Aux États-Unis et dans le monde, les travailleurs s’indignent de plus en plus d’être obligés de travailler alors que la pandémie de coronavirus se propage et du fait que les entreprises ne prennent aucune mesure pour garantir leur vie et leurs moyens de subsistance.
Mardi après-midi, des travailleurs d’une usine Fiat Chrysler à Tipton, dans l’Indiana, se sont rassemblés devant leur usine avant leur équipe et ont protesté contre l’obligation de travailler alors même que les rassemblements hors du travail étaient interdits dans tout l’État. La direction leur a dit que s’ils ne travaillaient pas, ils seraient licenciés, une menace que le syndicat de l’Automobile UAW a soutenue à une réunion de toute l’usine, pour les intimider et les faire retourner sur les chaînes.
Le même jour, des dizaines de travailleurs de l’usine de pièces détachées de Lear Seating à Hammond, dans l’Indiana, ont refusé de travailler, forçant la fermeture de l’usine et celle de l’usine d’assemblage de Chicago, à proximité. Les chauffeurs de bus de Detroit ont également refusé de travailler dans des conditions dangereuses.
Cette décision fait suite à une action en justice menée lundi par les travailleurs de l’atelier de peinture de l’usine de montage de camions Warren (Fiat Chrysler) dans la banlieue de Detroit. Un arrêt de travail similaire des travailleurs canadiens de Fiat Chrysler avait eu lieu jeudi dernier à Windsor, en Ontario. Ces derniers jours, les travailleurs de l’automobile et d’autres industries ont mené des grèves de grande ampleur en Italie et en Espagne ; les employeurs les avaient contraints à travailler dans un contexte de quarantaine nationale.
Plusieurs travailleurs de l’automobile ont déjà testé positifs, notamment à l’usine d’assemblage de Sterling Heights, près de Detroit. Il ne fait aucun doute que, suite à la décision criminelle de maintenir la production, un nombre bien plus important de travailleurs est déjà infecté.
Les usines de fabrication continuent d’opérer dans tous les États-Unis. Boeing, qui demande des dizaines de milliards de dollars au gouvernement pour se renflouer, force les travailleurs à maintenir les opérations, alors même que la direction a reçu l’ordre de travailler à domicile. Plusieurs employés de Boeing ont déjà contracté le coronavirus qui s’est certainement propagé bien au-delà.
Les travailleurs du secteur des services, qui sont en contact avec des centaines de personnes chaque jour, continuent de travailler.
Amazon embauche des centaines de milliers de travailleurs pour répondre à l’augmentation des achats en ligne. Alors que la direction travaille à domicile, les conditions horribles dans les entrepôts d’Amazon restent les mêmes. Un travailleur a déclaré à Buzzfeed News: «Ils n’offrent aucune solution préventive. Ils offrent seulement le paiement aux travailleurs après qu’on se soit infecté. Mais cela n’aide pas à ralentir la propagation de la pandémie ou à atténuer les souffrances [et] le risque de décès lié à l’infection».
Autrement dit, Amazon sacrifie la vie de ses travailleurs, et tout congé payé qu’elle offre à ceux qui contractent le virus est considéré comme faisant partie des frais généraux, ce qui est plus que compensé par l’augmentation des bénéfices.
Il n’y a aucune raison pour que les travailleurs d’industries non-essentielles au fonctionnement de la société doivent continuer à travailler. Ceux des industries essentielles, comme les soins de santé, doivent bénéficier de conditions de travail sûres. Dans tout le pays, les travailleurs médicaux s’indignent de ce qu’on les oblige à effectuer leur travail crucial dans des conditions très dangereuses, sans l’équipement de sécurité le plus élémentaire.
D’autres travailleurs se sont fait licencier ou ont vu leurs heures de travail et leurs revenus fortement réduits. Le chômage commence déjà à augmenter, et on estime qu’il pourrait atteindre 20 pour cent. Uber, Lyft et d’autres travailleurs de cette branche économique continuent d’être exposés à des conditions dangereuses s’ils peuvent trouver du travail.
Les syndicats ont bloqué à chaque étape les efforts des travailleurs pour prendre des mesures collectives afin de protéger leur santé et leur sécurité ainsi que celles de leurs communautés. Pour ces laquais de l’entreprise, les profits des entreprises priment sur la vie des travailleurs qu’ils prétendent représenter.
Mardi soir, l’UAW, un syndicat criminel dont toute la haute direction est menacée d’inculpation pour corruption au plan national, a annoncé qu’il ne prendrait aucune mesure ; il ne travaillerait qu’avec les entreprises mettant en place «de nouvelles mesures qui augmenteront l’adhésion aux recommandations du CDC sur la distanciation sociale au lieu de travail».
L’UAW a vanté cet accord comme une «fermeture partielle». En fait, la production va se poursuivre, avec tout au plus une réduction des équipes. L’objectif est de maintenir les chaînes de production en activité pour tirer tout le profit possible de travailleurs dont la vie est en danger.
Mardi soir, les travailleurs ont réagi avec indignation sur les médias sociaux. Ils ont commenté l’article de l’UAW sur Facebook annonçant l’accord: «Encore une fois, on ne fait rien. On ne protège pas les travailleurs»; «Pourquoi pas un débrayage massif?»; «Fermez déjà les usines»; «Vous [l’UAW] avez passé des heures à discuter et avez conclu de faire exactement ce qu’on faisait déjà… ça ressemble à vos négociations de contrat!»
Pour empêcher la propagation du virus et sauver des millions de vies, tous les lieux de travail non essentiels doivent être fermés immédiatement! Il ne peut être attendu d’aucun travailleur qu’il mette sa vie en danger. Toute la production doit être réorientée vers les biens de première nécessité comme les équipements de santé. Les travailleurs continueront volontiers à travailler lorsqu’ils sauront que leur travail sauvera des vies. Mais, ils doivent pouvoir le faire dans des conditions sûres, sous la supervision de scientifiques et de professionnels de la santé.
Tous les travailleurs licenciés doivent recevoir un salaire complet, financé par les entreprises et les ressources de l’État. Tous les travailleurs doivent avoir accès à des congés de maladie payés. Le paiement des loyers, des hypothèques et des services publics doivent être suspendus pendant la crise du coronavirus afin de garantir que tout travailleur qui voit ses revenus diminuer puisse se procurer les produits de première nécessité.
L’affirmation qu’il « n’y a pas d’argent » en réponse à ces demandes est la plus absurde de toutes. Toutes ces entreprises ont accumulé des milliards de profits en exploitant leurs travailleurs. Wall Street reçoit des milliers de milliards de dollars. De telles ressources doivent au contraire être affectées à la satisfaction des besoins sociaux urgents.
Pour se battre pour ces revendications, les travailleurs devraient former des comités d’usine et de lieu de travail, indépendants des syndicats corrompus, pour défendre leur santé et leur sécurité.
Les travailleurs devraient utiliser tous les moyens à leur disposition, y compris les réseaux sociaux, pour organiser l’opposition. Ils doivent tenir des réunions et des discussions, tendre la main à ceux d’autres industries et se coordonner avec les travailleurs au plan international. On ne peut garantir les droits des travailleurs par l’action individuelle, mais seulement par la lutte collective.
Celle-ci doit être combinée avec un programme d’action pour défendre l’ensemble de la classe ouvrière. Cela comprend des revendications pour la fourniture de tests complets, de soins de santé gratuits et égaux pour tous. Il faut une réaffectation massive des ressources pour combattre ce virus mortel. Des milliers de milliards de dollars doivent être retirés des mains de l’oligarchie financière et affectés à une réponse coordonnée à la pandémie à l’échelle mondiale.
«Le principe essentiel qui doit guider la réponse à cette crise est que les besoins des travailleurs doivent avoir priorité absolue et inconditionnelle sur toutes considérations de profit patronaux ou de richesse privée. La question n’est pas de savoir ce que la classe dirigeante prétend pouvoir se permettre, mais de savoir ce dont ont besoin des masses de gens» déclarait avant-hier le Comité national du Parti de l’égalité socialiste.
Le moment est venu de s’organiser et de se battre pour ce programme. Il y va de la vie de millions de gens.
(Article paru d’abord en anglais 18 mars 2020)