Castex à Matignon: Macron prépare l’austérité avec les syndicats français

Hier, en une sommaire passation des pouvoirs, Macron a nommé Jean Castex pour remplacer Édouard Philippe en tant que premier ministre. Castex, qui est membre des Républicains (LR) et proche de Nicolas Sarkozy, a annoncé qu’il nommerait ses ministres et prononcerait un discours de politique générale la semaine prochaine.

Ce remaniement ne change en rien le diktat militaro-policier de Macron et son programme anti-ouvrier, mais c’est néanmoins un avertissement sérieux aux travailleurs. Castex, que Libération traite de «technocrate à Matignon», a fait carrière en réformant l’hôpital public avec les syndicats sous Sarkozy avant de diriger le déconfinement sous Macron. Il a comme mission de coordonner avec les syndicats l’austérité draconienne que Macron compte imposer face à la pandémie.

Alors que grèves et manifestations se succèdent internationalement contre les plans sociaux et les renflouements des banques, l’installation de Castex est un avertissement de plus: la seule voie pour les travailleurs est d’organiser leurs luttes indépendamment des appareils syndicaux. Les syndicats français, s’ils se donnent des airs plus «radicaux» ou «lutte de classe» que leurs homologues corrompus aux USA ou en Allemagne, sont tout aussi intégrés à l’appareil d’État.

La défaillance historique des États capitalistes d’Amérique ou d’Europe face à la pandémie de COVID-19 prépare une offensive internationale de la bourgeoisie contre les travailleurs. Alors que des milliers de milliards de deniers publics s’envolent en subventions aux banques et au CAC-40, elle veut faire payer la crise aux travailleurs. En France, plus de 11 millions de travailleurs se sont retrouvés au chômage technique, et plus de 400.000 travailleurs s’étaient retrouvés aux chômage même avant les plans sociaux à Airbus, Air France, Renault, et plus largement.

Cette politique parasitaire et destructrice de l’aristocratie financière devrait provoquer la plus grande crise économique depuis les années 1930, même pire que le krach de 2008. En juin Macron a annoncé que son gouvernement accepterait en masse plans sociaux et faillites d’entreprises à qui les banques – disposant de €1.250 milliards fournis par la Banque centrale européenne – décideront de ne pas octroyer des crédits.

Avant de demander à Philippe sa démission jeudi soir, Macron a accordé une entrevue à un groupe de journaux régionaux dont Ouest France, Midi Libre, et le Courrier Picard. Il a dit, «J’ai consulté largement, depuis plusieurs semaines, afin de rassembler toutes les forces vives du pays pour affronter les prochaines étapes de la crise. La rentrée sera très dure et il faut nous y préparer.»

Après s’être targué en juin d’avoir organisé avec Berlin un plan de relance de 500 milliards d’euros pour le patronat, Macron a insisté sur la nécessité de réductions massives de l’emploi. Il a dit, «je vais être très clair avec vous: il y a des plans sociaux, et il y en aura. La crise sanitaire a détruit 5 points de richesse nationale et mis des secteurs entiers à l’arrêt. Cela a forcément des conséquences sur les entreprises.»

Il a fait semblant d’écouter les revendications populaires comme une politique plus écologique ou les manifestations contre le meurtre policier de George Floyd à Minneapolis. Proposant une «reconstruction économique, sociale, environnementale et culturelle du pays», il a dit: «Un autre chantier essentiel est celui de l’égalité des chances, sur lequel nous n’avons pas été assez loin. On le voit quand une partie de notre jeunesse nous dit ‘quand on a telle couleur de peau ou tel prénom, on n’a pas la même place dans la République’.»

Il a aussi indiqué qu’il pourrait dépenser 6 milliards d’euros pour augmenter le personnel soignant, dont la paie est parmi les plus basses d’Europe.

Il a toutefois souligné en continuant qu’il mènerait une guerre de classe sans merci contre les travailleurs. Il a insisté que les travailleurs auraient à accepter une autre casse des 35h et une augmentation de la durée de cotisation pour les retraites. Il a aussi insisté que ce serait une «profonde erreur» d’augmenter les impôts sur les riches, qu’il a réduits au début de sa présidence, et qu’il ne le ferait donc pas.

Après avoir négocié les 500 milliards avec la chancelière allemande Angela Merkel, Macron a insisté que ces fonds ne pourront servir à défendre l’emploi ou les salaires. Sans rire, Macron a prétendu qu’il serait injuste si ces fonds n’allaient pas tous aux banques et aux grandes sociétés: «On accepte ensemble d’émettre de la dette. Ce qui ne serait pas juste, ce serait de financer les dépenses nouvelles pour le modèle social et les augmentations de salaires sur de la dette.»

Macron a dit que la tâche du prochain gouvernement serait de planifier, coordonner et mettre en œuvre une guerre de classe contre les travailleurs, en étroite collaboration avec les syndicats. Il a dit, «Je demanderai au gouvernement de réengager rapidement une concertation en profondeur, dans un dialogue de responsabilité associant les partenaires sociaux dès l’été sur ce volet des équilibres financiers.»

En clair, ce gouvernement doit mener la défense la plus parasitaire des privilèges de la classe dirigeante française depuis le refus par la noblesse de s’acquitter de l’impôt aux États-Généraux de 1789. Cette crise budgétaire, causée par le soutien français à la guerre d’indépendance américaine a débouché sur la révolution française. Et après deux ans de grèves et du mouvement des «gilets jaunes», la classe ouvrière entrera rapidement en collision avec le gouvernement Castex.

Castex et les appareils syndicaux ont tous indiqué qu’ils soutiennent les grandes lignes de la politique dictée par Macron. Avant son entrevue télévisée hier soir, Castex a promis sur Twitter de travailler étroitement avec les syndicats: «Avant de donner des solutions, je souhaite que l’on en discute avec la Nation, avec les partenaires sociaux, dans les territoires. Nous les associerons le plus possible à la recherche de solutions pour un nouveau pacte social.»

Xavier Betrand, l’ex-ministre du Travail sous Sarkozy, a Tweeté: «Je connais et j’apprécie les qualités de serviteur de l’État de Jean Castex. Elles seront indispensables dans les moments difficiles que nous allons connaître.»

Lors d’une fade entrevue télévisée, Castex a de nouveau appelé à la «concertation» avec les partenaires sociaux et appelé à une politique sociale «économe». Signalant une politique répressive envers les immigrés et les musulmans, il a insisté qu’il ne tolérerait pas «certains comportements, certaines déviances, certains replis sur soi, certains communautarismes.»

Les syndicats quant à eux ne mobilisent aucune grève contre les plans sociaux qui pleuvent, mais signalent leur soutien pour Castex. Sous Sarkozy, rapportent Les Echos, Castex «aura entre autres géré de très près le service minimum dans les transports, la réforme des régimes spéciaux - il est resté proche de l'ex-secrétaire général de la CGT Bernard Thibault - et travaillé sur feue la TVA sociale.»

François Aubart de la Coordination médicale hospitalière, a salué auprès de Libération la campagne de Castex sous Sarkozy pour rentabiliser l’hôpital public: «Quand on discutait avec lui dans les années 2005-2006 sur l’hôpital en crise, il nous écoutait. C’est un homme qui ne change pas avec ses fonctions. Il a envie que les choses bougent.»

Ces remarques soulignent non seulement l’illégitimité de la politique des États européens, mais la fraude politique de la prétention des syndicats à représenter les travailleurs.

La première moitié de 2020 a vu la défaillance sanitaire historique et le pillage économique du pays par la bourgeoisie. La seconde verra une croissance importante de la résistance des travailleurs. Alors que les travailleurs de l’automobile aux USA bâtissent déjà des comités d’action pour imposer des conditions de travail sanitaires et stopper les attaques sociales, il faut ôter le contrôle des luttes ouvrières aux appareils syndicaux. Il s’agit de les organiser en une lutte politique indépendante pour défendre l’emploi et les vies et reprenant les richesses sociales pillées par la classe dirigeante.

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