Plus de 50.000 morts aux États-Unis, les travailleurs font grève contre la campagne de retour au travail

Le nombre de morts dus à l’épidémie de COVID-19 a dépassé vendredi la sinistre marque des 50.000 aux États-Unis. Bien que ne représentant que cinq pour cent de la population mondiale, ils comptent désormais pour un quart des décès dus à COVID-19 dans le monde.

Il y a tout juste un mois, le nombre total de décès aux États-Unis était inférieur à 1.000. Au cours des deux dernières semaines, environ 2.000 personnes sont mortes en moyenne chaque jour. Le nombre de décès a doublé en dix jours.

Le nombre de personnes tuées par le coronavirus, selon les chiffres officiels, est maintenant supérieur au nombre de morts au combat pendant la guerre d’Indépendance américaine, la guerre du Vietnam et la guerre de Corée. D’ici quelques jours, il éclipsera le nombre de morts américains pendant la Seconde Guerre mondiale.

Rien n’indique que la pandémie est contenue aux États-Unis. Vendredi, le pays a enregistré le plus grand nombre de nouveaux cas jamais enregistrés, soit 38.000, malgré les affirmations constantes que les États-Unis «aplatissent la courbe».

Malgré que les États-Unis n’aient ni les tests, ni le suivi des contacts, ni les systèmes de quarantaine nécessaires pour lutter contre la propagation de la pandémie, les gouverneurs, avec l’encouragement de l’Administration Trump, rouvrent de façon irresponsable les entreprises dans tous les États du pays.

La Géorgie a autorisé hier la réouverture des salons de coiffure, des clubs de gym, des salons de manicure et de tatouage. Elle autorisera l’ouverture des restaurants pour le service à table lundi.

La Floride a commencé à rouvrir ses plages vendredi dernier et la Caroline du Sud ses commerces lundi. L’Oklahoma a autorisé certains détaillants à rouvrir vendredi. Le Texas et le Tennessee ont également annoncé qu’ils allaient assouplir les restrictions imposées aux entreprises, le lieutenant-gouverneur du Texas, Dan Patrick, déclarant qu’il y a «des choses plus importantes que de vivre».

Aucun de ces États ne respecte les directives fédérales en matière de réouverture, qui prévoient une diminution sur deux semaines du nombre de tests positifs. Mais les mesures prises par les gouverneurs le sont dans le cadre d’une campagne menée par le président américain Donald Trump pour que les entreprises rouvrent avec un «big bang», quel que soit le degré de maîtrise de la maladie.

Les lieux de travail ont été une source majeure de transmission du COVID-19. Une usine de Tyson Foods dans l’Iowa a contaminé des centaines de travailleurs. Une centaine d’autres sont tombés malades dans une usine Tyson de Washington, et une autre centaine dans une usine en Géorgie.

Les entreprises automobiles basées à Detroit ont décidé de redémarrer la production début mai Fiat Chrysler et Toyota ayant demandé aux travailleurs à être prêts à se présenter au travail le 4 mai. General Motors a demandé aux travailleurs de se présenter le 27 avril sur une base volontaire et d’être prets à redémarrer la production dès le 4 mai.

Plus de 26 millions de travailleurs se trouvant sans emploi au cours du dernier mois, les entreprises utilisent la menace du licenciement, qui les rendrait inéligibles à l’obtention d’ allocations chômage, pour les forcer à reprendre le travail.

«Les travailleurs américains qui refusent de reprendre leur emploi parce qu’ils craignent d’attraper le coronavirus ne devraient pas compter sur des allocations chômage», a rapporté Reuters hier.

Les experts en matière de travail ont noté que refuser aux travailleurs le droit au chômage était un facteur important dans l’ordre de retour au travail des États. «Je pense que l’un des principaux moteurs de cette décision [du gouverneur de Géorgie], Tom Kemp, est de rayer les gens de la liste des chômeurs et de faire que le secteur privé les maintienne à flot», a déclaré à Reuters James Radford, avocat spécialisé dans l’emploi.

Le Wall Street Journal a été en première ligne pour exiger que des vies soient sacrifiées pour le bien du marché boursier. Ce journal a demandé que les entreprises soient indemnisées des procès intentés par les employés qui attrapent le COVID-19 au travail.

«Les firmes porteuses de plaintes ciblent également les employeurs s’ils rouvrent leurs portes et que des travailleurs ou des clients tombent malades», a déclaré le journal. «Le virus peut se propager facilement parmi les travailleurs dans des espaces confinés, et les infections ont obligé certaines usines de conditionnement de la viande et des installations alimentaires à fermer… Les États doivent leur accorder une protection juridique».

En réponse aux demandes de retour au travail des employeurs dans des conditions dangereuses, les travailleurs aux États-Unis et dans le monde entier réclament leur droit à un lieu de travail sûr.

Vendredi, au moins 300 travailleurs de 50 sites d’Amazon se sont portés malades pour protester contre le manque de protections sanitaires dans les entrepôts. L’entreprise a maintenu ses activités tout au long de la pandémie. Au cours des dernières semaines, Amazon a licencié six employés ayant réclamé de meilleures protections pour les travailleurs.

Des centaines d’étudiants de l’université de Columbia se sont mis en grève pour exiger la suspension des loyers et la rémission des frais de scolarité pour tous les étudiants pendant la pandémie.

À la maison de repos du Centre Monica pour la réhabilitation et les soins de santé, dans le sud de Philadelphie, 130 travailleurs ont voté en faveur d’une grève, réclamant la fin des conditions dangereuses qui ont conduit le COVID-19 virus à dévaster l’établissement.

Une travailleuse de Fiat-Chrysler à l’usine Jefferson North Assembly de Detroit a déclaré au World Socialist Web Site: «Je ne suis pas opposé à un retour au travail, mais je veux être en sécurité quand j’y vais. J’ai un mari, j’ai des enfants. Je ne veux rien leur ramener».

«Vous aurez les tables qui ressemblent au bloc cellulaire B à la prison. Nous serons toujours au coude à coude. Quelqu’un vous toussera à la figure».

En parlant des constructeurs automobiles, elle a ajouté: «Ils se fichent bien de nous tuer. Ils pensent: “Nous avons versé suffisamment d’argent pour le chômage, il est temps de les remettre au travail”».

L’avionneur Boeing a repris cette semaine la production dans ses usines américaines, ce qui est considéré comme un test pour la reprise de la production industrielle. Un nombre important de travailleurs de Boeing ont boycotté le retour au travail cette semaine.

Vendredi, des centaines de personnes ont participé à une manifestation ralentissant la circulation devant la résidence du gouverneur de Géorgie. Les pancartes disaient «Restez chez vous! Ce n’est pas le moment d’ouvrir» et, «Il est trop tôt pour rouvrir la Géorgie». Au cours de la dernière semaine, des infirmières et d’autres travailleurs de la santé en Arizona, en Virginie et dans d’autres États ont affronté des manifestants d’extrême droite qui exigeaient un retour au travail dans des conditions dangereuses.

Des événements similaires se produisent partout dans le monde.

La résistance au redémarrage de la production non essentielle se poursuit au Mexique, avec des grèves, la semaine dernière, des travailleurs des pièces automobiles à Ciudad Juárez. Des centaines de travailleurs d’usines exploitées par «Electrical Components International» ont notamment réclamé leur renvoi en quarantaine avec leur plein salaire.

En France, les enseignants ont déposé un préavis de grève officiel. Ils exigent que le gouvernement Macron mette en œuvre une série de mesures de sécurité avant la réouverture des écoles prévue en mai.

En Grande-Bretagne, les travailleurs du National Health Service de Leeds refusent de travailler par équipe après avoir été privés d’équipements de protection individuelle adéquats dans les services de santé mentale. Une infirmière en santé mentale de Leeds, Khulisani Nkala, âgée de 46 ans, est morte du virus. «Le gouvernement fait croire que le port de masques chirurgicaux protège contre la contamination. Ce n’est pas le cas. Je pourrais tout aussi bien avoir un mouchoir sur le visage», a déclaré une infirmière au Yorkshire Post.

Depuis le début, l’Administration Trump, qui parlait au nom de l’oligarchie financière, n’a eu qu’une seule préoccupation quant à la pandémie de COVID-19: la préservation et la croissance des valeurs boursières et des marges bénéficiaires des grandes entreprises.

La résistance des travailleurs aux demandes de l’Administration Trump et des employeurs pour un retour au travail dangereux converge avec les déclarations des scientifiques et des prestataires de soins de santé de premier plan qui ont clairement indiqué qu’il était irresponsable de rouvrir des entreprises dans des conditions où la maladie était très loin d’être contenue.

La lutte pour défendre la vie et les moyens de subsistance des travailleurs et de la population dans son ensemble est inséparable de la lutte contre le système capitaliste et la transformation socialiste de la société.

(Article paru d’abord en anglais 25 avril 2020)

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