Témoignage d’un témoin oculaire: le manifestant de Portland, Michael Reinoehl, a été exécuté par la police

Un témoin oculaire s’est présenté pour contredire les affirmations officielles selon lesquelles Michael Reinoehl, un opposant de gauche à la violence policière qui a trouvé la mort à Lacey, Washington, le 3 septembre dernier, est mort lors d’un échange de coups de feu avec la police. Selon le témoin, un pasteur qui vit à proximité, la police a ouvert le feu sans avertissement et Reinoehl ne semblait pas armé.

Reinoehl s’était enfui de Portland dans l’Oregon, pour se réfugier dans une banlieue d’Olympia, Washington, à environ 200 kilomètres au nord. C’était après qu’on ait lancé un mandat contre lui pour avoir tiré sur un fasciste armé, Aaron Danielson, lors d’une attaque de la droite contre des manifestants anti-policiers. Reinoehl avait invoqué la légitime défense. Il a dit qu’il agissait en tant que garde de défense pour les manifestations qui ont eu lieu à Portland au cours des trois derniers mois.

Dans des interviews accordées à la presse, Reinoehl a déclaré qu’il fuyait parce qu’il craignait que la police l’assassine en raison de ses opinions politiques, une crainte qui était pleinement justifiée comme les événements l’ont démontré depuis. Il est devenu la victime de ce qu’on ne peut appeler qu’un assassinat ciblé, dont l’instigateur réside à la Maison-Blanche.

Le récit officiel est que lorsque la police a accosté Reinoehl sur le stationnement d’un immeuble d’habitation, il a sorti une arme et a échangé des coups de feu avec eux. Les officiers qui ont tiré étaient du bureau du shérif du comté Pierce (Tacoma), du département de police de Lakewood, Washington, et du département des services correctionnels de Washington (le système pénitentiaire). Ils opéraient dans le cadre d’une force d’intervention fédérale/régionale.

Mais le témoin oculaire Nathaniel Dingess, un pasteur de 39 ans qui vit dans le complexe d’appartements a déclaré que la police n’a donné aucun avertissement ou ordre à Reinoehl avant d’ouvrir le feu et de le tuer. Selon une déclaration de Luke Laughlin, son avocat, Dingess a vu Reinoehl se diriger vers sa voiture, un téléphone portable à la main, en train de manger un bonbon, lorsque deux voitures de police banalisées ont convergé, et ont bloqué la sortie du stationnement.

«Les officiers ont tiré plusieurs coups de feu rapides sur Reinoehl avant de donner un bref ordre d’arrêt, rapidement suivi par des tirs plus rapides de la part d’autres officiers», peut-on lire dans la déclaration de Dingess. Le témoin a déclaré qu’il n’a pas vu Reinoehl avec une arme de poing ou en train d’en prendre une. La police a affirmé avoir retrouvé une arme en possession de Reinoehl, mais n’a pas dit si elle avait été déchargée.

On a publié ce récit pour la première fois mercredi dans les médias locaux de Portland (Oregon), mais dès jeudi, il était mis en évidence sur le site web du Washington Post, le principal journal de la capitale américaine, sous le titre: «La police a tiré sur le suspect de Portland sans avertissement ou sans avoir essayé de l’arrêter en premier, selon un témoin».

Cela s’est accompagné d’une extraordinaire présentation vidéo de 18 minutes sur le site web du journal qui présentait les expériences de quatre manifestants arrêtés à Portland par des agents lourdement armés, camouflés et non identifiés à l’exception du mot «police». Les quatre ont été détenus jusqu’à 12 heures et interrogés, puis relâchés sans inculpation.

Le titre du Post – «Balayé dans la réponse fédérale aux protestations de Portland: “Je ne savais pas si on allait me revoir”» – rend compte de la terreur infligée aux personnes arrêtées. Ces agents fédéraux utilisaient des méthodes qui rappellent les escadrons de la mort d’Amérique latine.

Tous les quatre étaient originaires de la région de Portland. Ils n’étaient pas «des agitateurs d’ailleurs». Tous les quatre étaient actifs dans le mouvement de protestation contre les violences policières. Mais ils n’étaient affiliés à aucune organisation de gauche, sans parler du prétendu Antifa, qui est plus une étiquette adoptée par les manifestants antifascistes qu’un groupe réel.

Evelyn Bassi, 30 ans, qui a toujours vécu en ville, est barman et chef cuisinier. Mark Pettibone, 30 ans, vient de terminer une maîtrise au Reed College de Portland et travaille dans une épicerie. Tawasi, 44 ans, est un Amérindien qui n’utilise qu’un seul nom, vit à Portland et travaille comme chauffeur de livraison et blogueur vidéo pour le mouvement de protestation. C’est un pacifiste. La police l’a accusé d’être un Canadien du nom de Ronald Hickey et a cherché à porter des accusations contre l’Amérindien pour entrée illégale dans le pays.

La quatrième personne arrêtée qui a parlé de son expérience avec le Post est John Hacker, un jeune diplômé de 36 ans de l’Université d’État de Portland qui travaille comme «citoyen-journaliste» et qui documente les manifestations de Portland et les mesures répressives à tous les niveaux de l’État: les flics de Portland, la police de l’État de l’Oregon et les agents fédéraux.

Bassi et Pettibone se sont fait saisir par des agents armés et mis dans des fourgonnettes banalisées alors qu’ils marchaient dans les rues du centre-ville tard dans la nuit. Tandis que, Tawasi et Hacker se sont probablement fait prendre pour cible parce qu’ils étaient engagés dans la documentation du rôle de la police pour les médias sociaux de gauche.

Après que le gouvernement Trump ait en grande partie retiré les agents fédéraux de Portland en août, il a mobilisé ses partisans fascistes. Ces derniers ont organisé plusieurs rassemblements dans les banlieues de Portland, puis une série de caravanes qui sont entrées dans la ville et ont perpétré de violentes attaques contre ceux qui protestaient contre la violence policière. Dans certains cas, ils ont tiré des balles de peinture, du gaz poivré et d’autres irritants nocifs, et ont sorti des armes à feu.

C’est au cours d’un de ces affrontements, le 29 août, qu’Aaron Danielson, qui tirait des balles de peinture et du gaz poivré sur les manifestants et portait une arme de poing, a été abattu.

Un aspect du meurtre de Michael Reinoehl – le fait qu’il portait son téléphone portable lorsqu’il s’est fait abattre – a une signification particulière du point de vue de la sécurité. OregonLive.com a rapporté que le Groupe d’intervention des shérifs du nord-ouest sur les délinquants violents (US Marshals Pacific Northwest Violent Offenders Task Force) a obtenu des mandats de recherche et poursuite de la part d’un juge de la région de Portland.

Comme l’a écrit le WSWS jeudi: «Les mandats approuvés par le tribunal ont permis au groupe d’intervention de suivre la localisation GPS et les données du téléphone portable de Reinoehl et de localiser précisément sa position». Une heure et 14 minutes après l’approbation du mandat par le juge, la police a apparemment suivi le signal du téléphone portable jusqu’à l’endroit où se trouvait Reinoehl et l’a abattu.

L’auteur moral de l’exécution de Reinoehl par la police est le président Trump. Pendant des mois, il a fait de Portland la cible privilégiée de sa démagogie anticommuniste et de son maintien de l’ordre. Il a envoyé des centaines d’agents fédéraux dans la ville, y compris la fameuse unité BORTAC de Douanes et protection des frontières. C’est une unité de type RAID (SWAT) qui a opéré dans le monde entier contre des prétendus terroristes.

Au cours des deux dernières semaines, Trump a défendu le justicier de droite Kyle Rittenhouse, qui a abattu deux manifestants non armés contre la violence policière à Kenosha dans le Wisconsin; puis il a salué le meurtre de Reinoehl, l’appelant un «châtiment». Le procureur général William Barr a qualifié le meurtre de Reinoehl d’«accomplissement significatif dans l’effort en cours pour restaurer la loi et l’ordre à Portland et dans d’autres villes».

Le gouvernement Trump et la police cherchent à créer une atmosphère politique qui justifie à l’avance toute violence exercée par la droite fasciste contre les manifestants de gauche et la classe ouvrière dans son ensemble.

Ils se font aider en cela par leurs opposants du parti démocrate, Joe Biden et Kamala Harris. Ces derniers ont gardé le silence sur l’exécution de Reinoehl par la police et l’abattage des deux manifestants à Kenosha par Rittenhouse. Les démocrates ont cherché à se présenter comme des défenseurs plus compétents et plus sérieux de «l’ordre public» et de la répression policière que Trump.

Nathaniel Dingess, le témoin oculaire qui s’est courageusement présenté pour dénoncer les mensonges de la police concernant le meurtre de Reinoehl, a exprimé sa crainte pour lui-même et sa famille suite à son témoignage. Son avocat, Luke Laughlin, et d’autres avocats des libertés civiles ont demandé une enquête indépendante sur le meurtre de Reinoehl. Ils se méfient de celle menée par le bureau du shérif du comté de Thurston, qui est compétent car le meurtre a eu lieu dans le comté de Thurston, à Washington.

Dans une déclaration à la presse, Laughlin a déclaré: «Compte tenu du sentiment politique du défunt et du climat national concernant les fusillades de la police, l’enquête devrait être menée par une organisation extérieure sans lien avec les forces de l’ordre, pour qu’elle soit vraiment considérée comme étant juste et neutre».

Il a poursuivi: «À un moment où le tollé concernant les meurtres de policiers est à son apogée dans ce pays, il est impératif que les circonstances de la mort de Reinoehl ne soient pas balayées».

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