Perspectives

Pas de sauvetage des entreprises! Diriger les ressources financières vers les travailleurs, pas vers l’élite capitaliste!

En ce début de semaine, le nombre de personnes infectées par le virus COVID-19 augmente de façon exponentielle aux États-Unis. La ville de New York, qui est désormais l’épicentre de la pandémie, est menacée d’un effondrement de son système de santé et d’une augmentation tragique du nombre de décès. Un désastre social se déroule actuellement à New York, en Californie et dans l’État de Washington. Les tests de masse qui permettraient de déterminer des épicentres de personnes infectées ne se font pas. Dans une telle situation, il est pratiquement certain que le COVID-19 se propagera rapidement dans les jours et les semaines à venir dans tout le pays.

À mesure que la pandémie s’étend, l’effet économique prend des dimensions sans précédent dans l’histoire des États-Unis. Alors que les gens reçoivent l’instruction de «s’abriter chez eux» et pratiquent la «distanciation sociale», l’économie s’arrête. Les petites et moyennes entreprises, en particulier dans les secteurs du commerce de détail et des services, se retrouvent sans clients et sont contraintes de fermer leurs portes. La nécessité d’arrêter toute production non essentielle signifie que le nombre de chômeurs atteindra rapidement des niveaux qui égaleront et peut-être dépasseront ceux de la Grande Dépression des années 1930.

People wait for an H-E-B grocery store to open Tuesday, March 17, 2020, in Spring, Texas (AP Photo/David J. Phillip)

De larges pans de la classe ouvrière et de la classe moyenne sont menacés de perdre leurs revenus et leur capacité à mettre de la nourriture sur leur table et à couvrir leurs dépenses hebdomadaires et mensuelles. Dans un pays où des dizaines de millions de personnes ont peu ou pas d’économies et vivent de salaire en salaire, la pandémie est une catastrophe sociale, même pour ceux qui ne se trouvent pas infectés par le virus.

Un financement d’urgence pour couvrir entièrement les pertes de salaires de toutes les familles de la classe ouvrière et de la classe moyenne doit être la priorité urgente et inconditionnelle de la réponse économique à la pandémie. Le paiement des hypothèques et des loyers, des prêts automobiles, des frais médicaux, des primes d’assurance, des frais de scolarité et des dettes d’études doit être suspendu pendant toute la durée de la crise sanitaire.

Dans le même temps, les petites et moyennes entreprises doivent recevoir un soutien financier afin de pouvoir éviter la faillite et rouvrir leur entreprise dès que les conditions médicales le permettront.

De l’argent doit également être mis à disposition pour garantir la survie des institutions éducatives, culturelles et autres institutions socialement essentielles.

Ce programme, qui donne la priorité aux besoins et aux intérêts de la classe ouvrière, est diamétralement opposé à la «stimulation fiscale» qui se compte en milliers de milliards de dollars. L’Administration Trump qui élabore cette intervention dans le cadre de négociations à huis clos entre, les dirigeants du Congrès et les cadres des entreprises. Les mêmes négociations secrètes ont lieu dans les autres gouvernements à travers le monde.

Alors que la protection des travailleurs fait l’objet d’un discours trompeur et cynique, le seul but des négociations à Washington est de protéger la richesse et les profits des oligarques financiers des entreprises super riches. Cela a lieu sur une échelle encore plus grande que le renflouement de 2008-2009. Les titans de Wall Street et les conseils d’administration des entreprises exigent que le gouvernement mette à leur disposition des sommes illimitées.

Jusqu’à présent, le gouvernement fédéral a dépensé moins de 10 milliards de dollars pour les secours d’urgence liés à la pandémie. Et pourtant, le Trésor américain a acheté pour 600 milliards de dollars de titres ces dernières semaines, ce qui signifie qu’il a dépensé 60 fois plus d’argent pour soutenir les banques que pour faire face à la crise des soins de santé.

En plus, des plus de 2000 milliards de dollars déjà promis pour soutenir la valeur des actifs financiers détenus par les grandes banques, le Congrès débat d’un plan de sauvetage supplémentaire d’encore 2000 milliards de dollars.

La grande majorité de l’argent proposé consiste en diverses aides aux entreprises sous forme d’exonération de charges sociales et de prêts, y compris des mesures visant spécifiquement les compagnies aériennes et d’autres industries. Moins de 50 milliards de dollars de ce projet de loi financent des mesures d’urgence pour lutter contre la pandémie. Une entreprise à elle seule, Boeing, demande un renflouement plus important que toutes les mesures de santé publique contenues dans le projet de loi.

Tandis que les Républicains et les Démocrates marchandent les détails du plan de sauvetage, ils conviennent que 1) des sommes d’argent massives doivent être données aux grandes entreprises; 2) on ne doit prendre aucune mesure qui limite ou menace la richesse des dirigeants et des grands investisseurs; et 3) les intérêts du système de profit capitaliste et de la propriété privée ne seront pas touchés et ne seront pas contestés. Les banques et les grandes entreprises ne continueront pas seulement à gouverner. Ces institutions, leurs dirigeants et leurs grands actionnaires doivent sortir de la crise plus riche et plus puissante que jamais.

Le New York Times a déclaré dans un éditorial publié hier: «La seule façon pratique de limiter le chômage de masse et de préserver des entreprises auparavant viables est que le gouvernement injecte de l’argent dans le secteur privé.»

La dernière fois qu’on a pris une telle initiative, en réponse au krach de 2008, le résultat a été une véritable aubaine pour les détenteurs d’actifs financiers super riches et aisés. La richesse des 400 personnes les plus riches d’Amérique est passée de 1270 milliards de dollars en 2009 à presque 3000 milliards de dollars en 2019.

Le PDG d’Amazon, Jeff Bezos, avait une valeur nette de 6,8 milliards de dollars en 2009, et en 2018, elle était de 160 milliards de dollars. Warren Buffett avait une valeur nette de 37 milliards de dollars en 2009, qui est passée à 90 milliards de dollars l’année dernière. Le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, ne valait que 2 milliards de dollars en 2009, mais il a vu sa fortune multipliée par 40, atteignant 85 milliards de dollars en 2019. Et le PDG de Tesla, Elon Musk, a vu sa fortune augmenter encore plus rapidement, doublant de 20 milliards de dollars en mai 2019 à 45 milliards de dollars au début de cette année.

En 2019, les entreprises américaines ont dépensé 798 milliards de dollars pour racheter leurs propres actions, un chiffre qui dépasse même celui qui a été dépensé avant la crise financière de 2008.

Les rachats d’actions ont été l’un des principaux moyens utilisés par les dirigeants d’entreprises pour s’enrichir. Comme explique le Harvard Business Review:

Les 465 sociétés de l’indice S&P 500 de janvier 2019 qui ont été cotées en bourse entre 2009 et 2018 ont dépensé, au cours de cette décennie, 4300 milliards de dollars en rachats, soit 52 pour cent du revenu net, et 3300 milliards de dollars en dividendes, soit 39 pour cent de plus du revenu net. Rien qu’en 2018, même avec des bénéfices après impôts à des niveaux records grâce aux réductions d’impôts accordées par les républicains, les rachats par les sociétés du S&P 500 ont atteint le chiffre étonnant de 68 pour cent du revenu net, les dividendes qui prennent 41 pour cent supplémentaires.

Pourquoi les entreprises américaines ont-elles procédé à ces rachats massifs? La majorité de la rémunération des cadres supérieurs des entreprises provient d’options d’achat d’actions et d’attributions d’actions. ils ont eu recours à des rachats sur le marché libre pour manipuler le cours des actions de leur société à leur propre avantage. D’autres investisseurs se spécialisent dans le rachat et la vente d’actions en bourse afin de détenir les actions au moment du payement des dividendes. Les rachats par l’entreprise réduisent le nombre d’actions augmentant ainsi leur valeur et celle de leurs dividendes. Ces détenteurs spéculatifs des actions – des banquiers d’investissement et des gestionnaires de fonds spéculatifs ainsi que les cadres supérieurs des entreprises – profitent au détriment des employés, ainsi que des actionnaires permanents.

L’affreuse réalité des pratiques financières capitalistes et le grotesque pillage des actifs des entreprises réfutent la phrase mensongère qu’on entend entonnée chaque fois qu’on fait référence aux besoins de la classe ouvrière: «Il n’y a pas d’argent!»

Le problème n’est pas l’absence d’argent, mais le contrôle des forces productives de la société par la classe capitaliste.

Le Parti de l’égalité socialiste rejette catégoriquement le sauvetage des entreprises. Nous exigeons que les banques et les entreprises monopolistiques, qui contrôlent des actifs évalués à des dizaines et des centaines de milliards de dollars, soient transformées en organisations publiques contrôlées démocratiquement. Les investissements des petits et moyens actionnaires – dont beaucoup ont investi leurs économies en vue de leur retraite – seront protégés.

Les dirigeants qui, au cours de la dernière décennie, ont pillé ces sociétés dans l’intérêt de leur enrichissement personnel devraient être légalement contraints de verser des dédommagements.

Cette crise, tout comme le krach de 2008, a mis à nu le mythe de l’individualisme capitaliste. Elle a montré clairement que les banques et les entreprises ne peuvent pas survivre sans un soutien massif de l’État.

En formulant ces exigences, le Parti de l’égalité socialiste ne croit pas un seul instant que le gouvernement Trump, ni d’ailleurs un autre dirigé par les démocrates, prendra des mesures qui sapent les intérêts de l’oligarchie financière des entreprises.

C’est pourquoi le programme avancé par le Parti de l’égalité socialiste ne peut être réalisé que par la mobilisation de la classe ouvrière dans les entreprises, et politisée en s'appuyant sur un programme socialiste. Tous les travailleurs qui reconnaissent la nécessité de ce programme devraient rejoindre le SEP.

La pandémie mondiale a déclenché une vague de sentiment socialiste et de militantisme dans des pans importants de la classe ouvrière. La semaine dernière, des grèves sauvages ont forcé la fermeture de l’industrie automobile, et les travailleurs de tout le pays ont refusé de travailler dans des conditions dangereuses. Ces luttes – ainsi que d’autres dans le monde entier – constituent le fondement objectif d’une résolution de la crise par des moyens socialistes. Cela signifierait l’investissement de milliers de milliards de dollars pour lutter contre la pandémie et préserver la vie humaine par l’expansion des infrastructures de santé publique.

Si la classe capitaliste ne rencontre pas d'opposition dans ses efforts pour faire porter le poids de la crise à la classe ouvrière, ce sera au prix de millions de vies. L’humanité a atteint un point où la fonction la plus fondamentale de la société – la préservation de la vie humaine – est incompatible avec le capitalisme.

(Article paru d’abord en anglais 23 mars 2020)

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