La contestation étudiante face à la politique d’immunité collective s’étend à toute la Grèce

Des lycéens grecs ont défilé jeudi pour protester contre la politique d’immunité collective du gouvernement, alors que les occupations de lycées et les grèves de médecins et de travailleurs des transports se répandent dans tout le pays. Ce regain d’opposition sociale survient alors que les hôpitaux d’Athènes, dévastés par des décennies d’austérité de l’Union européenne, se retrouvent submergés par 580 victimes de COVID-19 (certaines âgées de 17 ans), dont 70 patients intubés.

Dans un contexte de silence total des médias internationaux, des étudiants de centaines de lycées et de larges couches de travailleurs se joignent à la lutte contre la campagne de rentrée scolaire de l’UE, menée par le gouvernement de droite de la Nouvelle démocratie (ND) du Premier ministre Kyriakos Mitsotakis. La rentrée scolaire s’est déroulée sans opposition de la part des syndicats ni du principal parti d’opposition bourgeois Syriza («Coalition de la gauche radicale»), qui est favorable à l’austérité.

Des médecins participent à un rassemblement lors d'une grève nationale de 24 heures des employés des hôpitaux publics devant le ministère de la Santé à Athènes, le jeudi 24 septembre 2020. (AP Photo/Thanassis Stavrakis)

Les protestations des lycéens contre les directives du gouvernement de la ND concernant la reprise des études continuent de s’accélérer. Alors que lundi, des dizaines de lycées ont rejoint un mouvement d’occupation des écoles qui a commencé la semaine dernière, mardi, 100 écoles étaient occupées. Hier, Kathimerini a rapporté que plus de 200 écoles étaient occupées à travers la Grèce, principalement dans la région de l’Attique autour d’Athènes, de Thessalonique, de Crète, d’Achaïe et de Magnésie.

La colère monte parmi les travailleurs et les jeunes face au manque de distanciation sociale et aux conditions, telles que les classes à grand effectif dans des salles mal ventilées, qui assurent la propagation du virus. Les principales revendications des étudiants protestataires consistent à limiter les effectifs des classes à 15 élèves; à embaucher sur la base de contrats à durée indéterminée le nombre d’enseignants nécessaire pour réduire les effectifs des classes; et à embaucher plus de personnel de nettoyage.

Des sections de travailleurs se mettent en grève par solidarité, tout en exigeant des augmentations de salaire et des révisions de contrat. Jeudi, une grève dans le port du Pirée, près d’Athènes, a interrompu tout le trafic, y compris celui des navires marchands et des traversiers, pendant 24 heures. De lundi à mercredi, Olympic Air a été contrainte par la grève d’annuler 58 vols intérieurs entre Athènes et diverses îles grecques.

Jeudi, des étudiants, rejoints par des enseignants et des parents, ont défilé à Athènes et à Thessalonique, les deux plus grandes villes de Grèce, critiquant à la fois les politiques d’immunité collective et le renforcement militaire contre la Turquie mené par le gouvernement Mitsotakis, en alliance avec la France.

Des étudiants protestataires d’Athènes ont expliqué au Projet de presse grec comment ils s’adresseraient à Mitsotakis s’il était présent. Ils ont dit: «Vous nous dites que nous fermons des écoles, mais votre politique les a transformées en bombes sanitaires et entraîne la fermeture de l’une après l’autre à cause du COVID-19! Vous nous dites que nous avons raison, mais que nous devrions rester à la maison pour vous rendre un service et renoncer à nos droits. Vous avez l’audace de nous dire que vous remplirez nos exigences si nous faisons marche arrière – tout en prétendant que rien ne peut être résolu, que nous en demandons trop si nous exigeons des écoles sûres».

Les manifestants ont également scandé des slogans contre les mesures visant à porter le service militaire à dix mois à partir de l'âge de 18 ans, et contre le récent trafic d'armes entre Paris et Athènes, qui vise la Turquie.

Le Comité de coordination des étudiants d’Athènes, une organisation qui supervise les protestations des étudiants et les occupations d’écoles dans la région d’Athènes, a fait écho à ce sentiment dans une déclaration qui critique le budget militariste du gouvernement Mitsotakis. La déclaration se lit comme suit: «Le gouvernement ND dit qu’il va acheter 16 avions de guerre Rafale à la France cette année pour un coût de près de 4 milliards d’euros. Ensuite, on nous dit qu’il n’y a pas d’argent pour engager des enseignants dont on a grandement besoin pour réduire le nombre d’élèves par classe».

De nombreux étudiants font remarquer que les 4 milliards d’euros dépensés en armement français pour préparer une guerre fratricide contre la Turquie suffiraient à engager les 300.000 enseignants nécessaires pour réduire le nombre d’élèves par classe à 15.

La Jeunesse communiste grecque (KNE), liée au Parti communiste grec stalinien (KKE), a rapporté que certains directeurs d’école et fonctionnaires tentent de bloquer les lycées occupés. Ils «calomnient les manifestants en les qualifiant de “négateurs de masques”», affirmant qu’ils nient la nécessité de porter des masques pour se protéger pendant la pandémie. Le KNE a déclaré que les étudiants font simplement valoir que les masques ne suffiront pas à stopper la propagation du virus entre des élèves qui passent de longues périodes dans la même classe.

Jeudi, en plus des protestations des étudiants, les médecins hospitaliers grecs ont manifesté à Athènes devant le ministère de la Santé pour exiger plus de personnel et une approche scientifique de la lutte contre la pandémie. «Nous sommes ici parce que le gouvernement n’a pris aucune mesure pour aider le système national de santé», ont-ils déclaré au Projet Presse Grèce. «Nous ne tolérerons pas de devenir un danger pour nos patients à cause de l’intensification de la charge de travail et de notre épuisement. On doit d’urgence procéder à un recrutement massif de personnel permanent dans les hôpitaux».

Les médecins ont souligné leur opposition aux licenciements de personnel infirmier intérimaire, exigeant que tout le personnel de santé reçoive immédiatement et sans condition un emploi permanent. Ils ont également demandé l’embauche d’un médecin et de quatre infirmières pour chaque nouveau lit de soins intensifs qui est ouvert.

«Nous sommes ici parce que le gouvernement, comme à toutes les époques précédentes, quelle que soit sa politique, dit que les scientifiques suggèrent, mais qu’ils légifèrent», ont déclaré les médecins à Press Project. Soulignant l’augmentation du nombre de décès dû à la résurgence de COVID-19 en Grèce, ils ont dénoncé «des protocoles sanitaires rédigés pour satisfaire les exigences des hôtels et de l’industrie touristique… Nous voyons le résultat d’une politique qui soumet la science aux lois sauvages du marché».

Les responsables grecs ont clairement fait savoir qu’ils avaient l’intention d’ignorer les protestations et de poursuivre les politiques d’immunité collective de l’UE. Même avec 342 cas et neuf décès jeudi, le ministre du Développement et de l’Investissement, Adonis Georgiadis, a déclaré qu’il n’y aurait pas de confinement pour arrêter la propagation du virus. «Le confinement n’aura lieu ni demain ni après-demain», a-t-il déclaré. «Nous nous battons pour l’éviter. C’est le dernier recours. Ce n’est pas le comité consultatif sur les maladies infectieuses qui décide, mais le gouvernement».

Mitsotakis s’est fait l’écho des commentaires de Georgiadis dans un appel télévisé hier, exigeant que le public porte des masques. Il a dit que le choix était entre «l’autoprotection et le confinement». Il a ajouté que «le confinement signifie la fermeture d’entreprises et le chômage», en se basant sur les plans pour que les milliards d’euros de fonds de sauvetage aillent uniquement aux banques et aux grandes entreprises, plutôt qu’aux travailleurs et aux petites entreprises.

Quant au dirigeant de Syriza et ancien premier ministre Alexis Tsipras, il a déclaré que Syriza ne devrait pas «donner au gouvernement et à Mitsotakis la possibilité d’échapper à la situation difficile dans laquelle ils se sont placés et dans laquelle le pays se trouve».

En fait, Tsipras lui-même porte la responsabilité politique centrale de la crise qui se déroule actuellement en Grèce. Élu en 2015 sur la base de promesses de mettre fin à l’austérité de l’UE, il a trahi ces promesses. Il a mis en œuvre des milliards d’euros de coupes sociales qui ont dévasté les hôpitaux, les écoles et d’autres institutions grecques maintenant menacées par le COVID-19. Syriza et ses alliés du KKE et de la bureaucratie syndicale grecque sont directement impliqués dans le désastre actuel.

L’alternative pour les jeunes et les travailleurs grecs est de se tourner vers la classe ouvrière européenne et internationale. Une colère explosive se développe à travers l’Europe et au-delà, contre la politique d’immunité collective de l’aristocratie financière, et des protestations ont déjà éclaté à Madrid.

La tâche politique qui attend la classe ouvrière est de préparer une grève générale dans toute l’Europe contre les politiques d’immunité collective, de prendre le contrôle des ressources nécessaires pour lutter contre le virus et de renverser les gouvernements anti-ouvriers dans toute l’Europe dans le cadre d’une lutte commune pour les États unis socialistes d’Europe.

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