Royaume-Uni: le gouvernement Johnson s'oppose à un confinement national malgré l‘augmentation exponentielle des cas de coronavirus

Une vaste portion de la Grande-Bretagne est maintenant en confinement local et le gouvernement de Boris Johnson a annoncé vendredi qu'un couvre-feu à partir de 22 heures entrerait en vigueur dans tout le nord-est de l'Angleterre. Au moins 10 millions de personnes sont maintenant en confinement local dans le nord de l'Angleterre, les Midlands, l'Écosse et le sud du Pays de Galles.

À partir de mardi, ce chiffre passera à environ 13 millions lorsque de nouvelles restrictions seront introduites dans le Lancashire, Merseyside, de grandes parties du West Yorkshire et du Cheshire. Celles-ci comprendront des couvre-feux touchant les bars et restaurants, qui devront fermer à 22 heures, et une interdiction de fréquenter les gens en dehors du cadre familial.

La situation à Birmingham, la deuxième plus grande ville du Royaume-Uni, et dans les villes à proximité de Sandwell et Solihull est en cours d'examen – avec d'autres restrictions en vue à mesure que les infections à Covid-19 se multiplient dans la région. Il a été interdit aux ménages de se mêler à Birmingham et dans les deux autres villes à partir du 15 septembre après que le taux d'infection sur sept jours est passé à plus de 70 cas pour 100 000 habitants.

Les grandes concentrations de populations et agglomérations connaissent une augmentation quotidienne encore plus élevée des cas qu'au plus fort de la pandémie, au printemps. Jeudi, Leeds, avec une population de près de 800 000 habitants, a confirmé 117 nouvelles infections. Son précédent chiffre quotidien le plus élevé avait été de 109 cas le 22 avril.

Il n’y a que deux mois et demi que le gouvernement Johnson a rouvert l'économie de façon irresponsable, le 1er juillet, en pleine pandémie, afin de rétablir le flux des profit pour le grand patronat. À partir du 11 août, les plus de 20 000 écoles du Royaume-Uni ont commencé à rouvrir, des décisions entraînant une résurgence prévisible du virus mortel.

Le nombre R (taux de reproduction) du virus est passé au-dessus de 1 la semaine dernière pour se situer entre 1,0 et 1,2. Le Groupe Scientifique Consultatif pour les Urgences (SAGE) a annoncé vendredi qu'il était de nouveau monté entre 1,1 et 1,4 et déclaré que ce niveau équivalait à une «propagation généralisée de l'épidémie dans tout le pays».

Au cours de la seule semaine dernière, les cas officiellement reconnus de COVID-19 ont plus que doublé – une moyenne quotidienne des derniers jours comprise entre 3 000 et 4 000.

Vendredi il y eut 4 322 nouveaux cas de COVID-19 confirmés en laboratoire – une infection toutes les 20 secondes et une augmentation de près de 1 000 en 24 heures. 27 nouveaux décès ont été annoncés.

Étant donné que des milliers de personnes présentant des symptômes et que des millions habitant dans des «points chauds» de tout le pays ne peuvent pas se faire tester, même cela représente un bilan officiel massivement maquillé du gouvernement conservateur.

Vendredi, l'Office national des statistiques a rapporté qu'en moyenne 6 000 personnes par jour en Angleterre seulement avaient été infectées entre le 4 et le 10 septembre, une augmentation de 3 200 personnes par jour pour la période du 30 août au 5 septembre. L’app Covid Symptom Study, développée par l’université de King's College London et ZOE, un groupe de science des données de santé qui surveille la santé de quatre millions de personnes au Royaume-Uni, estime qu'il y a eu environ 7500 nouveaux cas de COVID chaque jour au cours des deux dernières semaines.

Jeudi dernier, le professeur Anthony Costello, ancien directeur de l'Organisation mondiale de la santé, qui a mis en place, avec d'autres scientifiques, le comité indépendant du SAGE pour contester l'utilisation abusive d’information scientifique par les gouvernements, a tweeté: «J'ai entendu dire de la part de quelqu’un qui a des relations que le gouvernement pensait maintenant, en l'absence de tests, qu’il y a 38 000 infections par jour. »

Prenant note des preuves qui ont montré que le virus se propageait largement dans tous les groupes d'âge, Yvonnne Doyle, la directrice médicale de Public Health England, a déclaré vendredi que c'était «un avertissement de choses bien pires à venir».

Alors que le nombre d'infections augmente, le nombre de cas nécessitant des hospitalisations a presque doublé, passant de 100 dans la semaine du 8 septembre à 194. Le gouvernement refuse de fermer l'économie alors même qu'il prévoit de rouvrir plusieurs hôpitaux mobiles qui avaient été initialement ouverts au printemps, lorsque les unités de soins des hôpitaux publics étaient massivement débordées. L'un des ces hôpitaux de fortune (appelés Nightingales) basé au Centre d’exposition national de Birmingham se tient déjà prêt à traiter les patients dans les deux à trois jours.

Le secrétaire à la Santé Matt Hancock a admis vendredi sur Sky News que «le virus s'accélère clairement dans le pays» et insisté pour dire que «la dernière ligne de défense est une action nationale complète et je ne veux pas voir cela.»

Ce qui est proposé à la place, ce sont des demi-mesures nationales de «coupe-feu» qui ne fonctionneraient que pendant deux semaines. Cela impliquerait que les écoles et la plupart des lieux de travail restent ouverts, tandis que certains bars et restaurants pourraient voir leurs heures d'ouverture restreintes.

Pour garantir que la rentrée massive des enseignants et des élèves à l'école des dernières semaines ne soit pas inversée, a rapporté le Financial Times jeudi, «les experts du groupe consultatif scientifique du gouvernement pour les situations d'urgence (Sage) et le groupe scientifique sur la modélisation de la pandémie grippale (Spi-m) ont suggéré un confinement national qui pourrait concorder avec la fin du trimestre scolaire d'octobre ».

Il a ajouté: «Le gouvernement tient à éviter une nouvelle fermeture des écoles, les ayant fermées pendant le confinement national en mars et ne les rouvrant complètement que cet automne.»

L'article citait un scientifique «membre de Sage» disant: «Comme les écoles seront fermées pendant une semaine aux vacances de la Toussaint, l'ajout d'une semaine supplémentaire à cela aura un impact limité sur l'éducation.» Les vacances de Toussaint ne commençant que le 22 octobre, ce délai garantira une propagation incontrôlable et catastrophique du virus comme ce fut le cas avant le confinement national de mars.

Vendredi après-midi, 1230 écoles avaient été touchées par le coronavirus, une moyenne de plus de 32 par jour depuis la réouverture d'août en Écosse – mais la plupart des cas se sont déclarés depuis septembre dans des écoles en Angleterre (933). Il y a au moins 147 écoles avec des infections multiples confirmées dans leur population scolaire. Le Guardian rapportait vendredi que «plus de quatre écoles sur cinq en Angleterre ont des élèves bloqués à la maison parce qu'ils ne peuvent avoir accès aux tests de COVID-19, selon une enquête auprès des directeurs ».

Johnson a déclaré lors d'une visite dans l'Oxfordshire vendredi: «Nous voyons maintenant une deuxième vague arriver. Nous l'avons vu en France, en Espagne, dans toute l'Europe. Il a été absolument inévitable, je le crains, que nous le voyions dans ce pays. » Mais alors même que les décès s'accumulent dans ces pays – 154 morts en France vendredi et 557 en Espagne au cours des 72 heures précédentes, Johnson a insisté pour dire que son programme meurtrier continuerait: «Nous voulons garder les écoles ouvertes – vous pouvez en être sûrs. Et nous essaierons de garder ouvert tous les secteurs de l'économie, dans la mesure du possible. Je ne pense pas que quiconque veuille subir un deuxième confinement. »

***photo***

Légende:Johnson prend la parole devant le comité de liaison de la Chambre

Cette situation épouvatable met à nu les mensonges du gouvernement conservateur dirigé par Johnson, qui a insisté pour dire qu'il y avait peu de chance que les enfants soient mis en danger par le virus et pratiquement aucune qu'ils puissent infecter les adultes. Répondant aux questions du Comité de liaison de la Chambre mercredi, Johnson a été contraint de rétracter de telles affirmations mensongères, admettant que c'était «un fait de la maladie qu'elle est facilement transmissible entre enfants et adultes. Et ce que nous voyons maintenant, c'est malheureusement la progression de la maladie à partir des groupes plus jeunes, qui, comme tout le monde le sait, sont beaucoup moins sujets à ses pires effets, aux groupes plus âgés ».

La réponse du chef du Parti travailliste, Sir Keir Starmer, qui a joué un rôle essentiel pour assurer la réouverture de l'économie et des écoles, a été vendredi d'exhorter Johnson à convoquer une réunion de Cobra, la cellule de crise du gouvernement. Craignant la montée de la colère publique, il a déclaré: «Je suis profondément préoccupé par la forte augmentation des cas de coronavirus et les difficultés que les gens ont dans tout le pays à obtenir un test [...] Le public britannique veut savoir quelle est la situation et ce que le gouvernement va faire ».

Encore une fois, Starmer a insisté sur le fait que son parti continuerait de soutenir le gouvernement Johnson et à ne pas s'opposer à sa politique d'immunité collective, déclarant: «Je tiens également à préciser que les travaillistes continueront à agir dans l'intérêt national. »

La mise en danger massive des vies souligne la nécessité pour les travailleurs et les jeunes de se battre pour une perspective d’alternative. Le Parti de l'égalité socialiste constitue la seule opposition viable à cette politique mortelle par la formation de comités indépendants de sécurité de la base pour protéger les vies. Samedi, le comité national des enseignants de la base a tenu sa deuxième réunion pour s'opposer à la réouverture dangereuse des écoles et universités britanniques.

(Article paru en anglais le 19 septembre 2020)

Loading