L’Alliance nationale tamoule soutient le régime de Rajapakse au Sri Lanka et sa gestion du COVID-19

L’Alliance nationale tamoule (TNA) soutient ouvertement le président sri-lankais Gotabhaya Rajapakse alors qu’il renforce les pouvoirs autocratiques de la présidence et s’appuie de plus en plus directement sur l’armée dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Le porte-parole de la TNA, M.A. Sumanthiran, l’a clairement exprimé dans ses déclarations publiques, au moment même où la classe ouvrière est de plus en plus en colère contre la façon dont le gouvernement gère le confinement.

La TNA a tenu une réunion à huis clos lundi avec Mahinda Rajapakse, l’ancien président, l’actuel premier ministre et le frère de l’actuel président. Tous les deux, ils sont méprisés pour avoir supervisé le massacre de civils tamouls sans défense et de combattants vaincus des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) dans les derniers jours de la guerre civile sri-lankaise de 1983-2009.

Rajapakse est tellement détesté qu’aux élections présidentielles de 2019, la TNA s’est sentie obligée d’appeler à voter pour le candidat de droite du Parti national uni (UNP), Sajith Premadasa, contre lui. En effet, sous la direction de Mahinda Rajapakse, une vague d’enlèvements a eu lieu où des escadrons de la mort utilisaient des fourgons blancs pour enlever des opposants à la guerre, tant cinghalais que tamouls, et les assassinaient. L’année dernière, la TNA a donc appelé à un vote contre Rajapakse, disant que personne ne devrait voter pour un dictateur. Cette semaine, cependant, Sumanthiran et d’autres responsables de la TNA l’ont rencontré et ont ensuite exigé que la population se soumette à sa volonté.

Après la rencontre secrète avec Mahinda Rajapakse, Sumanthiran a fièrement déclaré aux médias: «Notre position dans cette situation est que tout le monde doit coopérer et soutenir le gouvernement. C’est ce qui est le plus important pour nous. Nous sommes venus à cette réunion et nous donnons notre pleine coopération à l’État. Dans cette situation, on ne peut se permettre les opinions et les désaccords politiques. Cela doit se faire non seulement dans notre pays, mais aussi dans le monde entier».

Sumanthiran exige une soumission totale aux frères Rajapakse alors que les rumeurs et les craintes d’un coup d’État militaire à Colombo se multiplient, étant donné qu’ils profitent du confinement pour étendre l’occupation militaire du nord à majorité tamoule vers le reste du pays. Rajapakse a également dissous le parlement sri-lankais le 2 mars et a convoqué de nouvelles élections pour le 25 avril. Après l’imposition d’un couvre-feu et d’un confinement le 20 mars, il a ensuite reporté les élections au 20 juin.

Auparavant, la TNA avait signé une lettre des six partis qui exigeait que Rajapakse convoque à nouveau le parlement. La réouverture du parlement sri-lankais n’aurait rien offert aux travailleurs et la TNA ne l’a proposée que pour se positionner symboliquement en tant qu’opposant aux frères Rajapakse. Cependant, elle a maintenant abandonné cette prétention.

Sumanthiran soutient ouvertement le régime de Rajapakse, alors que la colère des masses se développe contre lui. En vertu du couvre-feu et du confinement en vigueur depuis le 20 mars, dans lequel ils ont reçu une assistance totalement inadéquate, les travailleurs souffrent de la faim et sont au bord de la famine. Le manque d’argent pour l’achat de denrées alimentaires, les suppressions d’emploi et les plans d’un retour au travail forcé en pleine pandémie de coronavirus créent des conditions impossibles pour les travailleurs.

De plus, le gouvernement prépare des versements massifs aux grands investisseurs et des renflouements pour les banques et les grandes entreprises. Selon les reportages de la presse bourgeoise, l’État sri-lankais a une dette extérieure et intérieure de 72 milliards USD, ce qui équivaut à 82 pour cent du PIB du Sri Lanka. Sur ce montant, 35 milliards $ sont des prêts extérieurs. Le gouvernement doit payer sur cette somme 4,8 milliards $ pour le service de la dette, soit le plus important remboursement de dette de l’histoire du Sri Lanka. Il prévoit de faire porter le fardeau de la dette directement sur le dos des travailleurs.

Gotabhaya Rajapakse nomme des généraux et d’autres officiers à des postes clés de l’État, du gouvernement et des gouvernements régionaux parce qu’il prépare à nouveau une machine militaire et des escadrons de la mort contre les travailleurs. C’est pourquoi, au début de l’année, il a publiquement gracié le sergent d’état-major Sunil Ratnayake qui, en 2015, avait été condamné pour une atrocité commise en 2000, au cours de laquelle il a bandé les yeux de huit civils tamouls, dont trois enfants, leur a tranché la gorge et a jeté leurs corps dans un égout.

Sumanthiran salue cependant sans réserve le régime de Rajapakse, car la TNA ne représente pas le peuple tamoul, mais une couche vénale et corrompue de la bourgeoisie du Sri Lanka. Elle développe sa politique en collaboration avec les puissances impérialistes, en particulier Washington, qui font pression pour un retour au travail en pleine pandémie et qui intensifient les attaques contre les travailleurs au niveau international.

C’est la classe, et non l’ethnie, qui détermine la politique réactionnaire de la bourgeoisie tamoule. Sa richesse et ses privilèges dépendent de l’accès aux marchés mondiaux dominés par l’impérialisme, et de l’exploitation des travailleurs à des salaires si bas qu’il leur est pratiquement impossible de se confiner chez eux pour éviter le COVID-19.

Indifférente à la vie humaine, la TNA craint surtout la colère croissante de la classe ouvrière internationale. Le gouvernement Trump se réjouit que les travailleurs américains doivent s’habituer à des milliers de morts par jour, et les gouvernements européens renvoient des millions de personnes au travail en pleine pandémie. Des manifestations de masse ont éclaté l’année dernière contre les mesures réactionnaires antimusulmanes du gouvernement hindouiste-suprémaciste en Inde. Sumanthiran, cependant, exige qu’aucune critique politique ne soit tolérée, non seulement au Sri Lanka mais, comme il l’a dit, «également dans le monde entier».

En 2018, Sumanthiran a fièrement déclaré ses liens étroits avec les puissances impérialistes, en le disant aux médias: «Je suis la personne qui connaît son pouls, qui entretient des contacts étroits avec la communauté internationale». Les événements qui se sont produits depuis la fin de la guerre civile ont mis en évidence le contenu de classe de cette remarque.

Lors des élections présidentielles de 2010, la TNA a soutenu le général Sarath Fonseka, le commandant militaire pendant les derniers mois de la guerre civile sri-lankaise en 2009. À l’époque, Gotabhaya Rajapakse était secrétaire à la défense et Mahinda Rajapakse était président. Tous trois portent la responsabilité politique du meurtre de plus de 40.000 civils tamouls dans le nord du pays, et de la disparition forcée de milliers de personnes, principalement mais pas exclusivement tamoules.

Déjà, la TNA a salué l’arrivée au pouvoir en 2015 d’un gouvernement de coalition du Sri Lanka Freedom Party (SLFP) et du Parti national unifié (UNP), soutenu par l’impérialisme américain et mis en place dans une opération de changement de régime. Washington avait l’intention d’évincer les frères Rajapakse, les considérant à l’époque comme trop étroitement alignés sur la Chine. Tandis que le gouvernement du SLFP-UNP provoquait des grèves et des protestations de masse contre ses coupes budgétaires, ses politiques d’austérité dictées par le FMI et son état d’urgence qui visait les musulmans, la TNA appuyait toutes ces politiques depuis les bancs de l’opposition.

Après avoir promis, lors de l’opération de changement de régime, qu’un gouvernement SLFP-UNP surmonterait le conflit ethnique dans l’île, la TNA a ensuite fait un virage à 180 degrés. Son chef, R. Sampanthan, a cyniquement déclaré en 2016 qu’il n’avait pas les clés de la prison qui permettrait de libérer les prisonniers politiques tamouls, tout en continuant à rencontrer des responsables sri-lankais et des officiers militaires américains en visite.

Le bilan réactionnaire de la TNA justifie de manière exhaustive l’opposition au nationalisme tamoul que le Parti de l’égalité socialiste mène depuis des décennies, tout en défendant les droits démocratiques du peuple tamoul mais sur la base d’une lutte pour unifier la classe ouvrière dans la lutte commune contre le capitalisme et l’impérialisme. La politique de la TNA et sa demande de soumission totale des travailleurs aux gouvernements réactionnaires du monde entier en pleine pandémie font d’eux des ennemis de la classe ouvrière.

Seule la lutte unie de toute la classe ouvrière pour le socialisme au Sri Lanka, sur le sous-continent indien et dans le monde entier peut garantir les ressources nécessaires pour combattre la pandémie de COVID-19 et garantir les droits démocratiques fondamentaux dans les anciens pays coloniaux.

(Article paru en anglais le 9 mai 2020)

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