COVID-19: Les travailleurs canadiens des transports en commun protestent contre le manque de protection

Les chauffeurs et mécaniciens d'autobus de Toronto, membres de l'Amalgamated Transit Union (ATU), ont organisé plusieurs arrêts de travail spontanés au cours des cinq derniers jours en raison de l'incapacité de la direction de la Toronto Transit Commission (TTC) à leur fournir une protection adéquate contre le coronavirus hautement contagieux et potentiellement mortel. Les refus de travail ont commencé mercredi soir après l'annonce qu'un autre employé de la TTC, un conducteur de métro, avait été contaminé par le COVID-19.

À ce jour, 19 travailleurs du TTC ont été testés positifs. Si l'on inclut les travailleurs des trains de banlieue GO et ceux des autres services, au moins 50 travailleurs des transports en commun de la région de Toronto ont été infectés.

Mercredi soir, 33 conducteurs du garage du Queensway de la TTC et 5 autres travailleurs du dépôt Wilson ont refusé d'être affectés à leurs tâches. Au Queensway, les travailleurs se sont rassemblés pour dénoncer vigoureusement la direction, en criant: «On refuse de continuer ainsi». Les travailleurs du TTC ont exigé que la direction leur fournisse un équipement de protection individuelle (EPI) approprié, des masques faciaux efficaces, ainsi qu'un nettoyage en profondeur de leurs zones de travail.

Autobus de la commission de transport de Toronto (Source: Steve Harris Flickr)

En raison de précédents refus de travail et d'autres agitations, les travailleurs ont réussi à obtenir certaines protections: des barrières en plexiglas pour les conducteurs, l'embarquement des passagers par les portes arrière, la fourniture de gants et de désinfectant pour les mains et la limitation du nombre de passagers dans les autobus. Après s'être initialement opposée à la fourniture de masques de protection, la TTC a changé de cap et a accepté de les distribuer. Cependant, elle n'a commencé à les distribuer à certains travailleurs que ce week-end, suite à l’intensification des actions des travailleurs.

Au Canada, lorsqu'un refus de travailler est opposé en invoquant les protections en matière de santé et de sécurité au travail, un inspecteur du ministère du Travail doit se rendre sur les lieux pour statuer sur le problème en question. Depuis l'épidémie de COVID-19, des dizaines de refus de travail ont été enregistrés dans tout le pays, dans de multiples secteurs d'activité. Cependant, les inspecteurs du gouvernement ont régulièrement rendu des décisions à l'encontre des travailleurs qui protestaient. Aux garages Queensway et Wilson, les inspecteurs ont décidé jeudi que les travailleurs devaient retourner à leur poste.

Le samedi matin, un autre arrêt de travail a commencé au garage du Queensway, dirigé par au moins une douzaine de mécaniciens. Quatre travailleurs y ont été diagnostiqués avec le virus et quatre autres présentent maintenant des symptômes. Les travailleurs ont exigé qu'une épidémie localisée soit déclarée au garage et que le site soit fermé pendant deux semaines en attendant que des mesures efficaces de nettoyage en profondeur soient prises. Un nettoyage antérieur des locaux ne s'est pas avéré efficace. L'établissement emploie 100 mécaniciens et 600 chauffeurs. Tous les employés seront désormais soumis à un test de dépistage. L'arrêt de travail s'est poursuivi au moins jusqu'à dimanche matin.

Depuis le début de la crise du coronavirus, les travailleurs du TTC ont pris une initiative importante dans la lutte pour préserver leur santé et leur sécurité. Le mois dernier, les travailleurs de l'équipe de l'après-midi du TTC affectés au nettoyage des tramways du dépôt Roncesvalles ont refusé d'exercer leurs fonctions. Ils ont invoqué l'incapacité de l'employeur à «maintenir des précautions raisonnables pour protéger les travailleurs» contre la propagation du COVID-19. Suite à leur action, l'heure de pointe matinale de la ville a connu quelques retards.

La direction des TTC est pleinement consciente de la colère croissante des travailleurs face à leur incapacité à prendre des précautions de sécurité adéquates dans un contexte de pandémie mondiale. Lorsqu'on a insisté sur ce point après l'action de Roncesvalles, le porte-parole de la Commission, Stuart Green, a reconnu que ses plans d'urgence comprenaient des scénarios visant à modifier les horaires des transports en commun si des actions plus générales des travailleurs devaient s'ensuivre.

Le conflit à la TTC reflète un processus plus large de polarisation sociale en cours au Canada et dans le monde. Alors que les travailleurs des transports en commun, les infirmières, les médecins, les épiciers, les livreurs et d'autres ont fait grève et protesté pour obtenir des conditions de travail sûres et des mesures décisives pour lutter contre la pandémie, la réaction de l'élite dirigeante au COVID-19 a été caractérisée par une négligence maligne. Les gouvernements et les directions d'entreprises du monde entier forcent les travailleurs à rester au travail dans des conditions dangereuses et font passer le profit privé avant la vie humaine.

Les travailleurs des transports en commun au Canada et à l'étranger ont bravé la menace du virus pour que le personnel des soins de santé et des épiceries ainsi que d'autres travailleurs essentiels puissent continuer à se rendre à leur travail. Mais ils ont payé un lourd tribut pour l’inaction de leur direction. Aux États-Unis, en date de la semaine dernière, 50 travailleurs des transports en commun de la ville de New York sont morts du virus. L'ATU a fait état de 16 décès dus à des épidémies de coronavirus à Boston, Detroit, La Nouvelle-Orléans et Saint-Louis. Le syndicat des travailleurs des transports a fait état de 7 autres décès. En réponse à cette menace mortelle, les travailleurs des transports ont organisé leurs propres arrêts de travail spontanés à Detroit et à Birmingham, en Alabama.

À Montréal, une grève sauvage a éclaté jeudi parmi les travailleurs d'entretien de la Société de transport de Montréal. Le débrayage a eu lieu pour défendre Gleason Frenette, un dirigeant syndical local, qui a été suspendu pendant 25 jours après avoir dénoncé l'incapacité de la direction à mettre en place une distanciation sociale et à fournir des EPI aux employés. Plus tard jeudi, le Tribunal administratif du Québec a ordonné aux travailleurs de retourner à leur travail, affirmant que le transport en commun est un «service essentiel». 14 chauffeurs de bus de Montréal ont déjà été infectés par le COVID-19. Des centaines d'autres n'ont pas été testés, mais ont été déclarés malades avec des symptômes.

À Edmonton, des travailleurs de la base ont appelé à des arrêts de travail et ont lancé une pétition en ligne qui déclare: «Il est clair pour les travailleurs de première ligne que ceux qui sont au pouvoir aggravent la crise. En remplissant inutilement les bus et les trains, en ne fournissant pas suffisamment d'EPI aux travailleurs et en ne nettoyant pas fréquemment les véhicules, les transports publics sont devenus un vecteur mortel pour la transmission du virus».

Les travailleurs ne peuvent se protéger, ainsi que leurs familles, contre ce virus mortel qu'en menant une action collective indépendante contre les grandes entreprises et leurs laquais dans l'establishment politique, afin de lutter pour des mesures urgentes de lutte contre le coronavirus à l'échelle mondiale. Ces mesures devraient inclure:

- Un dépistage accessible et universel! Aucune dépense ne peut être épargnée pour rendre disponible le dépistage gratuit à tous ceux qui présentent des symptômes.

- Traitement gratuit de qualité et égalité des soins! Les soins médicaux les plus avancés doivent être mis à la disposition de tous, quels que soient les revenus ou la couverture d'assurance.

- Congés de maladie payés pour tous les travailleurs! Personne ne doit être contraint de travailler s'il est malade ou s'il a été exposé au coronavirus, ce qui met en danger sa vie et celle des autres.

- Protégez les réfugiés, les prisonniers et les sans-abri! Chacun doit avoir accès à des conditions de vie de qualité et de propreté pour éviter la propagation de la maladie.

- Des conditions de travail sûres! Tous les travailleurs doivent bénéficier d'un environnement de travail sûr et être protégés contre la propagation du virus. Lorsqu'il y a un danger, les lieux de travail et les écoles doivent être fermés et les employeurs et l'État doivent verser des indemnités complètes. Les travailleurs de la santé et les autres travailleurs essentiels doivent recevoir tout l'équipement et les ressources nécessaires pour les protéger contre le coronavirus.

(Article paru en anglais le 20 avril 2020)

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