Éruption du nombre de cas de COVID-19 et de décès au Mexique et en Amérique latine

Le Mexique a maintenant dépassé l’Italie en ce qui concerne le nombre de décès connus dus à la COVID-19, qui s’élève actuellement à un peu plus de 35.000 morts, ce qui fait de la pandémie dans ce pays la quatrième plus meurtrière au monde après les États-Unis, le Brésil et le Royaume-Uni. Le Mexique enregistre également un peu moins de 300.000 cas de la COVID-19, et sa courbe pandémique reflète celle de l’Amérique centrale et du Sud, une région qui représente environ le quart de tous les cas et décès dans le monde.

Pour faire face à l’augmentation du nombre de cas et de décès, la mairesse de Mexico, Claudia Sheinbaum, a annoncé que tout ménage ayant un cas confirmé de la COVID-19 doit rester confiné pendant au moins 15 jours: la nourriture et les fournitures nécessaires étant fournies par le gouvernement. La ville a également été contrainte d’appliquer des lois limitant la durée d’inhumation des corps pour permettre l’exhumation des nouveaux morts dans les cimetières publics, faisant ainsi de la place pour ceux qui meurent de la pandémie. Les anciens corps sont incinérés et remplacés par les nouveaux.

Niant la situation désastreuse qui règne dans l’ensemble du pays, le président mexicain Andrés Manuel López Obrador (AMLO) a déclaré dimanche: «L’essentiel est que la pandémie est en baisse, qu’elle perd de son intensité.» Ses propos, qui font écho aux nombreuses déclarations mensongères du président américain Donald Trump sur la pandémie, sont une tentative de justifier la réouverture économique dont son administration est le fer de lance alors même que le nombre de cas et de décès ne cesse d’augmenter.

Les politiques d’AMLO en matière de pandémie ont fait l’objet de critiques par d’anciens responsables de la santé. Salomón Chertorivski, ex-ministre de la Santé en 2011-2012, s’est prononcé contre la réouverture de l’économie tant que le nombre de cas et de décès n’aura pas diminué de façon régulière. «Il y a trois variables fondamentales: une réduction du nombre de contagions au cours des 14 derniers jours, une réduction du nombre de décès dans les derniers jours et une réduction du nombre de personnes hospitalisées, a déclaré Chertorivski au journal mexicain Reforma. Or, aucun de ces trois paramètres n’a été atteint.»

Dans le monde entier, le nombre de cas de la COVID-19 signalés aux autorités de santé publique a doublé au cours des six dernières semaines, portant le nombre total à 13,2 millions de personnes atteintes. Un million de ces cas ont été signalés au cours des cinq derniers jours seulement. Au cours de ces mêmes cinq jours, 23.000 autres personnes sont mortes des suites de la COVID-19, ce qui porte le nombre de décès confirmés à plus de 574.000 morts.

Comme l’a fait remarquer l’Organisation mondiale de la santé, la mortalité due à l’infection est relativement stable mais menace d’augmenter. La moyenne mobile sur 7 jours des décès au quotidien dans le monde est maintenant juste en dessous de la barre des 5000, ce qui est supérieur aux niveaux record enregistrés depuis le 13 mai. En conférence de presse lundi, le directeur général de l’OMS, le médecin Tedros Adhanom Ghebreyesus, a averti qu’«il y a beaucoup de raisons de s’inquiéter.»

Le médecin Tedros a également été plus direct que d’habitude dans ses propos en brossant un contraste entre les pays «alertes et conscients» des dangers de la pandémie, ceux qui «ouvrent leurs sociétés sur la base de données, étape par étape, avec une approche globale en matière de santé publique» et les pays qui «vivent une augmentation dangereuse des cas, avec leurs salles d’hôpital se remplissant à nouveau» parce que «les mesures éprouvées pour réduire les risques» ne sont pas «mises en œuvre ou suivies».

Les responsables de l’OMS mentionnent rarement des noms, mais ces récents commentaires visent clairement des pays comme le Mexique, le Brésil et les États-Unis. Le médecin Tedros note que «l’épicentre du virus reste dans les Amériques, où plus de 50 % des cas dans le monde sont enregistrés». Cela n’était pas encore le cas il y a deux mois, alors que le Mexique ne signalait que 40.000 cas, soit environ treize pour cent du nombre actuel de cas. Ces pays font partie des «nombreux pays... qui vont dans la mauvaise direction».

Le Mexique, de même que le Brésil, la Colombie, l’Argentine et la Bolivie, sont dans ce que le médecin Tedros qualifie de «phase de transmission intense de l’épidémie». Le Brésil compte près de 1,9 million de cas et 73.000 décès, des chiffres qui ont doublé au cours du dernier mois. La Colombie est en plus mauvaise posture, ayant doublé son nombre de cas et de décès, respectivement de 318.000 et de 5400, au cours des deux dernières semaines et demie. La Bolivie et l’Argentine connaissent aussi une augmentation importante de leur épidémie.

Ces pays donnent également un aperçu de la contradiction apparente selon laquelle le nombre de cas augmente globalement alors que le nombre de décès reste relativement constant.

La pandémie se propage également rapidement dans de nombreux pays d’Amérique centrale et des Caraïbes. Le Panama, par exemple, compte plus de cas par habitant que les États-Unis, avec 45.633 cas, et 909 décès. La République dominicaine enregistre plus de 45.000 cas et 903 décès, soit deux fois plus qu’il y a un mois. Le Guatemala, le Honduras et le Salvador, cibles de l’impérialisme américain depuis des décennies, comptent ensemble plus de 67.000 cas et 2200 décès.

En outre, puisqu’il s’agit de pays où les tests sont très peu nombreux, l’ampleur réelle et le nombre de victimes de la pandémie sont probablement largement sous-estimés. Au Guatemala, 46 % des tests sont revenus positifs, ce qui indique que l’épidémie est en train de devenir incontrôlable et que la propagation de la maladie n’est pas vraiment connue. Au Mexique, on signale que des familles ne font plus tester leurs proches malades parce que la procédure qui s’ensuit généralement consiste à incinérer ceux qui meurent de la pandémie plutôt que de les enterrer.

Lors de la conférence de presse de l’OMS lundi, le médecin Michael Ryan a livré une évaluation qui amène à réfléchir sur l’état de la pandémie. «Je l’ai déjà dit ici, nous devons apprendre à vivre avec le virus. S’attendre à ce que nous éradiquions ce virus dans les prochains mois est irréaliste.»

Il a également lancé une mise en garde contre le risque de se montrer trop optimiste quant au développement d’un vaccin au détriment de la nécessité de prendre des mesures de santé publique de base. «Croire que, comme par magie, nous obtiendrons un vaccin parfait auquel tout le monde aura accès n’est pas réaliste non plus. Certes l’histoire des vaccins montre que nous pouvons développer un vaccin et que oui, nous le ferons. Mais la question est de savoir quelle sera l’efficacité dudit vaccin, et plus important et plus inquiétant encore: qui recevra ce vaccin et sa distribution sera-t-elle juste et équitable?»

(Article paru en anglais le 14 juillet 2020)

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