Conclusion de l’audience d’extradition d’Assange: la décision est attendue le 4 janvier

L’audience d’extradition de Julian Assange s’est terminée jeudi comme elle avait commencé, avec un déni de son droit juridique à un procès équitable. La juge de district Vanessa Baraitser a refusé d’admettre des preuves supplémentaires sur le non-respect flagrant du gouvernement américain des règles d’un procès équitable.

Lorsque la phase probatoire de l’audience s’est ouverte il y a quatre semaines, Baraitser a refusé la demande de la défense d’exciser les allégations supplémentaires faites contre Assange. À la dernière minute, les procureurs américains avaient changé l’acte d’accusation. Elle a refusé une demande ultérieure de la défense pour un ajournement, afin de leur permettre de répondre au nouvel acte d’accusation. Sa décision de jeudi rend toute contestation à ce sujet pratiquement impossible.

Au nom de la défense, Mark Summers QC a demandé que Baraitser admette comme élément de preuve une nouvelle déclaration rédigée par Gareth Peirce, avocate et militante chevronnée des droits de l’homme d’Assange. La déclaration détaillait «les questions qu’on aurait soulevées par voie de preuve, explorées par voie de preuve et potentiellement soulevées par voie de soumissions si on avait eu plus, voire suffisamment, de temps pour répondre aux nouvelles et différentes allégations». Cela aurait fourni la base nécessaire pour que la défense puisse présenter des arguments dans sa plaidoirie finale sur le non-respect des procédures régulières par le gouvernement américain.

Suite à une objection de l'accusation, Baraitser a refusé d'admettre la déclaration.

Ce n’est que le dernier d’une série d’abus juridiques perpétrés contre Assange. Plus tôt dans la journée, Edward Fitzgerald QC a résumé les preuves soumises par Peirce concernant les multiples façons dont les États-Unis ont perturbé et violé la préparation de la défense du fondateur de WikiLeaks.

Ses déclarations font état de «matériel juridiquement confidentiel saisi à l’ambassade [équatorienne]» après l’arrestation d’Assange, de «l’intrusion dans des réunions juridiquement confidentielles» entre elle et Assange par des agences américaines et de «l’effet paralysant sur les préparatifs de ces procédures d’extradition» que ces actions ont déclenché. Elle note que les États-Unis n’ont pas donné l’assurance «que la représentation actuelle de M. Assange n’a pas fait, ne fait pas et ne fera pas l’objet d’une intrusion illégale de la part des agences américaines».

Peirce a passé une longue carrière à combattre certaines des affaires les plus tristement célèbres de la criminalité d’État: le coup monté contre Judith Ward; les quatre de Guildford; les six de Birmingham; les mineurs pendant la grève des mineurs de 1984-85; le meurtre par la police de Jean Charles de Menezes et de multiples personnes détenues pour terrorisme. Les efforts de Peirce pour contrôler le pouvoir, le secret et les abus d’État se sont poursuivis dans le cadre de la transformation de plus en plus complète du système juridique en un instrument de barbarie impérialiste.

Ce fait a été souligné par la deuxième décision importante de Baraitser jeudi, qui a jugé qu’un discours prononcé par le procureur général américain William Barr le 16 septembre ne pouvait pas non plus être admis comme preuve. Dans ce discours, Barr a confirmé son point de vue selon lequel «l’exécutif a pratiquement laissé libre cours à son pouvoir discrétionnaire [de poursuite]». En d’autres termes, si le président Trump veut voir Assange emprisonné à vie, que cela soit légal ou non n’a aucune importance. La défense a essayé d’introduire ces commentaires dans les procédures comme preuve de leur argument selon lequel l’accusation d’Assange est politiquement motivée.

Barr a prononcé le discours alors que des reportages circulaient sur un appel téléphonique avec les procureurs fédéraux dans lequel il leur a dit d’envisager d’inculper les manifestants américains de «sédition». Le discours du 16 septembre du procureur général allait dans le sens de cette proposition. Tous deux sont orientés vers la construction d’une dictature présidentielle en préparation d’un assaut massif contre la classe ouvrière. Les tentatives de destruction d’Assange sont intimement liées à ces mouvements vers des formes dictatoriales de pouvoir au sein de la classe dirigeante américaine.

Baraitser a déclaré que le discours de Barr semblait être «du genre de celui que fait couramment un procureur général». Que le juge britannique fasse une telle déclaration et prenne une telle décision n’est pas une surprise. Le premier juge assigné au dossier d’extradition contre Assange était Emma Arbuthnot. Il a été révélé par la suite que le mari et le fils d’Arbuthnot étaient tous deux intimement liés aux services de sécurité britanniques – son mari, le conservateur Lord Arbuthnot of Edrom, avait en fait été nommé dans des documents publiés par WikiLeaks. En outre, Arbuthnot elle-même avait reçu des avantages financiers de deux organisations partenaires du ministère des Affaires étrangères.

Ce conflit d’intérêts flagrant a forcé Arbuthnot à se retirer de la scène publique, mais elle n’a jamais admis ce conflit et continue à être responsable de l’orientation des juges débutants dans sa juridiction. Elle a refusé de se récuser de la procédure d’Assange. On a confié la gestion quotidienne de l’affaire à Baraitser.

Depuis, Baraitser a maintenu Assange en détention provisoire pendant plus d’un an et lui a refusé à plusieurs reprises la mise en liberté sous caution et les demandes d’amélioration de ses conditions de détention. Elle a annoncé jeudi qu’elle rendrait sa décision sur l’extradition d’Assange le 4 janvier à 10 h. Elle le laisse enfermé dans la prison de haute sécurité de Belmarsh pendant trois mois supplémentaires, au prix d’un terrible préjudice pour sa santé. La défense présentera son mémoire de clôture par écrit dans quatre semaines et l’accusation deux semaines plus tard.

L’intention évidente de Baraitser est d’approuver la demande d’extradition américaine sous le voile du secret. Elle a expulsé 40 observateurs du procès – dont des représentants d’Amnesty International, de Reporters sans frontières et des parlementaires européens – le jour de l’ouverture de l’audience. Baraitser peut depuis lors compter sur ce qui est pratiquement la censure des procédures par les médias bourgeois.

La scène à l’extérieur du tribunal jeudi (Source: Nathalie Avesta)

Ces quatre dernières semaines, on a entendu des témoignages qui détaillaient une liste dégoûtante de crimes de guerre et de torture. Aucun de ces crimes n’aurait été démasqué ou prouvé sans le journalisme héroïque de WikiLeaks et d’Assange. Pourtant, ce ne sont pas ces criminels de guerre et ces tortionnaires qui sont sur le banc des accusés, mais Assange, à qui on a refusé toute voix au chapitre. Pendant tout ce temps, outre le plus lamentable des éditoriaux qui ont enregistré pour la forme une opposition à son extradition il y a quatre semaines, la presse n’a pas sourcillé.

On peut en dire autant de chaque député qui siège à moins de trois kilomètres de l'Old Bailey.

Une seule conclusion peut être tirée du mois dernier: la nécessité impérieuse d’une intervention de la classe ouvrière internationale pour défendre Assange. La confrontation avec Assange par tous les secteurs de l’État, son système judiciaire, son parlement et ses médias a révélé que la classe ouvrière est la seule base sociale pour la défense des droits démocratiques. Au cours des trois prochains mois, le World Socialist Web Site et le Socialist Equality Party ne ménageront aucun effort pour orienter cette force sociale vers une lutte mondiale pour la liberté du fondateur de WikiLeaks.

(Article paru en anglais le 2 octobre 2020)

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