Les entreprises allemandes prévoient des licenciements et des attaques contre les salaires et les avantages sociaux dans un contexte de pandémie

La levée prématurée des mesures visant à prévenir la propagation du coronavirus force de nombreux travailleurs à reprendre le travail, où ils risquent d'être infectés par le virus mortel. Parallèlement, les entreprises et les pouvoirs publics préparent des suppressions d'emplois, la baisse des salaires et la réduction des dépenses pour les services sociaux. Il existe un lien étroit entre ces deux faits nouveaux.

La réponse du gouvernement allemand à la pandémie a été conditionnée dès le départ par les intérêts des grandes entreprises et des banques. Le gouvernement a mis en place à une vitesse fulgurante un programme de renflouement pour les grandes entreprises qui s'élève désormais à 1.200 milliards d'euros, soit quatre fois plus que le budget fédéral annuel total. Il est financé par la dette publique, les prêts des banques publiques et les réserves des caisses d'assurance sociale. En revanche, le gouvernement a fermement rejeté l'augmentation des impôts pour les riches, un impôt sur la fortune ou des mesures similaires.

Grâce au flot de liquidités, les marchés boursiers se sont rapidement redressés. Le Dax, qui est tombé à 8442 points le 18 mars, s'approche de la barre des 11.000, soit une augmentation de 30 pour cent en seulement huit semaines. Mais cette orgie d'accumulation de richesses ne peut se maintenir que si les travailleurs sont renvoyés de force sur leur lieu de travail et que leur exploitation est intensifiée, quel que soit le nombre de vies perdues.

La reprise du travail s'accompagne d'attaques massives contre l'emploi, les salaires et les droits sociaux. Les grandes entreprises et l'État exploitent la crise du coronavirus pour restructurer les entreprises et l'administration publique et lancer des attaques contre la classe ouvrière qui, dans de nombreux cas, sont depuis longtemps en préparation. Alors que la production redémarre et que les services rouvrent presque partout, plusieurs entreprises ont annoncé la destruction d'emplois.

Cela a été démontré par un nouveau sondage de l'Institut Ifo. Bien qu'environ 750.000 entreprises se soient inscrites pour que leurs employés soient enregistrés au chômage partiel, ce qui signifie que les salaires et les charges sociales sont payés par l'Agence fédérale du travail, 18 pour cent des entreprises ont annoncé des suppressions d'emplois en avril.

Le chiffre était particulièrement élevé dans le secteur automobile, où 39 pour cent des entreprises ont supprimé des emplois. Parmi les entreprises employant des travailleurs intérimaires, 57 pour cent ont supprimé des emplois, 48 pour cent parmi les producteurs de cuir, de maroquineries et de chaussures, 30 pour cent chez les imprimeurs et 29 pour cent chez les producteurs de produits métalliques. Un grand nombre d'entreprises ont également réduit les emplois dans le secteur de la restauration (58 pour cent), des hôtels (50 pour cent) et des agences de voyages (43 pour cent).

Les chiffres ont été pondérés en fonction de la taille d'une entreprise, ce qui signifie que les petites entreprises n'ont pas d'impact majeur sur les statistiques. Les Lander dominés par l'industrie automobile, notamment le Bade-Wurtemberg et la Bavière, ont vu des suppressions d'emplois effectuées respectivement par 22 pour cent et 20 pour cent des entreprises.

L'Institut Ifo prévoit que ces chiffres s’accroîtront en mai et dans les prochains mois, l'industrie allemande s'attendant à la plus forte baisse de production de l'histoire. Tous les secteurs, à l'exception des produits pharmaceutiques, ont été gravement touchés.

Des voix commencent à s’élever pour que les énormes aides financières fournies aux super-riches soient payées par des mesures d'austérité radicales qui toucheront inévitablement les couches les plus vulnérables de la société.

Un exemple est une étude menée par des économistes de l'Institut Ifo pour le compte de l'organisation alignée sur les employeurs, New Social Market Economy, qui a plaidé pour le maintien du frein à l'endettement dans la constitution allemande en raison de la pandémie. Pour maintenir les finances publiques viables à long terme et faire face aux changements démographiques, le gouvernement fédéral doit réaliser un excédent budgétaire de 1,5 à 4 pour cent par an, a indiqué l'étude.

Face à une baisse spectaculaire des recettes fiscales – les experts estiment une baisse de 100 milliards d'euros cette année et 300 milliards d'euros d'ici 2024 – cela ne peut signifier qu'une contre-révolution sociale qui ira plus loin que tout autre avant, y compris les lois de Hartz IV, se profile.

De plus, les grandes entreprises demandent encore plus d'argent à l'État. Un programme de relance économique d'une valeur de 450 milliards d'euros serait à l'étude, une demande soutenue par la Fondation Hans Böckler, alignée sur les syndicats, et l'Institut économique allemand (IW) du patronat.

Un autre mécanisme pour faire porter le coût de la crise aux travailleurs est celui des budgets municipaux. Ceux-ci sont responsables du financement des théâtres, des musées, des installations sportives, des piscines, des maternelles, des bâtiments scolaires, des pompiers, des autorités sanitaires et de plusieurs autres domaines des infrastructures sociales et culturelles, ainsi qu'une partie des budgets de l’aide sociale.

Les municipalités ne sont pas autorisées à s'endetter, même si leur principale source de revenus, les recettes fiscales des entreprises, s'effondrera. Le chef des opérations de la Conférence allemande des villes, Helmut Dedy, calcule que les municipalités allemandes connaîtront un manque à gagner de 18 milliards d'euros de taxes professionnelles en 2020, alors qu'elles auront entre 4 et 6 milliards d'euros de dépenses supplémentaires en raison du coronavirus. Il a déclaré à la chaîne publique SWR que cela amènerait les villes au bord du dysfonctionnement.

Les syndicats sont en train de faire porter les coûts de ces événements à leurs membres. Après que le syndicat IG Metall a conclu un gel des salaires en mars jusqu'à la fin de l'année pour 4 millions de travailleurs dans les industries métallurgiques et électroniques, le syndicat des services Verdi a entamé des pourparlers pour reporter la prochaine série de négociations salariales à l'année prochaine. Pour la plupart des travailleurs du secteur public, qui sont déjà mal payés, cela signifierait de fortes réductions de salaire.

Les conséquences de la pandémie de coronavirus mettent de plus en plus en évidence l'incompatibilité qui existe entre les nécessités de base de la vie pour la classe ouvrière et le système de profit capitaliste, qui subordonne tous les aspects de la vie économique à l'enrichissement d'une toute petite élite de super riches. La défense de la santé, des revenus et des intérêts sociaux de la grande majorité de la population nécessite un programme socialiste.

(Article paru en anglais le 14 mai 2020)

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