Trudeau exploite la crise du coronavirus pour renforcer l'alliance impérialiste entre le Canada et les États-Unis

Alors que l'élite dirigeante du Canada a perdu des semaines cruciales à entreprendre la lutte contre la pandémie de coronavirus, le gouvernement libéral de Justin Trudeau est soudainement passé à l'action vendredi. Lors d'une conférence de presse, Trudeau a annoncé une série de mesures nationalistes et xénophobes qui étaient clairement motivées par la pression et le désir de coordonner les politiques avec l'administration Trump et l'impérialisme américain.

Comme Trump en début de semaine, le discours de Trudeau, bien qu'en langage moins agressif, a mis l'accent sur la nécessité de renforcer les frontières canadiennes et a présenté le virus comme un problème étranger. S’adressant depuis le Redhall Cottage, où il restera en isolement pendant deux semaines après que sa femme ait été diagnostiquée avec le COVID-19, Trudeau a mis en garde les Canadiens contre tout voyage à l'étranger et a déclaré qu'une «réponse d'Équipe Canada» était nécessaire pour gérer la crise.

Il a également annoncé des restrictions sans précédent pour les voyageurs entrant au Canada, incluant notamment des réductions du nombre de vols et du nombre d'aéroports vers lesquels les passagers peuvent se rendre. «Nous cherchons à réduire le nombre d'aéroports qui accepteront les voyageurs en provenance de l'étranger afin de pouvoir donner les ressources appropriées à toutes les arrivées pour nous assurer que nous faisons tout ce qui est possible pour assurer la sécurité des Canadiens et du Canada», a déclaré Trudeau.

Un groupe de ministres fédéraux, dont la ministre de la Santé Patty Hajdu, la vice-première ministre Chrystia Freeland et le ministre des Transports Marc Garneau, ont dévoilé des mesures supplémentaires lors d'une conférence de presse séparée. Ces mesures comprennent des contrôles de sécurité renforcés dans les aéroports, l'interdiction de tous les navires de croisière au Canada et la recommandation que tous les voyageurs internationaux entrant au Canada passent deux semaines de quarantaine volontaire.

Ces mesures étaient clairement une réponse au discours de mercredi soir de Trump, au cours duquel il a interdit pratiquement tout voyage en provenance d'Europe pendant 30 jours et où il a cherché à rejeter la responsabilité de la pandémie de coronavirus entièrement sur la Chine et l'inaction des puissances européennes. En début de semaine, le ministre canadien des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne, a souligné que les fonctionnaires canadiens étaient en contact quotidien avec leurs homologues américains pour coordonner leurs politiques.

Cette coordination n'a rien à voir avec l'élaboration d'une réponse mondiale concertée à la pandémie, mobilisant systématiquement les ressources du monde entier pour arrêter la propagation du virus et fournir les soins de santé de qualité dont la population a besoin de toute urgence. Au contraire, elle vise à exploiter l'actuelle pandémie mortelle pour renforcer l'alliance impérialiste canado-américaine.

Cela a été souligné vendredi lorsque le gouvernement Trudeau a annoncé un accord avec les conservateurs, les néo-démocrates, le Bloc Québécois et les Verts de l'opposition pour suspendre le Parlement durant cinq semaines. L'une des conditions de l'accord était que le Parlement se hâterait de faire adopter l'accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) avant la fin de la journée. L'accord, qui remplace l'ALENA, contient des dispositions visant à consolider l'Amérique du Nord en tant que bloc commercial continental contre ses rivaux internationaux, surtout la Chine, afin qu'il puisse servir de base à une guerre commerciale et à un conflit militaire.

Vendredi également, la Banque du Canada a annoncé une décision rapide de réduire les taux d'intérêt de 0,5 % pour la deuxième fois en dix jours, injectant ainsi des milliards de dollars dans les coffres des marchés financiers et des grandes entreprises.

Pendant ce temps, les tentatives de tous les niveaux de gouvernement au Canada pour combattre le virus ont été totalement inadéquates. Mercredi, Trudeau a annoncé la somme dérisoire d'un milliard de dollars d'aide au système de santé délabré du Canada, ce qui n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan par rapport aux dizaines de milliards nécessaires pour réparer les dégâts causés par des décennies de mesures d'austérité. Les hôpitaux de l'Ontario et de la Colombie-Britannique font déjà état d'une pénurie de fournitures médicales essentielles, ce qui a pour conséquence le refus de patients en quête de traitement. De plus, les mesures annoncées pour aider les travailleurs qui tombent malades ou qui doivent se mettre en quarantaine volontaire ne représentent qu'une infime partie de ce qui est nécessaire pour fournir à des millions de Canadiens les ressources financières nécessaires pour soutenir leur famille en cas de maladie, de quarantaine ou de perte de revenus due à des fermetures d'entreprises.

L'attitude de la classe dirigeante envers la grande majorité de la population a été résumée dans les commentaires de Hajdu devant le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes mercredi. Après avoir décrit l'épidémie de coronavirus comme une «urgence et une crise nationales», elle a poursuivi en déclarant platement: «Il existe une série d'estimations. Mais je dirais que l'on peut supposer sans risque qu'il pourrait y avoir entre 30 % 70 % de la population de la population qui contracte le COVID-19».

L'article du Globe and Mail qui a rapporté ses propos n’a pas indiqué que quelconque député ait contesté l'incroyable déclaration de Hajdu, qui a accepté les pires pronostics de l'Organisation mondiale de la santé et d'autres experts comme un fait accompli. Personne n'a non plus demandé pourquoi, étant donné que cette crise se développe au niveau international depuis plusieurs mois, rien n'a été fait par le gouvernement canadien pour agrandir les installations hospitalières, acheter des équipements médicaux essentiels, déployer des tests dans toutes les communautés et établir des installations d'isolement pour ceux qui en ont besoin.

Même en prenant comme point de départ la plus petite estimation de Hajdu, cela signifierait que 12 millions de Canadiens seraient infectés. L’avis médical général indique que 15 à 20 % de tous les cas nécessiteront un lit en soins intensifs en raison de problèmes respiratoires, ce qui se traduirait par 2 à 2,4 millions de personnes. En supposant un taux de mortalité de 2 %, qui est bien inférieur à celui de plusieurs pays, 240.000 Canadiens en mourraient. Si la projection la plus grande de Hajdu se réalise, avec un taux d'infection de 70 %, le nombre de décès serait de 560.000.

Il n'y a aucune raison pour que les travailleurs acceptent passivement que la grande majorité de la population au Canada et à l'étranger doive contracter le virus. Ce qu'il faut, ce sont des milliards de dollars d'investissements dans des tests, des soins médicaux de haute qualité et des fournitures, notamment des appareils respiratoires, des masques, des gants et des blouses. Des milliards de dollars supplémentaires doivent être débloqués pour indemniser les travailleurs en cas de perte de salaire, leur permettant de rester chez eux et de suivre les conseils médicaux plutôt que de risquer l'infection en continuant à travailler pour joindre les deux bouts.

Mais rien de tout cela ne viendra de l'élite dirigeante criminelle du Canada. Au lieu de cela, les travailleurs doivent se mobiliser de manière indépendante pour lutter en faveur des mesures urgentes nécessaires pour éviter que la pandémie de coronavirus ne devienne une catastrophe humaine et sociale.

(Article paru en anglais le 14 mars 2020)

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