La crise du chômage aux États-Unis s’aggrave: près de 900.000 nouvelles demandes d’allocations de chômage

De nouvelles données publiées jeudi par le ministère américain du Travail ont montré que 881.000 travailleurs sans emploi ont déposé de nouvelles demandes d’allocation de chômage la semaine dernière, mettant à nu le mensonge d’une prétendue relance de l’économie alors que la pire crise de l’emploi depuis des générations se poursuit.

En outre, 759.000 personnes ont demandé une aide pour chômage causé par la pandémie (PUA), un programme créé dans le cadre de la loi CARES et destiné aux travailleurs indépendants, contractuels, et pigistes. Ce nombre représente une augmentation d’environ 150.000 personnes par rapport à la semaine précédente.

Le total de plus de 1,6 million de nouveaux chômeurs est plus du double du pire chiffre enregistré lors du krach financier de 2008-2009.

Des personnes font la queue sur un site de distribution alimentaire à Chelsea, Massachusetts [Crédit: AP Photo/David Goldman]

Cinq semaines se sont écoulées depuis que les démocrates et les républicains du Congrès ont laissé expirer les allocations de chômage supplémentaires qui avaient été accordées dans le cadre de la loi CARES. Le Sénat, contrôlé par les républicains, et la Chambre, contrôlée par les démocrates, ont été tout aussi indifférents à la situation critique de dizaines de millions de travailleurs privés de l’allocation fédérale de 600 dollars par semaine qui s’ajoutait à l’indemnité de chômage venant de leur État.

Près de six mois après l’adoption de la loi CARES, les résultats sont clairs, selon une analyse de Forbes qui a suivi la richesse de 643 milliardaires de la mi-mars au début du mois d’août. La richesse collective du groupe a augmenté de plus de 685 milliards de dollars, alors que dans le même temps aux États-Unis, près de 30 millions de personnes ont perdu leur emploi. Plus de 5,4 millions ont perdu leur couverture santé. On estime qu’un adulte américain sur sept se retrouve aujourd’hui sans ressources et que près de 40 millions de personnes risquent d’être expulsées de leur logement d’ici la fin de l’année.

Depuis l’expiration des prestations supplémentaires, plus de 5 millions de personnes ont demandé une indemnité de chômage. Au total, on a déposé quelque 60 millions de demandes d’allocations de chômage aux États-Unis depuis la mi-mars, tandis qu’à la mi-août, 29,2 millions de travailleurs, soit près d’un travailleur sur cinq, recevaient une sorte d’allocation de chômage du gouvernement fédéral et des gouvernements des États.

L’ampleur de la crise est bien plus grande que tout ce que l’on a pu voir de mémoire d’homme. Au plus fort de la Grande Récession, il y a dix ans, près de 7 millions de personnes percevaient des allocations de chômage. Ce nombre a régulièrement diminué pour atteindre moins de 2 millions en mars 2020. Au cours des six derniers mois, le nombre a plus que quadruplé et reste proche des 30 millions, un chiffre qui sous-estime fortement le nombre réel de chômeurs.

Les nouvelles données de jeudi sur les demandes d’allocations de chômage marquent seulement la deuxième fois au cours des 22 dernières semaines que le ministère du Travail a signalé moins d’un million de nouvelles demandes. Cependant, l’agence fédérale a récemment changé sa méthodologie de compilation globale des demandes d’allocations de chômage. Dans un communiqué de presse, le ministère a indiqué qu’il ajustait ses calculs saisonniers en passant de l’utilisation de «facteurs multiplicatifs» à des «facteurs additifs». Ces derniers, selon le ministère, seront plus précis «en présence d’un changement de niveau important dans une série chronologique».

Ces chiffres «ajustés» ne tiennent pas compte des travailleurs dont les heures ont été réduites de manière drastique ou complètement supprimées, comme c’est le cas dans de nombreux secteurs du commerce de détail et de l’hôtellerie. Les chiffres ne tiennent pas compte non plus des travailleurs qui sont toujours officiellement à l’emploi, mais qu’on n’a pas encore rappelés au travail. C’est le cas d’employés de bureau de diverses industries auxquels on a donné le «choix» d’un congé sans solde qui leur permet de conserver leur «emploi» sans percevoir aucun salaire.

Un mémorandum signé le 8 août par le président américain Donald Trump, appelé programme d’Aide pour perte de salaire (Lost Wages Assistance), prévoit la distribution hebdomadaire de 300 dollars en allocations fédérales de chômage en plus de celles venant des États, à être prélevés sur un fonds de 44 milliards de dollars de l’Agence fédérale de gestion des urgences (Federal Emergency Management Agency – FEMA). Ce programme doit encore se concrétiser pour des millions de travailleurs.

Au moment d’écrire ces lignes, 45 États ont reçu l’approbation de la FEMA pour commencer à distribuer des fonds. Mais seuls six d’entre eux – l’Arizona, la Louisiane, le Montana, le Missouri, le Tennessee et le Texas – ont effectivement commencé à le faire. Des dizaines d’États ne sont pas en mesure de donner une date de début aux bénéficiaires potentiels. Selon une estimation de la Century Foundation, si tous les États et le District de Columbia participaient au programme, le fonds de la FEMA serait épuisé en six semaines.

Le fait que les prix des denrées alimentaires continuent d’augmenter – alors même qu’on a résolu, en grande partie, les problèmes de la chaîne d’approvisionnement – vient encore compliquer les choses. Un rapport d’août sur l’indice des prix à la consommation a révélé que les prix des denrées alimentaires avaient augmenté de 4,1 pour cent en 2020 par rapport à juillet 2019. Les produits de base tels que les œufs, le bœuf haché et le lait ont continué à augmenter, jusqu’à 10 pour cent, alors même que les agriculteurs luttent pour atteindre le seuil de rentabilité.

Alors que le chômage continue d’augmenter, les files d’attente pour les banques alimentaires s’étendent sur des kilomètres dans les villes américaines. La crise persistante du chômage, associée à l’inaction du Congrès qui a refusé de prolonger l’allocation fédérale de chômage de 600 dollars à la fin du mois de juillet, a exacerbé la faim aux États-Unis. On a toujours utilisé la faim pour forcer les pauvres et la classe ouvrière à accepter des emplois mal payés et dangereux, même pendant les périodes dites «fastes». Maintenant, on l’utilise pour forcer les travailleurs – y compris les enseignants – à retourner dans les salles de classe et sur les lieux de travail malgré une propagation continuelle et incontrôlée du coronavirus dans tout le pays.

Dans un article paru jeudi dans le New York Times, Terry McNamara, 74 ans, un grand-père de Parme, une banlieue ouvrière de Cleveland (Ohio), a décrit succinctement la situation comme étant «la Grande Dépression avec les minivans». Pour McNamara, sa fille et ses cinq petits-enfants, l’attente en voiture pendant des heures pour aller chercher de la nourriture dans les banques alimentaires et les organisations caritatives locales est devenue un rituel quasi quotidien.

Feeding America (Nourrir l’Amérique), le plus grand réseau de banques alimentaires et de garde-manger aux États-Unis, estimait avant la pandémie qu’un nombre colossal de 37 millions de personnes aux États-Unis étaient en situation d’insécurité alimentaire. Parmi eux, il y aurait 11 millions d’enfants. Feeding America estime aujourd’hui que plus de 54 millions de personnes pourraient être confrontées à l’insécurité alimentaire en 2020. Maintenant il y aurait 18 millions d’enfants. Pour ces derniers, le manque de repas nourrissants réguliers peut avoir des effets néfastes sur leur croissance.

En réponse à un tollé généralisé, le ministère américain de l’Agriculture est revenu sur une décision antérieure qui aurait obligé les parents à payer pour un programme de repas scolaires d’été qui avait débuté en mars après la fermeture des écoles. La prolongation n’est toutefois valable que jusqu’au 31 décembre, après quoi les quelque 30 millions d’enfants qui ont profité de ce programme se trouveront privés de nourriture.

Au Texas, Brian Greene, PDG de la banque alimentaire de Houston, s’est entretenu avec ABC13 sur la demande continuelle pour les services du groupe.

«Nous aidons certainement à des niveaux que nous n’avons jamais vus auparavant. Dans les premiers mois de cette pandémie, nous distribuions plus de 450 tonnes [de nourriture] par jour», a déclaré Greene. «En ce moment, nous distribuons plus de 350 tonnes par jour. Ce n’est pas tout à fait le double de ce que nous faisions avant la pandémie, mais c’est toujours bien au-dessus de ce à quoi nous sommes habitués».

À Orlando, en Floride, où le taux de chômage était de 15,3 pour cent en juillet, les travailleurs ont commencé à arriver à un point de distribution de nourriture samedi dernier à 4:00 du matin. C’était afin d’avoir la chance de recevoir des provisions dont ils ont grand besoin. Après quatre heures et demie d’attente, la file de voitures s’est allongée de plus de trois kilomètres, la plus longue au cours des 16 dernières semaines. Nick Canturano, un employé de restaurant mis à pied, a déclaré au Orlando Sentinel: «Chaque semaine, la situation s’aggrave».

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