Le chef de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon appelle à un réarmement français massif

Dans un entretien belliciste avec le Journal de Dimanche le 11 juillet, Jean-Luc Mélenchon, le chef de la France insoumise (LFI), demande un renforcement militaire massif de la France et des prépararifs pour des guerres majeures.

« Interrogeons notre conception de la défense nationale »,a-t-il dit. « La protection du territoire est-elle garantie? Peut-on continuer avec une marine dont le déploiement sur nos territoires maritimes correspond, en densité, à la présence de deux voitures de police pour tout l’Hexagone? »

« Quel est le caractère opérationnel de la dissuasion nucléaire quand la cyberguerre et la présence dans l’espace permettent de hacker les communications de l’adversaire? » Incapable de contenir sa colère face à la prétendue insuffisance des armements français, Mélenchon a déclaré que « C’est comme si à l’heure des fusils nous montions au front munis d’arbalètes. Au XXIe siècle, il y a trois nouveaux territoires de conflictualités: la mer, l’espace et le numérique. Les conditions de la puissance ne sont plus les mêmes. La France doit être active dans ces domaines. Nous en avons tous les moyens humains et techniques. Ce serait un puissant ressort d’invention et d’enthousiasme collectif. »

Mélenchon n'a précisé les implications d'aucun de ses appels à «l'enthousiasme collectif» pour le développement de la puissance militaire. Contre quels pays la France doit-elle être prête à lancer des frappes nucléaires ou des cyberattaques paralysantes? Combien de gens seraient tués dans de telles attaques?

Mélenchon parle et agit comme un partisan agressif de l'impérialisme français parce que c'est ce qu'il est. Il présente les visées prédatrices des banques et de la grande entreprise françaises aux fins d’assurer le contrôle des ressources géostratégiques et des marchés comme une «défense nationale». Sa critique du gouvernement Macron vient de la droite, à savoir qu’il n'est pas suffisamment agressif dans la poursuite de ces intérêts.

L'appel à une course aux armements source d '«enthousiasme collectif», est un appel nationaliste à la frénésie guerrière qui n'a rien à voir avec la politique de gauche, encore moins la politique marxiste. En revanche, c'est une conception politique que les régimes de droite et fascistes de l'Europe du XXe siècle ont très bien comprise, car ils cherchaient à détourner les tensions de classe vers l'extérieur par le biais de la guerre. C'est là un élément de plus en plus central de la réponse de Mélenchon à la pandémie de coronavirus.

Le mois dernier, dans une interview avec un groupe de journaux espagnols, suisses, italiens et allemands, Mélenchon a déclaré qu'en formulant sa réponse au coronavirus, LFI avait soigneusement examiné les politiques menées par la classe dirigeante française pendant la Première Guerre mondiale.

«On a cherché dans les lois de 1915-1916 pour voir ce qui avait été fait. La société française était paysanne; tous les hommes étaient au front et mourraient par millions. Ça nous intéressait de voir comment on a pu garantir la cohésion sociale à ce moment-là.» C'était une période où la classe dirigeante utilisait une propagande militariste, xénophobe et antisémite pour maintenir la «cohésion sociale» pendant la boucherie de la Première Guerre mondiale et pour réprimer l'opposition anti-guerre et socialiste dans la classe ouvrière internationale. Cette opposition a finalement éclaté lors de la révolution russe de 1917.

Comme lors de la Première Guerre mondiale, la pandémie de coronavirus a rendu visible à des centaines de millions de gens le conflit inhérent entre les intérêts de l'élite capitaliste et ses profits et la défense de la vie de la classe ouvrière, soulevant la nécessité du renversement du capitalisme. Mélenchon parle non pas comme un révolutionnaire cherchant à mobiliser la classe ouvrière pour renverser le capitalisme, mais comme un défenseur contre-révolutionnaire du système capitaliste cherchant à empêcher à tout prix un tel mouvement.

Mélenchon et LFI ont également été les principaux défenseurs de l'introduction par le gouvernement Macron du service universel pour les jeunes. Ce programme comprend un service militaire facultatif et vise à ouvrir la voie à la conscription. Lors d'une conférence de presse en février 2018, le député LFI Alexis Corbière avait réclamé un service national plus conséquent. «Nous sommes favorables à un service citoyen obligatoire de neuf mois, qui serait le socle d’une Garde nationale citoyenne qui permettrait de recréer ce lien entre l’Armée et la Nation.»

Aujourd'hui, Mélenchon réagit avec hostilité et peur à un mouvement à gauche de la classe ouvrière. Après deux ans de manifestations des «gilets jaunes», de grèves des cheminots dans toute la France et de grèves de travailleurs à l'international, il y a une opposition croissante de la classe ouvrière à la façon dont la classe dirigeante réagit à la pandémie. L'élite dirigeante européenne s’est servi de la crise pour se donner des milliers de milliards d’euros en renflouements aux banques et aux grandes entreprises. Elle a imposé une politique de retour au travail qui conduit déjà à une nouvelle propagation du virus. Elle intensifie maintenant l'austérité pour casser des services sociaux cruciaux afin de payer ces billions donnés en cadeau au patronat.

En France, le Premier ministre de Macron nouvellement installé, Jean Castex, a mis en route un programme accéléré pour concrétiser des coupes radicales dans les retraites et préparer des suppressions d'emplois massives dans toute la France. Pour ce faire, il se concerte étroitement avec les «partenaires sociaux» des syndicats pour s'entendre sur les coupes et la manière de réprimer l'opposition dans la classe ouvrière.

Mélenchon soutient cette politique. Sa critique de la réponse de Macron à la pandémie a été largement faite du point de vue de l’incapacité de celui-ci à adopter un degré suffisant de planification économique pour défendre les intérêts des entreprises françaises contre leurs rivales.

Dans l'interview de dimanche, Mélenchon se plaint de ce que, «pendant la crise sanitaire, notre pays a été humilié: nous avons dépendu des Chinois pour de simples masques en tissu, des tests et des molécules basiques de la pharmacie. Encore une fois, la planification, c’est la clé du futur pour produire le peuple souverain de demain […]Le plan, la souveraineté permettent la relocalisation de nos activités ».

Mélenchon critique régulièrement l'un ou l'autre aspect de la politique d'austérité du gouvernement Macron et appelle à une augmentation limitée des dépenses sociales, qu'il n'aurait de toute façon pas l'intention de réaliser s'il était élu. Mais sa politique économique nationaliste signifierait l'adoption d’un plan de guerre commerciale contre les rivaux impérialistes de la France, accompagné d’une vaste escalade des attaques sociales menées contre la classe ouvrière.

Dans les conditions de la production capitaliste mondialisée, sa demande d'attirer des capitaux étrangers en France exige la baisse des salaires et la casse des conditions de travail de la classe ouvrière française, la réduction des impôts sur les sociétés et la collaboration avec les syndicats pour réprimer l'opposition de la classe ouvrière. Ses hymnes à l’armée et à la politique de «l'Union sacrée» de la bourgeoisie française pendant la Première Guerre mondiale montrent que cela s’accompagnerait de l’instauration d’un État policier.

C'est d'ailleurs ce que les alliés de Mélenchon ont déjà mis en œuvre partout où ils sont arrivés au pouvoir. En Espagne, l'allié de Mélenchon Podemos gouverne avec le Parti socialiste (PSOE). Il a voté un renflouement bancaire de 100 milliards d'euros, a déchaîné la police anti-émeute contre les sidérurgistes en grève, exigé la réouverture de l'économie malgré la pandémie, ce qui a de nouveau propagé le virus en Espagne, et il prépare un nouveau cycle d'austérité.

En Grèce, l'ancien gouvernement Syriza, arrivé au pouvoir avec le soutien de Mélenchon, a mis en œuvre les mesures d'austérité les plus brutales jamais vues depuis des décennies, a utilisé la police anti-émeute contre les manifestations anti-austérité et a intensifié la répression contre les réfugiés.

Bien que Mélenchon ne les mentionne pas explicitement, son entretien a à voir avec les discussions des milieux dirigeants sur le conflit franco-turc en cours en Méditerranée. La France et la Turquie soutiennent en Libye des milices rivales crées par la guerre de changement de régime dirigée par la France, l’Angleterre et les États-Unis en 2011. Mélenchon a soutenu cette guerre néo-coloniale française et prétendu frauduleusement qu'elle visait à protéger la démocratie. Aujourd'hui, il réclame le réarmement pour pouvoir faire valoir les intérêts impérialistes français dans le partage du pays et de la région contre les puissances rivales.

Il n'y a aucun soutien dans la classe ouvrière pour la politique d'austérité, de dictature policière et de militarisme poursuivie par les classes dirigeantes européennes. Le développement d'une lutte révolutionnaire par la classe ouvrière nécessite de démasquer les démagogues comme Jean-Luc Mélenchon et de rompre politiquement avec eux.

(Article paru en anglais le 18 juillet 2020)

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