États-Unis : la pandémie de coronavirus se propage dans le Sud

Hôpitaux débordés en Californie et en Alabama, près de 100 000 morts dans tout le pays

Les hôpitaux de Montgomery (Alabama) et El Centro (Californie) ont été contraints de restreindre l’admission de nouveaux patients atteints du coronavirus après que le nombre des cas soit soudain monté la semaine dernière. La situation a évolué dans ces deux villes alors que le nombre de cas confirmés dépassait 1,6 million aux États-Unis et celui des décès approchait les 100.000.

Margot Bloch de Takoma Park, Md., se tient dans le parc Lafayette près de la Maison Blanche, mercredi 20 mai 2020, à Washington pour protester contre la gestion de la pandémie par le président Donald Trump. Elle est entourée de «sacs mortuaires» représentant les personnes mortes. (Photo: AP Photo/Evan Vucci)

Le maire de Montgomery, Steven Reed, a résumé ainsi la situation dans les deux villes lors d’une conférence de presse: «En ce moment, si vous êtes de Montgomery et que vous avez besoin d’un lit en soins intensifs, vous avez un problème». Sur les quatre hôpitaux régionaux de la capitale de l’État, l’un manque de trois lits de soins intensifs, deux n’ont pas d’unités de soins intensifs disponibles, et le dernier n’en a plus qu’une seule. On transfère les patients excédentaires à Birmingham, un voyage de plus d’une heure pour les personnes infectées.

Reed a également averti que les hôpitaux étaient «à une capacité qui n’est pas viable» et que le système de soins de santé « était au maximum».

A El Centro, l’augmentation du nombre des cas est venue des deux côtés de la frontière entre les États-Unis et le Mexique à la suite de l’assouplissement des règles d’éloignement physique, promulgué il y a deux semaines. Selon le Dr Adolphe Edward, chef du centre médical régional d’El Centro, cette hausse provient en grande partie de citoyens américains vivant à Mexicali, ville frontalière mexicaine de 690.000 habitants, et qu’on a refoulés du à la hausse des infections dans cette ville.

Plus d’une vingtaine de patients ont dû être transférés dans des hôpitaux de San Diego et d’autres villes voisines, rapporte Reuters.

Cette réalité n’a pas empêché le président Donald Trump de déclarer vendredi: «J’identifie les lieux de culte, les églises, les synagogues et les mosquées comme des lieux essentiels fournissant des services essentiels». Il a exigé que «les gouverneurs… permettent à nos églises et lieux de culte d’ouvrir immédiatement».

Ces commentaires font suite à ses remarques de jeudi comme quoi on n’arrêterait pas la réouverture du pays même si la pandémie retrouvait sa force de mars et avril, «que ce soit une braise ou une flamme, nous allons l’éteindre. Mais nous ne fermerons pas notre pays». C’est ce qui a alimenté la hausse record de la bourse depuis son effondrement en mars, au prix de dizaines de milliers de vies et de dizaines de millions de gagne-pain.

La hausse subite des cas dans des régions aussi différentes du pays est une autre indication que, contrairement à la politique officielle, la propagation de la pandémie de coronavirus ne ralentit pas mais s’étend. Des États comme le Texas, la Floride et la Louisiane ont constaté à l’instar de l’Alabama et de la Californie une augmentation des nouveaux cas de COVID-19 ces derniers jours.

Les moyennes mobiles sur 7 et 14 jours du nombre de cas quotidiens en Alabama sont en hausse et dépassent désormais 500 nouveaux cas par jour. Le nombre de nouveaux cas en Californie est resté supérieur à 2.000 au cours des quatre derniers jours consécutifs. Le Texas, où l’ordre de séjour à domicile a expiré le 30 avril, a vu ses nouveaux cas doubler le 21 mai par rapport à la veille, atteignant 1.856.

Le nombre de nouveaux cas en Floride a également commencé à augmenter, avec une forte hausse à 1.204 jeudi. Ce jour-là, les nouveaux cas ont plus que quadruplé en Louisiane par rapport à la veille, atteignant 1.188. Les décès continuent également d’augmenter dans ces États et attteignent 537 en Alabama, 3.682 en Californie, 1.501 au Texas, 2.190 en Floride et 2.668 en Louisiane.

Le PolicyLab de l’hôpital pour enfants de Philadelphie prévoit que le Texas, la Floride et l’Alabama font aussi partie des États devant connaître encore plus d’infections dans le mois qui vient. Utilisant des données de portables pour tracer la mobilité et tenter de prévoir la pandémie, les chercheurs ont découvert que ces États étaient parmi ceux risquant le plus une montée du nombre de cas au fur et à mesure que rouvrent leurs économies.

Un autre État ayant connu une forte augmentation des cas est l’Arkansas. Le nombre de nouvelles infections y a augmenté de 228 pour cent au cours des 14 derniers jours, portant le nombre total de cas de coronavirus à 5.612. Une hausse due en grande partie aux accès touchant, dans tout l’État, les travailleurs du secteur de la volaille où l’on compte désormais 136 cas actifs.

Dans tout le pays, il est de plus en plus évident que la réouverture favorise la propagation de la maladie mortelle.

Le fait de forcer les États à autoriser les services religieux ne fera qu’exacerber cette crise. Chaque État autorise désormais une forme ou une autre de rassemblement public, notamment dans les restaurants, les magasins, les salons de coiffure, les plages et les salles de sport. Certains États, comme la Louisiane, ont même ouvert cinémas, musées, zoos et casinos, tandis que la Floride a déjà autorisé la réouverture de lieux de culte.

Nombre de ces réouvertures ont lieu avant le week-end du Memorial Day. Dans le Wisconsin, la Cour suprême de l’État a autorisé les bars, clubs, établissements vinicoles, restaurants et terrains de camping à accueillir collectivement 158 événements musicaux en direct. Bien qu’aucun de ces événements ne se déroule à Milwaukee ou Madison, en raison du grand nombre de cas dans ces villes, ils devraient attirer de grandes foules, et les responsables sanitaires s’inquiètent d’une recrudescence des cas, voire des décès, qui en résulteront.

Cela est particulièrement préoccupant dans l’actuelle pandémie, du à la période d’incubation. 2 à 14 jours se passent avant l’apparition de symptômes et plus encore avant qu’on teste la personne potentiellement infectée et l’hospitalise éventuellement. «Nous pensons voir les conséquences de la réouverture de l’économie un mois ou deux plus tard», a déclaré l’ancienne commissaire à la santé de Baltimore, Leana Wen, au Washington Post. «On n’a pas encore vu l’impact de la réouverture. Je pense qu’il y aura un décalage très important ».

(Article paru d’abord en anglais le 23 mai 2020)

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