Washington impose de nouvelles sanctions alors que le nombre de morts du COVID-19 en Iran dépasse les 1000

Le gouvernement américain a imposé une nouvelle série de sanctions économiques punitives contre l'Iran, alors que le pays est confronté à l'une des pires épidémies de la pandémie mondiale de coronavirus sur la planète.

Les nouvelles mesures visent à paralyser les exportations de l'industrie pétrochimique iranienne pour resserrer l'étau sur l'économie du pays en ruine et affamer la population jusqu’à la soumission dans l'espoir d'effectuer un changement de régime. Maintenant, Washington compte non seulement sur la faim, mais aussi sur les décès causés par le virus mortel.

Mercredi, le gouvernement iranien a annoncé que le nombre de morts avait atteint 1.135 personnes sur 17.161 cas d'infection. Il s'agit du troisième plus grand nombre de décès – après la Chine et l'Italie – et le taux de mortalité de la maladie le plus élevé au monde. Comme aux États-Unis, on soupçonne fortement que le nombre officiel d'infections représente une grave sous-estimation de l'ampleur réelle de la propagation de la maladie.

Le secrétaire d'État américain Mike Pompeo a annoncé mardi la nouvelle série de sanctions dans une allocution sur un ton agressif lors d'une conférence de presse du département d'État. Il a affirmé que l'exportation de produits pétrochimiques avait été ciblée parce que ses revenus pouvaient «permettre le comportement violent du régime iranien» et «financer la terreur et d'autres activités déstabilisatrices, telles que les récentes attaques à la roquette contre les forces irakiennes et de la coalition situées au camp Taji en Irak».

Rejetant les demandes mondiales que Washington enlève son régime de sanctions de «pression maximale» contre l'Iran compte tenu de la crise humanitaire et de santé publique mondiale provoquée par la propagation du coronavirus dans le pays, Pompeo a souligné que «les États-Unis continueront d'appliquer pleinement nos sanctions.»

Il est allé plus loin, accusant la Chine de la propagation du «virus de Wuhan» – une phrase martelée par l'extrême droite américaine pour tenter de stigmatiser la Chine et de fomenter la xénophobie – et le gouvernement iranien pour sa propagation en Iran.

Pompeo a accusé «des Iraniens de haut rang d'avoir menti sur l'épidémie du virus de Wuhan pendant des semaines», ajoutant: «Les dirigeants iraniens tentent d'éviter la responsabilité de leurs gouvernements extrêmement incompétents et meurtriers. Le virus de Wuhan est un tueur et le régime iranien est un complice.»

Pour ces motifs, il faudrait inculper le gouvernement Trump comme un «complice» encore plus criminel, étant donné les dénégations persistantes du président américain de fin janvier à février selon lesquelles le coronavirus constituait une menace pour le public américain et ses attaques contre ceux qui soutenaient cette thèse d’avoir lancé de «fausses alertes».

Il ne fait aucun doute que le gouvernement bourgeois et clérical iranien n'a pas alerté le public sur la menace du coronavirus et n'a pas institué de politiques de quarantaine lorsque les premiers décès ont été signalés le 19 février à Qom, la septième plus grande ville d'Iran et un lieu saint pour les musulmans chiites. Parmi ses considérations figurait une élection prévue le 21 février.

Avec Nowruz, le Nouvel An persan, qui arrive vendredi, le gouvernement s'est toujours abstenu d'imposer des mesures strictes de quarantaine. Selon certaines informations, des routes ont été bloquées de Téhéran vers le nord, et le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a donné un rare ordre religieux interdisant les déplacements «inutiles». Des équipes ont également été dépêchées pour contrôler les voyageurs quittant les grandes villes.

Entretemps, le gouvernement a libéré 85.000 autres prisonniers, en plus des 70.000 autres libérés au début du mois pour tenter d'empêcher les prisons de devenir des foyers de propagation du virus. Cela représente l'écrasante majorité de la population carcérale iranienne.

Des heurts ont été signalés entre des factions religieuses extrémistes et la police dans les sanctuaires chiites de Qom qui avaient été fermés sur ordre du gouvernement en raison de leur rôle de source de propagation du virus.

Un médecin iranien s'exprimant mardi à la télévision nationale a lancé l’avertissement que si la population suivait les instructions du gouvernement pour éliminer les déplacements inutiles et observait d'autres directives sanitaires, le nombre de morts pourrait être limité à 12.000. Si elle ne les respectait pas, a-t-elle dit, jusqu'à 3,5 millions de personnes pourraient mourir.

Il ne fait cependant aucun doute que le régime de sanctions imposé par les États-Unis après que le gouvernement Trump a abrogé unilatéralement l'accord nucléaire de 2015 entre Téhéran et les grandes puissances a laissé l'Iran mal équipé pour faire face à l'assaut du coronavirus.

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a écrit sur Twitter mardi que les sanctions américaines avaient «épuisé les ressources économiques de l'Iran, nuisant à sa capacité de combattre # COVID19». Ces mesures punitives, a-t-il ajouté, «tuent littéralement des innocents». S'adressant aux gouvernements mondiaux, il a déclaré à propos des sanctions américaines: «Il est immoral de les observer; cela n'a jamais épargné personne de la colère ultérieure des États-Unis.»

Zarif a ajouté que l'Iran souffre d'une grave pénurie de masques de protection, de trousses de dépistage du coronavirus et de respirateurs médicaux. «Le personnel soignant iranien lutte courageusement contre le COVID-19 en première ligne. Leurs efforts sont entravés par de vastes pénuries causées par des restrictions à l'accès de nos populations aux médicaments et aux équipements», a-t-il déclaré.

Washington a répondu en affirmant qu'il était prêt à fournir une aide «humanitaire» à l'Iran. Ce n'est que de l'hypocrisie. Le régime de sanctions a empêché l'Iran d'obtenir les médicaments nécessaires pour maintenir en vie les patients atteints de cancer et d'autres maladies, sans parler de recevoir les fournitures dont il a besoin pour faire face au coronavirus. Le département du Trésor américain a poursuivi les entreprises vendant des fournitures médicales à l'Iran, tandis que la Banque centrale iranienne a été mise sur liste noire en tant qu'entité «terroriste», ce qui rend impossible pour Téhéran d'effectuer des transactions normales sur les marchés mondiaux.

Lundi, la Chine a dénoncé les sanctions américaines comme «immorales» et a exigé qu'elles soient levées. La Russie a condamné le blocus américain contre l'Iran comme «inhumain» et a déclaré que les sanctions empêchaient l'Iran de contrer la propagation du coronavirus.

Le premier ministre pakistanais Imran Khan, quant à lui, a déclaré à l'Associated Press qu'il était temps de lever les sanctions américaines et que la crise du coronavirus était un «exemple classique» où les considérations humanitaires devraient l'emporter sur les intérêts géopolitiques.

L'Iran a lancé un appel au Fonds monétaire international pour un financement d'urgence de 5 milliards de dollars pour lutter contre le virus. Bien que le FMI ait mis en place un fonds de 50 milliards de dollars à cette fin, il est peu probable qu'il débloque l'argent à Téhéran. Une demande similaire du Venezuela, qui a également fait l'objet d'une campagne de «pression maximale» des États-Unis, a été rejetée par le FMI, qui est largement dirigé par Washington.

Mardi, un haut responsable du gouvernement a déclaré à CNN: «C'est le Tchernobyl iranien», faisant référence à l’effondrement de la centrale nucléaire en Ukraine qui précéda la dissolution de l'Union soviétique par la bureaucratie stalinienne. L'implication est on ne peut plus claire. Washington se frotte les mains à l’idée qu'une propagation dévastatrice et un nombre de morts en masse du coronavirus en Iran puissent faire avancer son objectif de changement de régime.

En même temps, les préparatifs de Washington pour une confrontation militaire avec l'Iran se poursuivent sans relâche. Pour la première fois depuis 2012, le Pentagone a déployé deux groupes aéronavals dans la région du golfe Persique.

Des responsables militaires américains accusent l'Iran d'attaques à la roquette qui ont tué et blessé des soldats américains et d'autres de la «coalition» sur la base irakienne d'al-Taji, au nord de Bagdad. Le Pentagone a répondu à ces attaques par des frappes aériennes qui ont tué à la fois des membres de la milice chiite du Kataib Hezbollah et des membres des forces de sécurité régulières du gouvernement irakien.

On a supposé que les attaques à la roquette avaient été menées en représailles à la frappe d'assassinat de drones américains du 3 janvier qui avait tué le général Qassem Soleimani, l'un des plus hauts responsables du gouvernement iranien, et Abu Mahdi al-Muhandis, le chef de Kataib Hezbollah et commandant adjoint des Forces de mobilisation populaire, qui fait partie des forces armées irakiennes.

Le chef du Commandement central américain, le général Kenneth McKenzie, a décrit le Kataib Hezbollah comme un «groupe par procuration de l’Iran», suggérant que toute attaque contre les troupes américaines en Irak était l'œuvre de Téhéran, malgré l'hostilité populaire écrasante de la population irakienne envers la poursuite de l'occupation militaire américaine et la demande du Parlement irakien que toutes les troupes américaines et étrangères soient expulsées du pays.

Le général McKenzie a également déclaré à un panel du Sénat américain la semaine dernière que la crise du coronavirus pourrait induire les dirigeants iraniens à lancer des attaques militaires. Cet avertissement ne faisait qu'exprimer les propres calculs du Pentagone selon lesquels la catastrophe de santé publique en Iran pourrait créer des conditions plus favorables à une guerre d'agression américaine.

(Article paru en anglais le 19 mars 2020)

Loading