Porte-avion Charles de Gaulle: Plus de mille marins postifs au COVID-19

Avec à son bord 50 cas de marins avérés positifs au COVID-19, le porte-avion Charles de Gaulle a accosté dimanche dernier sur le port de Toulon avec 10 jours d’avance pour mettre les marins en quarantaine. Après des tests de dépistage, le ministère de la Défense annonce vendredi 1.081 marins contaminés sur le Charles de Gaulle et son escorte, sur 2.010 testés.

Parmi eux, 24 marins sont actuellement hospitalisés, dont un en réanimation et 545 marins présentent des symptômes.

Depuis le 21 janvier, le Charles de Gaulle était en mission en Méditerranée, dans le cadre de l’opération Chammal visant la Syrie et l’Irak, pour une mission devant se terminer le 23 avril dans l’Atlantique. En Atlantique Nord, selon la Marine, il devait «approfondir la connaissance des zones traversées et contribuer à la stabilisation de l’espace euro-méditerranéen et euro-atlantique». Son escorte incluait des frégates allemandes, belge, espagnole et portugaise.

La colère se répand dans l’équipage du porte-avion, dont le commandant s’était vu refuser la permission d’accoster à Brest le 13 mars pour mettre fin à la mission après que les premier cas se soient déclarés à bord. Un mois avant d’accoster sur le port de Brest, le porte avion avait accosté à Chypre. Il semblerait que les premiers cas se soient déclarés après 5-8 jours d’incubation et qu’ils se soient répandus très rapidement.

Un marin originaire du Var a dit: «L’armée a joué avec notre santé, notre vie. … Les mesures barrières étaient difficiles à respecter à bord du porte-avion».

Les marins contaminés sont parmi les victimes de la spirale de guerre impérialiste au Moyen Orient visant l’Iran, la Russie, et la Chine. Dans le sillage de Washington, Paris montre les muscles face à l’activité russe, en Méditerranée où Moscou agit en soutien au régime syrien mais aussi en Europe. Faisant passer d’abord ses intérêts géostratégiques impérialistes, notamment l’intensification des menaces de guerre contre la Russie et la Chine, le gouvernement Macron a méprisé la santé des marins, d’où le refus du débarquement des marins le 13 mars à Brest.

Ce désastre rappelle celui à bord du porte-avion américain USS Theodore Roosevelt, dont le commandant a été limogé pour avoir demandé l’évacuation du navire, dans le Pacifique, face à la contamination galopante de son équipage.

Le ministre américain de la Défense Esper a refusé l’évacuation de l’équipage se préparant à tout conflit possible même en période de pandémie: «Je vais m’appuyer sur le commandement de la Navy qui va (...) s’assurer qu’il fournit au commandant et à l’équipage tout le soutien dont ils ont besoin pour assurer le rétablissement des marins et faire repartir le navire». Des centaines de marins américains ont été contaminés à cause de la volonté de Washington de montrer des muscles contre la Chine dans le Pacifique. Ils sont traités à présent sur la base navale de Guam.

De même, la contamination en masse de l’équipage du Charles de Gaulle se serait déroulée après que la Marine ait refusé un appel de son commandant à débarquer les marins en urgence.

Selon LExpress, «dès le 13 mars, le ‘pacha’ – ainsi surnomme-t-on le commandant – du navire aurait adressé un message à sa hiérarchie afin de stopper la mission. Alors qu’il se préparait à entrer dans le port de Brest pour y faire une halte de 3 jours, des cas de COVID-19, ou suspectés comme tels, s’étaient déjà déclarés à bord. Le capitaine de vaisseau Guillaume Pinget s’en serait inquiété et aurait donc demandé à pouvoir zapper le déplacement du groupe aéronaval vers le nord pour rentrer à Toulon, son port d’attache, et confiner l’ensemble de ses hommes afin d’éviter le pire.»

A présent, l’armée française a entamé une opération inédite de débarquement et de placement en isolement sanitaire de 1.900 marins. La porte-parole de la préfecture maritime de Toulon, Christine Ribbe expliquait: «Notre objectif est de protéger tous nos marins mais aussi leurs familles et les Français en déployant un dispositif inédit d’accueil que l’on veut le plus humain, le plus coordonné, le plus concerté mais aussi le plus efficace».

Une opération logistique lourde de débarquement de tout l’équipage a été nécessaire. Les marins ont été évacués par des moyens nautiques ainsi que par bus, camions et autres véhicules pour éviter tout contact avec l’extérieur et ainsi réduire le risque de nouvelles contaminations. Une opération de décontamination du bâtiment ainsi que des aéronefs a commencé mardi pour permettre «de recouvrer au plus tôt leur pleine capacité opérationnelle», selon le ministère des Armées.

Les marins testés positifs, ainsi que ceux qui présentent des symptômes ont été «transférés vers des lieux dédiés … en accord [avec] les services de santé des armées et l’hôpital militaire (toulonnais) de Sainte-Anne». Ce n’est qu’à l’issue de la quarantaine sanitaire et de tests que les équipages du Charles-de-Gaulle, qui croisait dans l’Atlantique, pourront rejoindre leurs foyers.

Ribbe a assuré que «Tout le monde sera testé». Les militaires, quelque 1.700 personnes qui servaient sur le Charles-de-Gaulle et plus de 200 de la frégate qui l’accompagnait, seront confinés pour un isolement sanitaire de deux semaines, sans contact avec leur famille, «sur des emprises militaires du Var et de la région».

Celyne Flandrin, l’épouse d’un marin contaminé par le coronavirus a fait part du désarroi des proches de l’équipage. «L’hygiène à bord est maintenue, les gestes barrière étaient là», l’équipage tentait de respecter «les mêmes restrictions que nous pouvons connaître à cause du confinement», les bars et autres services non-essentiels étant fermés. Toutefois, comme dans tous les porte-avion, «la taille, à l’intérieur des parties communes, est assez restreinte, assez serrée».

Vendredi, le porte-parole de la Marine nationale, le capitaine de vaisseau Eric Lavault, assurait que les mesures de précaution applicables à l’ensemble du pays avaient été respectées. Il a également démenti les informations de LExpress selon lesquelles Pinget aurait demandé de stopper la mission, affirmant sur RTL: «Très officiellement, je démens cette information. Elle est erronée.»

Lavault a toutefois avoué que de nombreuses interrogations subsistent autour de l’escale à Brest et exigé avec incohérence que l’on s’abstienne de chercher les causes du désastre: «Je pense qu’il faut bien se garder, comme je le constate actuellement, de dresser des hypothèses. On a tous en tête effectivement l’escale de Brest, mais il y a probablement d’autres hypothèses et c’est l’enquête épidémiologique qui répondra.»

Mais dès mercredi, la journaliste Justine Brabant avait pointé dans Médiapart des dysfonctionnements ayant mené à la mise hors-service du porte-avion. Quatorze jours après l’escale à Brest du 13 au 16 mars, le commandement avait assoupli les mesures barrières entre les marins.

Comme le disent les marins eux-mêmes, cet évènement révèle que la Marine et le gouvernement les traitent comme de la chair à canon, tout comme les travailleurs à qui Macron impose la reprise du travail sans que le virus ne soit maîtrisé, risquant ainsi des dizaines de milliers de morts.

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