ont été obligés de se présenter au travail recevront un traitement de qualité inférieure. Le manque de trousses de dépistage, d'équipement respiratoire et de lits d'hôpitaux est une indication des ravages causés par des décennies de suppressions d'emplois et de services par des gouvernements indifférents à la protection des travailleurs de la santé et aux besoins cruciaux des patients malades. Lundi, un reportage de Reuters a révélé que les 55 millions de masques N95 achetés par l'Ontario à la suite de l'épidémie du SRAS de 2003 ont tous dépassé leur date d'expiration. Malgré les avertissements de l'auditeur général à ce sujet dès 2017, aucune mesure n'a été prise pour les remplacer.

Le centre de soins Lynn Valley à North Vancouver, où le premier décès au Canada dû au COVID-19 est survenu dimanche, offre un microcosme des scènes chaotiques qui se dérouleront bientôt dans tout le pays si des mesures urgentes ne sont pas prises. Les proches des résidents rapportent qu'ils ont été obligés de les nourrir et d'aider au nettoyage du centre parce qu'il ne reste que deux membres du personnel pour s'occuper de 50 résidents. Deux soignants ont été mis en quarantaine, tandis que d'autres ont refusé de se présenter au travail en raison du manque de mesures de sécurité préventives. «Nous avons essayé de les séparer [les résidents], mais c'était l'un des problèmes. Nous ne pouvions pas maintenir les procédures (recommandées par les fonctionnaires) pour protéger tout le monde», a commenté une femme, dont le père de 96 ans vit au centre. «C'est une situation dangereuse et vraiment atroce que nous avons ici».

Les milliers de sans-abri du Canada bénéficient d'un soutien encore moindre. Cathy Crowe, qui a travaillé comme infirmière de rue pendant des années à Toronto avec des sans-abri, a déclaré à la CBC que la combinaison de la surpopulation des refuges, de la toxicomanie et des problèmes de santé chroniques fait que la population de sans-abri de la ville, qui est d'environ 8.000 personnes chaque nuit, court un risque élevé de contracter et de propager la maladie. «Les refuges sont comme une boîte de Petri qui attend l'arrivée de COVID-19», a écrit Crowe dans un article de blogue. «Les conditions de vie dans les refuges sont si difficiles. Selon la personne à qui vous parlez, il y a peut-être 700 à 1.000 personnes qui dorment dehors parce que les abris sont pleins. C'est très lié au risque potentiel qui est maintenant à notre porte», a-t-elle ajouté à la CBC.

Roxie Danielson, une autre infirmière de rue, a demandé au gouvernement d'augmenter de 2.000 le nombre de places dans les refuges afin de réduire le surpeuplement et d'utiliser les motels pour isoler les personnes infectées. «Je suis extrêmement inquiète à ce sujet, car je sais combien cela pourrait être mortel si cela touche le système des refuges», a-t-elle déclaré.

L'échec total de l'élite dirigeante du Canada à protéger les travailleurs et les sans-abri contre la pandémie du coronavirus pose le besoin urgent pour la classe ouvrière d'intervenir avec son propre programme pour protéger la santé et le bien-être de tous. Les travailleurs doivent exiger:

 Des congés de maladie payés pour tous les travailleurs

 Un test gratuit et universel pour le coronavirus

 Un traitement gratuit de qualité et l’égalité des soins pour tous

Pour défendre ces revendications, le Parti de l'égalité socialiste exhorte les travailleurs à former des comités de la base sur les lieux de travail et dans les quartiers afin de coordonner leurs activités, de mobiliser leur force collective, de veiller à ce que les personnes malades bénéficient d'un soutien social et de surveiller les conditions de travail pour assurer un environnement sûr.

(Article paru en anglais le 12 mars 2020)

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