Alors que les cas de COVID-19 se multiplient au Canada, Trudeau donne la priorité au renforcement des contrôles aux frontières

Le premier ministre Justin Trudeau a tenu une conférence de presse lundi pour annoncer un renforcement des contrôles aux frontières. Plus personne ne peut désormais entrer au Canada, à l’exception des résidents canadiens revenant au pays, les membres de leur famille immédiate, les citoyens américains, les diplomates et les équipages des compagnies aériennes.

Bien que le nombre de cas confirmés de COVID-19 ait plus que doublé au cours des deux derniers jours, pour atteindre les 425, Trudeau n'a rien offert en termes de soutien supplémentaire au système de santé déjà surchargé. Et une fois de plus, il s'est contenté de fournir des détails sur l'indemnisation des travailleurs directement touchés par la maladie, ou qui sont licenciés ou dont les heures de travail sont réduites en raison de fermetures ordonnées par le gouvernement ou de perturbations de la chaîne de production ou d'autres activités.

En isolement au bungalow Rideau en raison du diagnostic positif de sa femme Sophie, Trudeau a également annoncé qu'à partir d'aujourd'hui [mardi], les vols internationaux arrivant au Canada seront limités à quatre aéroports seulement: Montréal, Toronto, Calgary et Vancouver, afin de permettre un meilleur contrôle de tous ceux qui arrivent de l'étranger.

Lors d'une autre conférence de presse, la vice-première ministre Chrystia Freeland a déclaré que tous les voyageurs arrivant au Canada seraient priés de s'isoler pendant 14 jours. Des exceptions seront faites pour les travailleurs essentiels, tels que les chauffeurs de camion et les équipages d'avion.

L'absence de toute mesure supplémentaire pour aider le système de santé surchargé expose la politique de négligence malveillante de l'élite dirigeante canadienne envers la population alors que la pandémie de COVID-19 se propage à un rythme effréné. Comme l'a dit Trudeau lundi, les experts médicaux ont affirmé que le virus se répand de plus en plus hors de contrôle dans tout le pays, avec de nouveaux cas où il n’y a eu aucun contact avec des voyageurs ou des infections COVID-19 déjà enregistrées et qui sont apparus en Ontario et en Alberta.

La médecin en chef du Canada, Theresa Tam, lance l’avertissement que la marge de manœuvre pour aplanir la courbe épidémique est étroite. Avec seulement 25.000 tests effectués à ce jour dans tout le pays, il est largement reconnu que le virus s'est répandu bien au-delà des 425 cas confirmés actuellement et accompagnés de quatre décès.

Le médecin hygiéniste d'Ottawa a dit lundi qu'il pourrait y avoir environ 1000 cas non signalés dans la capitale canadienne et que la transmission communautaire semble être très répandue. À Calgary, les autorités ont invoqué l'état d'urgence suite à une recrudescence des infections au COVID-19.

Le problème croissant de la transmission communautaire a été mis en évidence dimanche par les chiffres des cas en Ontario. Sur les 42 nouveaux cas signalés ce jour-là, 37 n'avaient aucun lien avec un voyage ou un cas de COVID-19 déjà enregistré.

Plusieurs experts médicaux lancent des mises en garde depuis des mois contre un tel scénario et demandent maintenant que davantage de mesures soient prises. «On s'attendait à ce que cela se produise et le but était de se préparer à ce scénario, a déclaré le Isaac Bogoch, médecin spécialiste des maladies infectieuses à l'hôpital général de Toronto. Il est temps d'agir maintenant pour que nous puissions atténuer la propagation de cette infection au Canada.»

Pourtant, au lieu d'agir, notamment en mettant en place un programme entier de tests pour identifier les porteurs de la maladie et en investissant des dizaines de milliards de dollars pour renforcer le système de santé délabré du Canada, le gouvernement Trudeau et les médias du monde des affaires se préoccupent avant tout de sécuriser les avoirs des super-riches et de préserver les intérêts de l’impérialisme canadien. La Banque du Canada a réduit son taux d'intérêt de 0,5 % à deux reprises au cours des deux dernières semaines pour injecter plus d'argent sur les marchés financiers, tandis que le ministre des Finances Bill Morneau a dévoilé un important programme de 10 milliards de dollars canadiens pour les prêts aux entreprises, soit 10 fois plus que ce que le gouvernement fédéral a mis à disposition pour son fonds d'intervention contre le COVID-19.

Les questions des journalistes à la suite des remarques de Trudeau lundi et d'une conférence de presse donnée par ses principaux ministres ont porté sur l'exemption accordée aux citoyens américains pour entrer au Canada. Trudeau et surtout Freeland ont souligné que cela était nécessaire pour protéger les entreprises et le commerce, et garantir les chaînes d'approvisionnement.

Ce qui n’est pas dit, c’est que le gouvernement et l'élite dirigeante canadienne craignent clairement de provoquer une rupture avec l'administration Trump, ce qui se serait sans doute produit si le gouvernement canadien avait pris une mesure étiquetant dans les faits les États-Unis comme un pays à haut risque pour le COVID-19.

Trudeau et ses libéraux se sont efforcés d'étendre le partenariat militaire stratégique de l'impérialisme canadien avec Washington, vieux de trois quarts de siècle, et ont, à cette fin, accru la participation du Canada aux principales offensives militaires stratégiques américaines dans le monde.

Vendredi, le gouvernement Trudeau et les quatre partis d'opposition ont fait en sorte qu'avant la fermeture du Parlement pour cinq semaines en raison du COVID-19, ils ont promulgué l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM). Cet accord, appelé ALENA 2.0, vise à consolider l'Amérique du Nord en tant que bloc commercial sous domination des États-Unis pour mener la guerre commerciale et la guerre tout court contre les principaux rivaux stratégiques des élites dirigeantes américaines et canadiennes, en particulier la Russie et la Chine.

Dans une entrevue accordée au réseau anglais de Radio-Canada vendredi dernier, le chef d'état-major de la défense, le général Jonathan Vance, a déclaré que des mesures étaient prises pour s'assurer que les Forces armées canadiennes restent prêtes au combat et en mesure de contrer tout adversaire qui chercherait à exploiter la crise du COVID-19. Alléguant que deux avions russes s'étaient approchés de l'espace aérien des États-Unis en Alaska le 9 mars, Vance a déclaré à la Presse canadienne que «Nous continuons à faire notre travail, notamment de décourager et, si nécessaire, vaincre les attaques contre le Canada. Et une partie de la dissuasion est notre capacité à intercepter ceux qui s’approcheraient de notre espace aérien et leur dire de ne pas le faire. On ne baisse pas la garde».

L'inquiétude et l'attention accentuées dont font preuve les gouvernements et les institutions de l'État canadien pour défendre les intérêts économiques et géostratégiques de l'impérialisme canadien contrastent de façon frappante avec l'indifférence criminelle dont ils font preuve à l'égard de la santé du grand public.

Deux mois vitaux pendant lesquels Ottawa aurait pu travailler avec les provinces pour mobiliser du personnel et des ressources afin d'arrêter la propagation de la maladie et se préparer à un afflux de victimes du COVID-19 ont été perdus.

Ce n'est que la semaine dernière que Trudeau et Freeland, la ministre responsable de diriger la réponse du gouvernement au COVID-19, ont écrit aux dix premiers ministres provinciaux pour leur demander si leurs gouvernements respectifs étaient prêts à lutter contre l'épidémie de COVID-19, et s'ils prévoyaient une éventuelle pénurie d'approvisionnement.

Le ministère de la Santé de l'Ontario, faut-il ajouter, affirmait encore le mois dernier qu'il était «trop tôt» pour dire si la gestion de l'épidémie du COVID-19 entraînerait des coûts supplémentaires.

Même aujourd'hui, il n'existe pas de recensement précis des fournitures médicales vitales nécessaires pour lutter contre la pandémie, tels les ventilateurs. Bien que jusqu'à 20 % des patients atteints du COVID-19 puissent avoir besoin d'un ventilateur pour survivre, rien n'a été fait pour augmenter le nombre de ventilateurs au Canada, estimé à seulement 5000.

Le Globe and Mail a noté la semaine dernière que le coût d'un respirateur n'est que de 10.000 dollars. La pénurie de ventilateurs au Canada, tout comme l'absence de toute «capacité de pointe» dans les hôpitaux canadiens, témoigne de l'ampleur des ravages que des décennies d'austérité et de réduction des dépenses sociales ont causés au système de santé publique universel.

Les cinq derniers jours ont été marqués par une vague d'annonces improvisées et largement non coordonnées de fermetures d'écoles et autres par Ottawa, les provinces et les trois territoires. Mais peu est dit sur la nécessité de garantir que les travailleurs qui contractent le virus, qui sont mis en quarantaine ou qui sont licenciés en raison des fermetures d’entreprises ou des perturbations dans la chaîne d'approvisionnement soient pleinement indemnisés.

Ainsi le matin du jeudi 12 mars, le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, exhortait les Ontariens à voyager et à profiter de la semaine de vacances scolaires de mars commençant samedi. Mais à peine quelques heures plus tard, le ministre de l'Éducation Stephen Lecce annonçait la fermeture de toutes les écoles de la province pour trois semaines, à la demande du médecin-chef de la province.

Ce n'est pas un hasard si ce n'est que jeudi que le gouvernement libéral fédéral a lancé un appel d'offres d'urgence demandant aux fournisseurs des produits de base pour lutter contre une épidémie tels que des masques chirurgicaux, des sarraus et des gants en nitrile.

Vendredi, Ottawa annonçait que toutes les personnes revenant de l'étranger seraient soumises à un test de dépistage du COVID-19 et qu'il leur serait demandé de se mettre en isolement volontaire pendant 14 jours. Pourtant, en fin de semaine, il n'y a avait toujours aucun contrôle dans les grands aéroports et aucune information quant au programme de quarantaine volontaire. Les voyageurs ont été pris dans de longues files d'attente pour passer les douanes et l'immigration.

(Article paru en anglais le 17 mars 2020)

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