La capitale québécoise devient un épicentre de la pandémie de COVID-19 au Canada

Le Québec fait face à une recrudescence des cas de COVID-19 dont la cause directe est la politique de négligence criminelle appliquée conjointement par le gouvernement propatronal de la Coalition Avenir Québec (CAQ), les gouvernements provinciaux de droite en Ontario et en Alberta, ainsi que le gouvernement libéral fédéral de Justin Trudeau.

Tout au long de l’été, le Québec a enregistré entre 50 et 150 nouveaux cas par jour. Depuis la fin août, le nombre de cas quotidiens a augmenté de façon fulgurante pour s’établir à 586 nouveaux cas le 21 septembre, un niveau qui n’avait pas été vu depuis la fin mai. Selon le Docteur Arruda, directeur de la santé publique, le Québec se trouve dans une deuxième vague de la pandémie.

Les ravages du virus dans la Capitale-Nationale

La ville de Québec est particulièrement touchée par cette nouvelle vague. La région de la Capitale-Nationale, qui avait été relativement épargnée jusqu’alors avec un nombre de cas peu élevé et concentré dans des centres d’hébergement et de soins de longue durée, est aujourd’hui un épicentre important de l’épidémie.

Dimanche et lundi, la région a enregistré un nombre identique de 92 nouveaux cas, un record depuis le début de la pandémie. Le précédent record, 86 cas, ne datait que de quelques heures puisqu’il avait été établi vendredi dernier. Au total, c’est plus de 400 nouveaux cas qui ont été détectés à Québec et dans les environs pour la semaine du 14 au 20 septembre.

Lundi, devant l’ampleur de la situation, le gouvernement du Québec a haussé le niveau d’alerte de la région de la Capitale-Nationale (à l’exception de Portneuf et de Charlevoix) de jaune («préalerte») à orange («alerte modérée»). La région de Chaudière-Appalaches, qui a elle aussi enregistré un nombre record de nouveaux cas lundi avec 50, et celle de Montréal, sont aussi passées au niveau orange. Mardi, ce fut au tour de Laval et de l’Outaouais.

Ces décisions du gouvernement sont basées sur le système provincial d’alerte qu’il a mis en place en réponse aux critiques de sa gestion catastrophique de la pandémie au printemps. Sous un vernis de prudence pseudo-scientifique, le système n’a qu’un seul véritable objectif: éviter un nouveau confinement généralisé afin de préserver les profits de l’oligarchie financière et de la grande entreprise, tout en donnant l’illusion que le gouvernement agit pour protéger la population.

Le caractère frauduleux du système d’alerte est révélé par la nature vague et arbitraire des critères (« la situation épidémiologie, le contrôle de la transmission et la capacité du système de soins ») qui mènent à la classification des régions du Québec selon quatre couleurs: vert, jaune, orange et rouge. Les mesures sanitaires additionnelles imposées lorsqu’une région passe d’une couleur à une autre sont nettement insuffisantes et laissées à l’entière discrétion du gouvernement

Ainsi, les nouvelles règles qui s’appliquent dans la région de Québec depuis lundi comprennent principalement: la réduction du nombre de personnes autorisées à se réunir en privé à l’intérieur, qui est passé de 10 à 6; l’interruption du service de nourriture et d’alcool à 23h dans les bars et restaurants, lesquels doivent désormais fermer à minuit; et une présence accrue de policiers pour contrôler le port du masque.

Pourtant, des documents gouvernementaux fuités sur Twitter le 16 septembre indiquaient que le passage d’une région au niveau orange entrainerait la fermeture de certains commerces dont les bars, les salles à manger des restaurants et les gyms, et l’interdiction des compétitions sportives et des sports de contact. Aucune de ces mesures n’a été mise en place et le gouvernent prétend maintenant qu’elles n’étaient que des suggestions qu’il a toute latitude d’ignorer «selon la situation».

Les vrais responsables sont les autorités en place

Les agissements du gouvernement Legault au début de cette «deuxième vague» ne sont que la continuation des politiques criminelles adoptées par l’élite dirigeante québécoise et canadienne depuis le début de la pandémie.

Malgré les avertissements lancés par l’Organisation mondiale de la santé dès le mois de janvier, le gouvernement Legault et celui de Trudeau à Ottawa n’ont rien fait pour empêcher la propagation du nouveau coronavirus, très contagieux et potentiellement mortel.

Le gouvernement fédéral a attendu jusqu’au 10 mars pour demander aux provinces de vérifier si elles seraient en pénurie de respirateurs ou d’équipements de protection individuelle (voir Révélations de Woodward: l'élite politique canadienne impliquée dans la minimisation par Trump de la menace représentée par la COVID-19). Quant au gouvernement Legault, c’est à contrecœur et sous la pression notamment de travailleurs de la construction réclamant la fermeture des chantiers, qu’il s’est résolu à recourir au confinement du printemps.

Les mesures imposées à la mi-mars visaient avant tout à protéger l’«économie», c’est-à-dire les profits de l’oligarchie financière. Le gros des ressources investies par Ottawa – pas moins de 650 milliards de dollars – était consacré au sauvetage de la grande entreprise, tandis qu’une infime portion était destinée aux travailleurs touchés de plein fouet par une hémorragie de l’emploi.

Dans les six mois subséquents, les autorités ont refusé d’investir des ressources pour la mise en place des recommandations de la communauté scientifique – dépistage de masse, traçage des contacts, stricte distanciation sociale, renforcement des infrastructures de santé.

Dès la mi-avril, Legault, tout comme ses homologues dans les autres provinces et au niveau fédéral, a entamé un déconfinement précipité et téméraire afin d’intensifier l’extraction de profits au détriment de la santé et de la vie des travailleurs.

En mai, Legault faisait pression pour la réouverture des écoles primaires dans toute la province en prônant ouvertement «l’immunité collective», c’est-à-dire de laisser le virus contaminer une grande majorité de la population. Même s’il a dû arrêter d’en parler à cause d’un tollé général, c’est la politique qu’il mène en pratique. Il a joué un rôle de premier plan dans la rentrée scolaire, qui est vue par l’élite dirigeante comme une nécessité pour accélérer le retour prématuré au travail.

Maintenant qu’il est impossible de nier que la situation empire de jour en jour, le gouvernement Legault tente de faire croire qu’il n’est pas responsable. À cette fin, il a déployé une vaste campagne mensongère de relations publiques visant à placer le blâme pour le désastre en développement sur les épaules de la population du Québec, particulièrement les jeunes.

Le premier ministre Legault et plusieurs membres de son gouvernement clament sans relâche que l’entière responsabilité de la recrudescence des cas de COVID-19 incombe à une population «irresponsable» qui ne respecte pas les mesures sanitaires telles que le port du masque.

Le rôle servile des grands médias

Les grands médias serviles se font les complices de cette campagne, reprenant sans vérification aucune le mantra du gouvernement que les «party» privés sont «considérés comme le principal foyer d’éclosion du virus», une affirmation qu’on n’a même pas tenté d’appuyer par des preuves ou des statistiques. On se contente de monter en épingle quelques incidents répréhensibles mais qui sont loin de représenter le comportement de la majorité de la population.

Cette campagne menée à l’échelle provinciale trouve son écho dans les déclarations des autorités de santé publique de Québec et dans les médias régionaux.

En réaction à l’annonce que la région passait «au code orange», le Dr Jacques Girard, directeur par intérim de la santé publique au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de la Capitale-Nationale, a déclaré: «Il était inévitable de faire quelque chose. Vous avez noté que les gens se rassemblent, font des activités sociales, c’est là que ça se passe. […] On demande aux gens de ralentir le côté de la socialisation tous azimuts.» Le maire de Québec, Régis Labaume a été encore plus direct en accusant la population de Québec d’être entièrement responsable de la situation: «On est responsable de notre malheur. […] On n’est plus vigilant. On est négligent.»

En réalité, ce sont l’élite dirigeante et le gouvernement qui la sert, non pas la population, qui sont les premiers responsables de l’actuelle recrudescence de la pandémie de COVID-19 à Québec. L’augmentation exponentielle des cas s’explique par les politiques de déconfinement, de retour forcé au travail et d’ouverture des écoles mises en place par le gouvernement Legault, avec le plein soutien d’Ottawa, depuis la mi-avril et accélérées à l’automne.

Sujet à des variations de quelques jours selon les régions et les commissions scolaires, le retour en classe a eu lieu vers le 31 août dans la majorité des écoles québécoises. Dans la semaine précédente, le Québec a enregistré un total de 762 nouveaux de coronavirus. Pour la même période, la région de la Capitale-Nationale n’en a dénombré que 24.

Ces chiffres ont explosé sitôt les élèves de retour dans les écoles, pour atteindre en moins de trois semaines 2712 cas hebdomadaires pour le Québec et plus de 400 pour la Capitale-Nationale. Il s’agit d’une multiplication par presque 4 et par 20, respectivement. En date du 22 septembre, pas moins de 65 écoles de la région de la Capitale-Nationale avaient déclaré au moins un cas de COVID-19 parmi les élèves et le personnel.

Lundi, l’Université Laval située dans le secteur Ste-Foy de Québec, a annoncé qu’elle suspendait les activités de ses équipes de rugby masculine et féminine en raison de la détection d’au moins 5 cas de COVID-19 parmi les joueurs-étudiants, conséquence directe de la reprise des activités sportives parascolaires autorisée par le gouvernement Legault depuis le 14 septembre.

Malgré ces faits accablants, aucun média n’a souligné le lien évident qui existe entre la rentrée scolaire ordonnée par le gouvernement et l’augmentation des cas de COVID-19.

Opposition grandissante parmi les travailleurs

Mais les travailleurs québécois ne sont pas dupes, particulièrement dans le milieu de la santé et dans les écoles, où ils doivent composer tous les jours avec l’épuisement, l’angoisse, la pénurie de personnel et le manque criant de matériel de protection.

Une enseignante au primaire de la région de Québec a décrit au World Socialist Web Site une situation intenable où les mesures sanitaires promises par le gouvernement sont mises en place de façon désorganisée par les directions d’école laissées à elles-mêmes. Cette enseignante a, par exemple, dû acheter elle-même des produits nettoyants pour désinfecter les locaux où elle travaille quotidiennement.

L’école primaire où elle enseigne a déjà dû placer deux classes en isolement en raison de cas de COVID-19. Au mépris de la prudence la plus élémentaire, elle-même doit continuer à travailler malgré de possibles contacts avec les enfants infectés puisque les professeurs ne peuvent pas se placer en isolation préventive; seul un test positif les autorise à s’absenter sans avoir à piger dans leur banque de congés maladie et de vacances.

Chez les travailleurs de la santé, qui sont aux prises avec une situation catastrophique depuis le mois de mars, la colère a pris dernièrement une forme encore plus ouverte et plusieurs travailleurs ont appelé à une grève générale sur les médias sociaux.

Un travailleur de la Basse-Côte-Nord a écrit sur le groupe Facebook «Mobilisation des anges gardiens» que la solution était une «grève générale illimitée ou rien» puisque «du picketage durant les breaks ou des grèves rotatives, ça ne donne rien».

Ce commentaire a reçu 54 mentions positives et a été appuyé par un autre «ange gardien» qui a écrit: «Il y a toujours des gens qui mettent le bâton dans la roue, moi je pense qu’une grève générale illimitée c’est la solution pour résoudre les problèmes et surtout dans ces conditions-là».

D’autres travailleurs ont répondu qu’ils étaient eux aussi pour une grève générale et que la dernière offre du gouvernement concernant les négociations de leurs conditions de travail était «une vraie farce».

Ces travailleurs doivent maintenant prendre les choses en main et former leurs propres organisations de lutte, des comités de sécurité de la base. Seuls ces comités – indépendants de la bureaucratie syndicale procapitaliste dont le rôle est d’étouffer la colère de leurs membres – sont en mesure d’avancer les revendications nécessaires pour protéger la vie et la santé de la population, y compris:

* la fermeture immédiate des écoles;

* l’enseignement à distance pour tous les élèves avec plein soutien logistique aux familles qui en ont besoin;

* l’embauche de dizaines de milliers de travailleurs de la santé et d’enseignants;

* l’arrêt de toute activité économique non essentielle;

* une pleine compensation financière aux travailleurs touchés par des mises à pied, atteints du coronavirus ou en retrait préventif.

Ces comités doivent mobiliser les diverses sections de la classe ouvrière, non seulement au Québec mais partout au Canada et dans le monde. Dans tous les pays, la pandémie a exacerbé les tensions de classes et démasqué les syndicats et les partis politiques supposément «de gauche» comme des organisations hostiles aux travailleurs et dévouées à la défense du système capitaliste.

En réponse, on voit l’émergence d’un réseau mondial de comités de sécurité de la base. À New York, à Los Angeles, au Texas, au Michigan, en Floride, en Allemagne, en Australie et au Royaume-Uni des enseignants ont formé de tels comités pour s’opposer au retour prématuré en classe. Des travailleurs américains de l’industrie automobile ont fait de même en opposition aux conditions dangereuses qui règnent dans les usines et à l’indifférence des entreprises et des syndicats à l’égard de leur vie et de leur santé.

Les travailleurs au Québec qui s’opposent au retour prématuré au travail et à la rentrée scolaire précipitée font partie de ce mouvement international. Ils doivent joindre leurs forces à celles de leurs frères et sœurs de la classe ouvrière dans le reste du Canada, aux États-Unis et à l’international. Ils doivent également élargir leur lutte contre les politiques meurtrières des divers paliers de gouvernement afin d’en faire une lutte pour la réorganisation socialiste de la société et pour mettre fin au système de profit, qui est la cause fondamentale des ravages de la pandémie.