Les gouvernements du monde entier répondent à COVID-19 en sauvant des profits, pas des vies

Le discours suivant a été prononcé par Joseph Kishore, secrétaire national du Parti de l'égalité socialiste aux États-Unis, lors du rassemblement en ligne de la Journée internationale du mai 2020, organisé par le World Socialist Web Site et le Comité international de la Quatrième Internationale le 2 mai.

La pandémie de coronavirus et toutes les mesures prises en réponse à celle-ci ont démontré un fait irréfutable: le capitalisme est fondamentalement incompatible avec les besoins de la société.

Le coronavirus est un phénomène naturel. Cependant, il est apparu et s'est développé dans un contexte social et économique bien défini. Le nombre massif et croissant de morts, l'appauvrissement de dizaines de millions de personnes, la campagne pour un retour au travail dans des conditions dangereuses, sont des produits de la société et non de la nature.

A chaque étape de cette pandémie, comme l'ont montré les discours d'aujourd'hui, les gouvernements ont réagi en tentant de sauver non pas des vies, mais des profits. Cela a empêché une réponse scientifique, coordonnée au niveau mondial, rationnelle et humaine au COVID-19.

Pendant des décennies, l'élite patronale et financière a dévasté l'infrastructure sociale, démantelant tout ce qui entravait l'accumulation de richesse et l'exploitation de la classe ouvrière.

Cela n'est nulle part plus vrai qu'aux États-Unis, pays de l'oligarchie et foyer de l'inégalité. Ici, les 400 personnes les plus riches possèdent plus de richesses que les 64 % de la population les plus pauvres, soit 209 millions de personnes; les riches vivent en moyenne 20 ans de plus que les pauvres; des dizaines de millions de personnes n'ont pas d'assurance maladie et des millions d'autres l’ont perdue après avoir perdu leur emploi.

Avant que la pandémie ne frappe, alors que le Parti de l'égalité socialiste lançait sa campagne électorale, nous avions fait remarquer que la question dominante des élections de 2020 était le socialisme. Dans un pays où l'anticommunisme a été une religion d'État, que l'on appelle le "pays des possibilités illimitées", il s'avère que des millions de personnes sont opposées au capitalisme.

La pandémie montre pourquoi il en est ainsi. Les intérêts sociaux qui déterminent la politique du gouvernement depuis des décennies, tant sous les démocrates que sous les républicains, sont les mêmes intérêts sociaux qui dictent la réponse à la pandémie.

Malgré les avertissements répétés des épidémiologistes et des scientifiques qu’une pandémie était inévitable, rien n'a été fait pour constituer des réserves d'équipements de protection pour les travailleurs de la santé ou d'équipements médicaux vitaux.

Lorsque la pandémie est apparue et a commencé à se propager dans le monde entier, les élites dirigeantes l’ont minimisée et n'ont rien fait pour y préparer la population. Les déclarations de Trump selon lesquelles le virus ne ferait que "passer" n'étaient que l'expression la plus flagrante de l'indifférence à l'égard du sort de millions de personnes.

Et lorsque la pandémie a frappé, l'atmosphère de crise a été utilisée pour lancer une opération de pillage sans précédent dans l'histoire, dépassant même de loin ce qui a été fait après la crise financière de 2008.

Les montants remis à Wall Street sont, pour le commun des mortels, incompréhensibles. On les mesure en milliers de milliards de dollars. La Réserve fédérale verse aux riches 80 milliards de dollars chaque jour. Il faudrait au travailleur moyen, qui gagne 31.000 dollars par an, deux millions cinq-cent-quatre-vingt-mille ans (2.580.000) pour gagner cette somme.

Après s'être gavée, l'oligarchie financière et ses pantins médiatiques réclament un "retour au travail", une politique qui conduira, et ils le savent, à des dizaines voire des centaines de milliers de morts supplémentaires.

Leur but est de "normaliser" la mort et la pandémie, c'est-à-dire d'acclimater la population au fait qu'un grand nombre de personnes vont mourir; et que cette mort n'est qu'une réalité de la vie.

Pour eux, les travailleurs sont remplaçables. S'ils meurent, ce n'est que le coût de faire des affaires. D'autres prendront la place de ceux qui mourront. Ceux qui refusent de travailler dans des conditions dangereuses se verront refuser toute aide sociale ou gouvernementale.

Soit travailler, ou mourir de faim.

En même temps, l'administration Trump et le Congrès font pression pour que les entreprises soient protégées de toute responsabilité juridique en cas de décès dû au coronavirus. En clair, l'État dit aux sociétés américaines: si vous tuez vos employés, il ne vous arrivera rien.

Voilà la réalité du capitalisme, de la domination de classe, de la dictature de l'oligarchie financière.

Et les travailleurs ripostent.

L'année dernière, avant que la pandémie ne frappe, une vague de luttes et de bouleversements sociaux déferlait sur le monde entier: au Mexique, à Porto Rico, en Équateur, en Colombie, au Chili, en France, en Espagne, en Algérie, en Afrique du Sud, en Inde et dans bien d'autres pays. Les stratèges de la classe dirigeante insistaient sur le danger de la révolution "sans dirigeants". Ici, aux États-Unis, les travailleurs ont procédé à plus d'arrêts de travail qu'en près de deux décennies, au mépris des outils de gestion corporatistes que sont les syndicats.

Dans une déclaration publiée au début de cette année, il y a seulement quatre mois, sous le titre "La décennie de la révolution socialiste commence", le World Socialist Web Site a souligné l'importance considérable de la croissance de cette lutte des classes. Nous avons écrit que "le trait dominant et révolutionnaire de la lutte des classes est son caractère international, qui émerge du caractère mondial du capitalisme contemporain".

Depuis, la pandémie a accéléré considérablement la lutte des classes et la radicalisation politique. Le mois dernier, on a vu des grèves et des débrayages d'infirmières en Papouasie-Nouvelle-Guinée, de médecins au Zimbabwe, de travailleurs de l'assainissement et du vêtement au Royaume-Uni, de travailleurs de la distribution et de l'expédition en Australie, de travailleurs du textile au Bangladesh, de travailleurs de centres d'appel au Brésil et de travailleurs de maquiladoras au sud de la frontière entre les États-Unis et le Mexique.

Aux États-Unis, il y a eu des grèves et des débrayages dans l'automobile, les transports, des postes, des aqueducs, de la construction, de la transformation de la viande, et bien d'autres.

Et ce n'est que le début. Les efforts de l'élite au pouvoir pour imposer un retour au travail – et la tentative de restructurer massivement les relations de classe pour payer le sauvetage des riches – se heurteront à une énorme opposition de la classe ouvrière.

Tout cela est supervisé aux États-Unis par une classe politique qui pourrit sur pied. A sa tête se trouve l'administration Trump, incarnation même de la réaction. Pour forcer le retour au travail, l'administration, qui va de crise en crise et incite des forces d'extrême droite et fascistes, qui seront utilisées contre la classe ouvrière.

Quant aux démocrates, ils sont, au même titre que les républicains, un instrument de l'élite financière.

On ne le répétera jamais assez, le Grand Hold-up de 2020, perpétré par Wall Street, a été sanctionné par le vote unanime du Congrès américain. Tous les républicains et démocrates du Sénat, y compris le prétendu "socialiste démocratique" Bernie Sanders, ont voté pour. L'adoption du "CARES Act" exprime, bien plus que les promesses creuses, les véritables intérêts de classe qui dictent la politique du gouvernement.

Au cours des trois dernières années et demie, les démocrates ont déclaré que la plus grande menace pour la population américaine était Vladimir Poutine et la Russie. Toute l'opposition sociale au régime Trump a été subordonnée au programme réactionnaire des agences militaires et de renseignement.

Quant à Bernie Sanders, au moment même où la réalité démontre la faillite du capitalisme, Sanders a déclaré que sa "révolution politique" était terminée et a proclamé son soutien inconditionnel à Biden, la personnification du Parti démocrate en tant que parti de Wall Street et de l'armée. Il fait ce qui a toujours été le but de sa campagne: faire tout son possible pour que la colère sociale et politique ne déborde pas le Parti démocrate.

C’est vite dit. En fait les États-Unis sont mûrs, depuis trop longtemps, pour le socialisme, pour la révolution.

La classe ouvrière des États-Unis a une longue tradition de lutte. Le 1er mai 2020, il convient de rappeler une fois de plus que les origines de la Journée des travailleurs, dans les luttes insurrectionnelles de la classe ouvrière américaine. Il y a cent trente-quatre ans, les travailleurs de Chicago, dans l'Illinois, ont lancé un combat centré sur la revendication d'une journée de huit heures qui s'est achevé par le massacre de Haymarket le 4 mai 1886.

En l'honneur des martyres de Haymarket, le Congrès international des travailleurs socialistes de Paris en 1889 a choisi le 1er mai comme jour de solidarité internationale de la classe ouvrière.

De grandes luttes révolutionnaires émergent à nouveau, aux États-Unis et dans le monde entier. La question est de savoir quelle perspective guidera ces luttes.

Le Parti de l'égalité socialiste et le Comité international de la IVe Internationale insistent sur le fait qu'il n'y a pas de solution à la crise à laquelle l'humanité est confrontée à l'intérieur des frontières d'un État-nation. Tous les grands problèmes: la pandémie de coronavirus, le danger de guerre mondiale, la menace du changement climatique, les inégalités et l'exploitation sociales, sont des problèmes mondiaux, qui nécessitent une solution mondiale.

Nous disons que la lutte pour le socialisme est l’œuvre de la classe ouvrière, dont les intérêts sont unis par-delà tous les genres, ethnies et nationalités. Ce n'est pas par le biais des différents politiciens, démocrates ou républicains, sociaux-démocrates ou conservateurs, travaillistes ou de droite, que le changement social se produira, mais par la puissante intervention des masses, la classe ouvrière, dont les intérêts sont complètement exclus de la vie politique officielle.

Notre mouvement, le mouvement trotskyste, a mené une bataille acharnée, souvent dans des conditions difficiles, pour maintenir les traditions et la perspective authentiques du marxisme; pour combattre les mensonges et la trahison des staliniens, des sociaux-démocrates, des réformistes et des bureaucrates syndicaux, des opportunistes sous toutes leurs formes.

Ce sont ces grandes traditions que nous apportons dans les luttes d'aujourd'hui.

On doit maintenant s'orienter vers la classe ouvrière, à l'intervention active dans chaque lutte à travers laquelle la classe ouvrière manifeste son opposition. Il faut travailler sans relâche pour élever le niveau politique, pour créer une direction dans les usines et dans les écoles, pour expliquer les leçons de l'histoire et la nature du capitalisme.

Il ne manquera pas de personnes déterminées à lutter pour le socialisme. Mais cette détermination doit être armée d'une stratégie qui unifie les luttes de la classe ouvrière dans un mouvement mondial pour le socialisme.

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