L'UE soutient les mesures dictatoriales d'Orbán en Hongrie

Fin mars, le gouvernement hongrois a adopté une loi d'urgence accordant au Premier ministre Viktor Orbán des pouvoirs dictatoriaux étendus. Bien que similaire aux «pleins pouvoirs» d'Hitler, qui ont consolidé la dictature nazie en Allemagne en 1933, cette loi bénéficie du soutien de l'Union européenne.

Elle autorise Orbán à gouverner par décret pour une durée illimitée. Il a le droit de « suspendre l'application de certaines lois par décret » et « d'introduire d'autres mesures exceptionnelles pour garantir la stabilité de la vie, de la santé, de la sécurité individuelle et matérielle des citoyens et de l'économie ». Le Parlement est effectivement suspendu. Il n’y a pas de limite dans le temps à l'état d'urgence; le gouvernement peut le prolonger à volonté.

La loi d'urgence est censée permettre une lutte contre la pandémie du coronavirus, mais dès le début, il était clair que ce n'était là qu'un piètre prétexte. Comme l'a souligné le journal hongrois Magyar Közlöny, elle touche principalement des domaines qui n'ont absolument rien à voir avec la lutte contre le COVID-19.

Dans le système judiciaire, par exemple, les droits des accusés ou des condamnés sont considérablement restreints. Les procédures civiles et pénales peuvent être différées indéfiniment par les juges ou les procureurs. Il en va de même pour les requêtes déposées par des personnes détenues. Les plaintes pour dommages et intérêts peuvent être rejetées comme irrecevables sans justification.

Les droits à la protection des données et à la vie privée, qui n'existent de toute façon que sur le papier, ont désormais encore été officiellement abolis avec la loi d'urgence. Le ministre de l'Innovation et de la Technologie, c'est-à-dire le gouvernement, a désormais le droit d'accéder à toutes les données personnelles disponibles. De même, certaines parties du règlement européen sur la protection des données sont abrogées. Le droit d'accéder ou de retirer ses données a été supprimé, de même que le droit de faire appel. Le décret exempte également les agences gouvernementales de l'obligation de fournir des informations sur la collecte et le traitement des données personnelles.

Toute la loi est dirigée contre la classe ouvrière hongroise. Cela ressort du fait que les dispositions de la législation du travail peuvent être complètement abrogées. Certains groupes professionnels peuvent même désormais être obligés de travailler 24h / 24. Ce règlement marque l'apogée des attaques du gouvernement Orbán contre le droit du travail.

En même temps, les subventions de l'UE peuvent être versées sans nécessiter une analyse des risques ou des inspections sur place. Cela profite aux grandes entreprises, dont la plupart sont sous contrôle gouvernemental ou appartiennent à des personnes politiquement proches d'Orbán. En se réclamant de la lutte contre la pandémie, plus de 140 entreprises «critiques pour le système» ont été placées sous contrôle militaire.

Pour imposer tout cela contre la résistance de la population l'armée a reçu des pouvoirs de police. Les critiques du gouvernement sont menacés de sanctions draconiennes en vertu de cette loi. Par exemple, la diffusion de soi-disant «fausses nouvelles» est passible d'une peine pouvant aller jusqu'à cinq ans de prison, les violations des règles de quarantaine d’une peine allant jusqu'à huit ans.

Les infractions pénales sont formulées de manière si vague que toute opinion dissidente ou acte d’opposition peut tomber sous le coup de celles-ci. « Viktor Orbán règne désormais en dictateur », a commenté Gábor Halmai, expert en droit constitutionnel hongrois. Avec la loi d'urgence, le système d'Orbán a également perdu sa façade démocratique.

Si la loi d'urgence, votée sous prétexte de lutter contre le coronavirus, reste en vigueur, les quelques mesures de protection de la population, engagées de toutes manières trop tard, ont été en grande partie abrogées. Comme dans la plupart des autres pays européens, la sécurité de la population est subordonnée aux intérêts des grandes entreprises – en Hongrie, principalement les constructeurs automobiles occidentaux.

Depuis le début du mois, il n'y a pratiquement pas eu de restrictions telles que la distanciation sociale en dehors de la capitale Budapest. Parallèlement, il est déjà prévu d'assouplir ces mesures à Budapest, où ont été signalés la majorité des cas confirmés de coronavirus. Selon les chiffres officiels, il y avait ce week-end dans le pays 3 263 personnes infectées et 413 décès. Mais ces chiffres sont très peu parlants. Le petit nombre de personnes testées reste bien inférieur à presque tous les autres pays européens.

De plus, le gouvernement ne publie délibérément pas de données. Le maire de Budapest, Gergely Karácsony, a récemment exigé du gouvernement qu’il le fasse. Il se plaignit de ce que les données sur les infections dans les hôpitaux surtout restaient secrètes, même s'il était largement avéré que les cliniques et centres médicaux étaient des zones à risques pour le coronavirus. Il a également critiqué que les personnes qui sortaient des hôpitaux n’étaient pas testées d’office.

La crise du coronavirus a également mis en lumière l'ampleur de la catastrophe sociale dans le pays. Sur les quelque dix millions d'habitants, plus d'un million vivent en dessous du seuil de pauvreté, nombre qui continue d'augmenter rapidement. Malgré la perte de revenus due à la crise, aucun soutien public n'est accordé. La situation est particulièrement précaire pour les quelque 300 000 Roms, qui vivent dans des ghettos, dans des conditions parfois inhumaines. Après l'assouplissement des restrictions, ils sont exposés à des risques encore plus élevés. « Si le virus pénètre dans les bidonvilles, cela ne pardonnera pas », a rapporté Reuters dans une interview avec Krisztina Jasz du Réseau européen anti-pauvreté.

Alors que l'opposition à Orbán grandit dans le pays, sa mise en place d'une dictature obtient le soutien des classes dirigeantes européennes. La Commission européenne a expressément déclaré qu'elle n'engagerait aucune mesure contre ses lois d'urgence. Selon un reportage de Die Welt, confirmé par la commissaire européenne à la Justice Vera Jourova, il n'y a « aucun fait concret indiquant une violation des droits démocratiques fondamentaux » et par conséquent « aucune contre-mesure immédiate de Bruxelles n'est nécessaire ».

Le gouvernement hongrois reçoit en outre un financement massif de l'UE dont absolument rien ne va à l'expansion des infrastructures de santé publiques en difficulté ou profite aux travailleurs affectés par la crise. La Hongrie reçoit 5,6 milliards d'euros d'aide d'urgence de l'UE, ce qui correspond à 3,8 pour cent du produit intérieur brut du pays. L'Italie, le pays le plus touché par le coronavirus en Europe, ne reçoit que 2,3 milliards d'euros, soit 0,1 pour cent de son PIB. Le Parlement européen l'a expressément approuvé.

Même l'Initiative de stabilité européenne, un groupe de réflexion de Berlin ne pouvant être taxé d’opinions de gauche, commente: « L'UE donne à Victor Orban près de quatre pour cent de sa production économique alors qu'il s’érige en dictateur. Cela porte gravement atteinte à l'Union, qui veut être une communauté de valeurs démocratique. »

En fait, l'UE soutient délibérément le chemin engagé par la Hongrie vers la dictature. Les gouvernements de toute l'Europe préparent des mesures similaires pour mettre en œuvre leurs politiques meurtrières de «retour au travail». Alors que les banques et les grandes entreprises reçoivent des dizaines de milliards d'euros du jour au lendemain, l'argent manque prétendument pour les mesures de sécurité sanitaire les plus simples pour les travailleurs. Cela est incompatible avec les droits démocratiques. Pour cette raison, les États de l'UE s'orientent toujours plus ouvertement vers la dictature et le fascisme.

Comptant sur cela, Orbán révèle ouvertement ses sentiments fascistes. La semaine dernière, il a utilisé Facebook pour souhaiter bonne chance aux écoliers hongrois pour leurs prochains examens. Il a affiché une section du globe sur laquelle est clairement marquée la soi-disant Grande Hongrie. Jusqu'en 1920, celle-ci comprenait des parties de ce qui est aujourd'hui la Croatie, la Serbie, la Roumanie et la Slovaquie. Depuis, les forces fascistes du pays réclament le rétablissement de la Grande Hongrie.

(Article paru en anglais le 12 mai 2020)

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