Le maire de Détroit confirme le refus de traitement à des patients «extrêmement malades»: «Ce qu'ils disent est honnête»

Le nombre de cas confirmés de coronavirus dans la ville de Détroit et ses banlieues a continué à augmenter de façon spectaculaire vendredi, mettant à rude épreuve le système de santé. Au milieu de l'escalade dramatique des cas, le maire démocrate de Détroit, Mike Duggan, a approuvé, à la télévision nationale, la politique récemment publiée par le système de santé Henry Ford (Henry Ford Health System), qui limite les ressources médicales essentielles, telles que les respirateurs, aux patients les plus susceptibles de survivre au virus, laissant les patients les plus vulnérables mourir.

La carte thermique du département de la santé de Détroit publiée vendredi montre les «points chauds» du coronavirus dans la ville avec un total de 1 075 cas confirmés

Le département de la santé et des services sociaux du Michigan (MDHHS) a indiqué que la ville de Détroit comptait 1.075 personnes atteintes du COVID-19 à 14 heures vendredi, soit une augmentation de 224, ou 26%, par rapport à la veille. Sur le total de 3.657 cas de coronavirus confirmés dans l'État du Michigan, 3.038, soit 83%, se trouvent dans la zone métropolitaine de Détroit, dans les comtés de Wayne, Oakland et Macomb.

Le nombre de décès dus au COVID-19 dans le Michigan est passé à 92 vendredi, dont 23 à Détroit et 77 dans la région de Tri-County. Le MDHSS a également indiqué que l'âge moyen des personnes décédées est de 68,4 ans et que les deux tiers d'entre elles sont des hommes.

Les responsables de la santé de la ville ont donné une image effrayante de la propagation du virus dans tout Détroit vendredi, avec la publication d'une carte thermique montrant les points chauds dans les quartiers où le virus est concentré. Le nombre de personnes atteintes du virus à Détroit a été multiplié par 23 au cours des neuf derniers jours. Au 18 mars, 48 personnes étaient infectées dans la ville.

Comme l'a rapporté hier le WSWS, le système de santé Henry Ford a publiquement reconnu sa politique de rationnement des soins, déclarant que seuls les patients ayant «les meilleures chances de se rétablir» étaient «notre première priorité». Il a ajouté qu'en raison de la pénurie de fournitures et d'équipements, «les patients qui sont traités avec un respirateur ou des soins en unité de soins intensifs peuvent voir ces traitements interrompus s'ils ne s'améliorent pas avec le temps».

Un porte-parole du système hospitalier a déclaré que la politique a été élaborée «dans le cadre d'un document de politique plus large élaboré pour un scénario du pire absolu» et qu'il ne s'agit pas d'une politique active. Cependant, de nombreux rapports d'infirmières des urgences sur les médias sociaux indiquent que les hôpitaux de la région pratiquent déjà cette politique de prise de décision «vivre ou mourir».

Melissa Steiner, une infirmière de l'unité de soins intensifs de Beaumont Health, a posté une vidéo depuis sa voiture, dans laquelle elle s'est effondrée en larmes alors qu'elle décrivait l'unité COVID de son hôpital. Steiner a expliqué dans sa vidéo: «C'est donc aujourd'hui le premier jour où je travaille depuis que notre unité a été désignée comme la deuxième unité COVID de mon hôpital. Et je ne sais pas ce qui s'est passé pendant les 13 dernières heures. Honnêtement les gars, j'ai eu l'impression de travailler dans une zone de guerre – complètement isolée des membres de mon équipe, avec des ressources limitées, des fournitures limitées, des réponses limitées des médecins, parce qu'ils sont tout aussi débordés par les tonnes d'autres choses à faire.

« J'ai donc passé les 13 dernières heures à soigner deux patients gravement malades sur leur lit, en gros toute seule. Et c'est ce que je ferai normalement pendant les mois qui vont suivre, ceux nécessaires pour que le virus meurt. Je suis déjà en train de craquer, alors pour l'amour de Dieu, prenez ça au sérieux. C'est tellement grave.»

Pour la deuxième journée consécutive, la situation à Détroit a fait l’objet d’une couverture médiatique à la télévision nationale. Jeudi, CNN a interrogé le maire de Détroit, Mike Duggan, sur la politique «vivre ou mourir» du système de santé Henry Ford. Duggan s'est résigné à une augmentation du nombre d'habitants de Détroit qui vont mourir en soutenant le programme comme étant prudent, disant: «Henry Ford est l'un des meilleurs systèmes de santé américains, et ce qu'ils proposent est honnête... Tout le monde fait tout ce qu'on peut pour l'arrêter, mais vous seriez irresponsable en tant que PDG d'un système de santé si vous ne prévoyiez pas cette éventualité.»

Cette déclaration n'est pas surprenante étant donné que le maire Duggan a toujours subordonné les installations médicales de la ville aux intérêts des entreprises. Avant de devenir maire de la ville en 2014, M. Duggan était PDG du centre médical de Détroit (DMC), un centre public à but non lucratif situé à proximité du centre culturel de la ville et de l'université d'État Wayne.

Duggan a supervisé la vente de DMC en 2010 à Vanguard Health Systems et a attaqué agressivement le modèle à but non lucratif en le qualifiant de «tueur» des soins de santé à Détroit parce qu'il a longtemps servi de dernier recours pour la population indigente de la ville. En amenant la société d'investissement Blackstone Group à la table des négociations, Duggan a contribué à transformer le seul grand complexe de soins de santé public de Detroit en un établissement qui ne servirait pas les personnes sans assurance maladie.

Duggan a également été en première ligne de la campagne visant à couper le service d'eau aux habitants de Détroit incapables de payer leurs factures d'eau. Depuis 2014, la ville a coupé l'eau à 141.000 comptes de la ville, et l'année dernière, 23.000 ménages ont vu leur service coupé. Ce besoin fondamental de la vie est aujourd'hui plus que jamais essentiel à la survie dans une ville envahie par le coronavirus. Si une hygiène personnelle scrupuleuse est essentielle pour éviter la maladie, des dizaines de milliers de personnes ne peuvent se laver les mains, se baigner, se doucher ou faire la vaisselle ou le linge.

Malgré la promesse faite le 9 mars par le maire Duggan et le gouverneur démocrate Whitmer de rétablir le service d'eau grâce au «Programme de redémarrage de l'eau pour le coronavirus», le service n'a été rétabli que pour 850 foyers, laissant plus de 5.000 foyers sans eau.

C'est dans des conditions d'immense pauvreté, de chômage, de bas salaires et d'absence d'assurance maladie ou d'accès aux installations médicales que la santé générale des habitants de la ville s'est détériorée de façon spectaculaire au cours de la dernière décennie. Toutes ces circonstances contribuent à la propagation explosive du coronavirus à Detroit, actuellement en cours.

En plus de l'augmentation des cas parmi les résidents, la radio publique du Michigan a rapporté vendredi qu'il y a maintenant 24 cas confirmés de coronavirus parmi les détenus de huit prisons de l'État du Michigan et neuf cas parmi les agents pénitentiaires.

Byron Osborn, de l'Organisation correctionnelle du Michigan (Michigan Corrections Organisation), le syndicat des travailleurs de la prison, a déclaré: «Le problème est la capacité à éloigner réellement les gens à l'intérieur de l'établissement, c'est là que se situe le problème.» Osborne a déclaré qu'avec le manque de personnel dans les prisons du Michigan, la propagation de COVID-19 va aggraver les choses. Il a averti qu'un «raz-de-marée» de détenus infectés s'annonce.

Le Dr Homer Venters, épidémiologiste au Collège de santé publique mondiale de l'Université de New York et ancien médecin en chef du système pénitentiaire de New York, a déclaré à la radio publique du Michigan: «Je pense que la plupart de nos gouverneurs et de nos décideurs politiques et certainement le CDC n'ont pas encore envisagé à quel point ce sera horrible en termes de décès de personnes qui ne devraient pas mourir.

«L'essentiel est de faire en sorte que ces installations soient moins encombrées, et surtout moins remplies de personnes qui présentent des facteurs de risque de maladie grave et de décès.»

Venters a ajouté que les prisons d'État ne sont pas prêtes à transférer un grand nombre de détenus très malades vers des hôpitaux extérieurs, et que les hôpitaux ne sont pas préparés à un tel afflux. Il a dit: «Ce que vous faites, c'est que vous créez une atmosphère vraiment toxique qui peut rapidement devenir violente.»

(Article paru en anglais le 28 mars 2020)

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