Des rapports remettent en question l'exactitude du comptage des décès dus au COVID-19 aux États-Unis et dans le monde

Nombre de pays du monde entier – dont le Brésil, l’Inde, la Russie, la Turquie, le Royaume-Uni et les États-Unis – continuent de forcer leurs populations à retourner au travail alors que le coronavirus continue de se propager. Mais il devient de plus en plus évident que le nombre réel de décès causés par la pandémie est jusqu’à trois fois supérieur au nombre de décès officiellement déclarés.

Les données des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) aux États-Unis sur les cas de coronavirus et de pneumonie sont parmi les plus révélatrices. Le nombre estimé de personnes tuées par la pneumonie se situe entre 30.000 et 60.000 chaque année aux États-Unis, mais de février jusqu’à la mi-mai de cette année, 89.555 décès dus à la pneumonie ont été enregistrés. Le coronavirus peut provoquer une pneumonie débilitante dans les cas graves et un grand nombre des décès attribués à la pneumonie sont très probablement liés au COVID-19.

Un effet similaire peut être observé dans le décompte des décès de chaque état. Dans l’Illinois, les CDC font état de 4.856 décès dus au COVID-19 et de 2.149 décès dus à la pneumonie, soit plus de cinq fois la moyenne sur cinq ans. Dans l’Ohio, le coronavirus a causé 1.969 décès et la pneumonie 2.327, soit 1.507 de plus que la moyenne sur cinq ans.

Et en Floride, où on a récemment licencié un fonctionnaire ayant développé sa base de données de suivi des coronavirus, le nombre de décès dus au COVID-19 s’élève à 1.762, alors que les décès dus à la pneumonie sont actuellement de 5.185. La moyenne des décès sur cinq ans pour la même période n’est que de 918. Si l’excédent de décès dus à la pneumonie est en fait des décès causés par le coronavirus, cela suggère que le nombre réel des morts dues à la pandémie aux États-Unis est au moins le double du taux déclaré.

La pandémie s’étend également aux zones plus rurales du pays. Selon les données du New York Times, le nombre de cas à Fayetteville-Springdale, Arkansas, double tous les 6,2 jours. Le nombre de décès à Milledgeville, en Géorgie, double tous les 5,2 jours. Au milieu de cette propagation, le président Donald Trump a affirmé dans un tweet hier que «100.000 [décès]… semble être le nombre».

Des chiffres similaires peuvent être constatés dans d'autres pays suite à la mise à jour des enquêtes sur les "décès excédentaires" advenus dans différentes régions. Autrement dit, plutôt que d'enregistrer les personnes mortes en hôpital et testées positives au COVID-19, les médias, dont le Guardian, le Wall Street Journal, le Financial Times (FT), l'Hindu, Axios et Reuters, ont suivi l'écart entre le nombre total de personnes mortes de n'importe quelle cause dans les villes, régions et pays du monde entier et ont comparé ces données aux moyennes historiques pour le même endroit et la même période de l'année.

Cette technique permet de brosser un tableau plus précis de l’impact de la pandémie, en tenant compte à la fois du nombre réel de personnes décédées de la maladie et du nombre de celles qui sont mortes d’accidents ou de maladies auxquels elles auraient survécu si les systèmes de soins de santé n’avaient pas été submergés par le coronavirus. À l’heure actuelle, la pandémie a causé plus de 5,6 millions d’infections officiellement confirmées dans le monde, soit une augmentation d’un million en moins de deux semaines, et a causé 350.000 décès.

Selon une étude du Financial Times, le nombre des décès excédentaires à Moscou et à Saint-Pétersbourg au cours du mois d’avril est de 2.073, soit plus du triple du chiffre officiel combiné de 629 décès dus au COVID-19 dans ces deux villes. Si l’on suppose que ces décès sont uniquement dus au coronavirus, cela porterait le nombre de décès dans le pays de 3.807 à 5.880. Si l’on multiplie au lieu de cela les décès officiels par le rapport du nombre de décès excédentaires au nombre de décès dus au coronavirus à Moscou et Saint-Pétersbourg, il en résulte que le nombre de personnes mortes du coronavirus en Russie serait de 11.421.

Un rapport similaire publié dans le Guardian note que 60 pour cent des patients décédés des suites du coronavirus «n’ont pas été comptabilisés dans le décompte officiel des décès dus à la maladie dans la ville parce qu’une autopsie avait montré qu’ils étaient morts d’autres causes». Cette méthode de comptage a également été utilisée dans des pays d’Europe occidentale et aux États-Unis.

Une analyse similaire effectuée par le FT sur des données provenant d’Ankara, la capitale turque, montre que le nombre réel de décès dus au coronavirus dans le pays est jusqu’à 25 pour cent plus élevé que le chiffre officiel. Le gouvernement Erdoğan a ordonné la réouverture des usines le 20 avril après un confinement très limité. Cette politique a entraîné au moins 103 décès rien qu’en avril, et a fait que le taux des cas de COVID-19 chez les ouvriers d’usine est presque trois fois supérieur à la moyenne du pays.

Au Brésil, des études réalisées en avril ont estimé que le nombre de cas était entre huit et seize fois supérieur au chiffre officiellement déclaré. Le nombre de décès dans le pays reste donc largement sous-estimé. Les données de São Paolo en sont la preuve la plus flagrante: depuis que les tests sont plus largement disponibles, le nombre de décès dus aux coronavirus y a augmenté de 485 pour cent. Pourtant, le Brésil continue de tester en dessous du taux médian par habitant de tous les pays. En plus, le président fasciste Jair Bolsonaro continue d’insister pour dire que la pandémie n’est rien qu’une «petite grippe», alors que les cas et les décès montent continuellement.

L’État indien du Bengale occidental n’aurait pas compté 40 pour cent de ses décès liés aux coronavirus comme causés par la pandémie en raison de comorbidités chez les personnes décédées. En même temps, le gouvernement de Delhi a demandé aux hôpitaux de ne pas tester le COVID-19 chez les personnes décédées s’il n’était pas confirmé qu’elles l’avaient de leur vivant, alors même que les taux de mortalité dans les hôpitaux dépassent de 30 pour cent ou plus les chiffres donnés officiellement. Il existe également un danger croissant que la pandémie entrave les efforts de lutte contre d’autres épidémies en Inde, comme la tuberculose, qui infecte près de 2,7 millions de personnes chaque année.

En Grande-Bretagne, l’Office national des statistiques a indiqué qu’il avait enregistré près de 54.000 décès supplémentaires dans le pays jusqu’au 15 mai, soit environ 17.000 de plus que le nombre confirmé de personnes tuées par la pandémie. Ces données réaffirment que la Grande-Bretagne est le pays le plus durement touché en Europe en termes de décès par rapport à la population, et l’un des plus dévastés au monde par la maladie.

(Article paru d’abord en anglais 27 mai 2020)

Loading