Couvre-feu: Macron rejette une mise à l’abri des Français contre la Covid-19

Lors d’une entrevue télévisée hier soir sur la résurgence de Covid-19, Emmanuel Macron a annoncé un couvre-feu de 21h à 6h dans une dizaines de villes de France, tout en insistant qu’il n’y aurait aucun nouveau confinement. Or, un couvre-feu ne stoppera pas la résurgence du virus, alors qu’il y a déjà plus de 20.000 nouveaux cas par jour en France et plus de 130.000 à travers l’Europe.

Le nombre de victimes croît exponentiellement, et les hôpitaux sont déjà débordés par des cas graves dans plusieurs villes, notamment Paris et Marseille. Fin septembre, le président de l’Ordre des Médecins, Patrick Brouet, avait averti: «Si rien ne change, dans trois à quatre semaines, la France va devoir affronter pendant plusieurs longs mois d’automne et d’hiver une épidémie généralisée sur tout son territoire, sans base arrière dans laquelle puiser des renforts humains, avec un système de santé incapable de répondre à toutes les sollicitations.»

Néanmoins, Macron, qui a déjà dit que «nous devons apprendre à vivre avec le virus», a prétendu hier soir que «Nous n'avons pas perdu le contrôle». Il a déclaré avec satisfaction qu’il n’est pas «dans la panique.» Il a annoncé un couvre-feu à commencer de la nuit de vendredi à samedi en région parisienne et à Aix-Marseille, Lyon, Lille, Toulouse, Saint-Étienne, Rouen, Grenoble et Montpellier. Selon Macron, «Il serait disproportionné de reconfiner le pays».

Macron a insisté que les travailleurs continueront à aller au travail, et les jeunes à l’école, malgré le couvre-feu. Le but, a-t-il expliqué, est de «réduire nos contacts les plus festifs», mais de continuer à faire tourner l’économie et aussi, selon lui, «continuer à avoir une vie sociale», mais uniquement au travail et à l’école. Il a également déclaré que les gestes-barrière fonctionnent bien pour limiter la transmission du virus au travail et dans le milieu scolaire ou universitaire.

Le président, un banquier et représentant éhonté de l’aristocratie financière, compte sacrifier un grand nombre de vies afin de maintenir les travailleurs au travail, même à des postes non-essentiels, et de garantir aux banques un flux continu de profits. Sa politique, étroitement coordonnée avec l’Union européenne, Londres et Washington, est fondée sur des mensonges et des non-dits réactionnaires qui contredisent les données de ses propres ministères.

Un couvre-feu visant à restreindre la seule vie sociale des Français ne réduira pas le nombre de cas de manière significative. Selon le dernier rapport de l’Agence de santé publique, le pourcentage de clusters liés à des rassemblements publics ou privés a déjà fortement chuté, à 7,9 pour cent du total, les Français limitant déjà leurs contacts sociaux. Le milieu scolaire, les entreprises, le travail précaire, et les transports pèsent pour plus de 61 pour cent des clusters, les autres étant concentrés sur les établissements sociaux ou de santé.

Le milieu scolaire compte à lui seul 35,3 pour cent des clusters, ce qui souligne le poids de la décision politiquement criminelle de recommencer les cours en présentiel cette automne.

Non seulement la déclaration de Macron selon laquelle les gestes-barrière stoppent les infections au travail et à l’école est fausse, mais le couvre-feu ne fera peu ou rien pour limiter la vaste majorité des cas de transmission du virus. Sa déclaration qu’il est «prématuré» de passer à un confinement reflète surtout le mépris flagrant de la classe dirigeante pour les vies des travailleurs.

Macron a dit vouloir faire passer le nombre de nouveaux cas journaliers en France de 20.000 à entre 3.000 et 5.000. Les journalistes chargés de cette entrevue formatée, les présentateurs Gilles Bouleau de TF1 et Anne-Sophie Lapix de France2, n’ont posé à Macron aucune question gênante qui aurait pu soulever le fait que son couvre-feu n’atteindra pas vraisemblablement ce but.

Mais surtout, la décision de Macron de laisser infecter entre 90.000 et 150.000 Français chaque mois d’un virus potentiellement mortel est d’une irresponsabilité et d’une criminalité flagrantes.

Macron a reconnu que même dans les cas où les malades de Covid-19 ne meurent pas, ils portent des séquelles «que nous ne comprenons pas parfaitement»: ils ont «perdu l'odorat, le goût» ou «auront des lésions des poumons, parfois des conséquences cardiaques, gastriques, d'autres cérébrales». Il a avoué par ailleurs que la moitié des patients en réanimation ont moins de 65 ans. Néanmoins, il accepte que sur une durée indéterminée, les Français soient infectés à raison d’entre 1,1 et 1,8 millions de cas par an, ou plus.

Lutter contre cette politique exige la mobilisation indépendante de la classe ouvrière. Macron fait une politique meurtrière consciemment et de sang-froid, pour assurer des profits aux banques au dépens de millions de gens en France et à l’international. Alors que Berlin, Paris et l’UE ont approuvé des milliers de milliards d’euros en plans de relance pour les banques et les grandes sociétés, ils travaillent étroitement avec les appareils syndicaux pour faire rentrer les travailleurs au travail et garantir le flux de profits vers le capital.

Pendant son discours Macron a salué la politique sanitaire du gouvernement britannique de Boris Johnson. Or le gouvernement Johnson est le partisan le plus ouvert, avec celui de Donald Trump, d’une politique dite «d’immunité de troupeau». Cette stratégie sanitaire employée pour immuniser le bétail consiste à vacciner une certaine proportion d’un troupeau, après quoi une infection individuelle ne se transmettra plus. A présent, traitant les vies humaines comme valant moins que du bétail, Macron, Johnson, Trump et Cie veulent laisser le virus infecter des millions de gens.

La question décisive est obtenir les moyens financiers et industriels nécessaires pour financer les travailleurs et les petites entreprises pendant un confinement visant à stopper la contagion, tout en investissant massivement dans le système médical et les tests. Toutefois, les aristocraties financières américaine et européenne refusent obstinément une politique semblable.

Nul besoin d’être un soutien de l’État policier stalinien en Chine pour reconnaître que la politique sanitaire de Beijing a été bien plus efficace et humaine que celle menée par l’UE. Des confinements stricts ont permis de juguler l’épidémie à l’intérieur de la Chine. Quand un cluster de 12 cas a été détecté à Qingdao en octobre, autour d’un hôpital où l’on traitait des malades venus de l’étranger, les autorités ont entrepris de tester les 9 millions d’habitants de l’agglomération afin de confiner les malades stopper la diffusion du virus.

En France et dans d’autres pays d’Europe, bien plus riches que la Chine, l’État propose d’accepter une vaste propagation du virus, et pour les quelques centaines de milliers de tests réalisés, il faut plusieurs jours afin d’obtenir les résultats.

A Clermont-Ferrand, La Montagne a interviewé le docteur Philippe Klein, Français établi en Chine, qui a averti sur l’impact de la résurgence du virus fin automne et en hiver, quand les malades pulmonaires sont les plus mortelles: «Il va arriver un moment où l’on va avoir nos services de réanimation complètement saturés, au point de devoir faire des choix, un tri, entre les malades et on sera de nouveau obligé de confiner.»

Klein a amèrement critiqué le déconfinement prématuré en France dans l’intérêt des banques: «Le confinement, c’est facile. On bloque tout et on arrête le brassage de population et donc la contamination. En France, le déconfinement a été raté.» Klein a parlé à Macron afin de lui suggérer des méthodes plus agressives contre le virus comme en Chine. Toutefois, Klein a dit: «Il m’a écouté, simplement, les intérêts économiques l’ont emporté. Ceux qui ont choisi de freiner plutôt que de stopper [la pandémie] ont fait le mauvais choix ... on subit plutôt que de maîtriser.»

La question décisive à présent est d’organiser les travailleurs et les jeunes en comités de sécurité, indépendants des syndicats, et de préparer politiquement des grèves de masse et une opposition systématique à la politique de Macron, de l’UE et de la classe capitaliste. Ceci inclut la lutte pour permettre aux travailleurs non-essentiels et aux jeunes de s’abriter chez eux, afin d’empêcher des pertes de vies évitables à un niveau horrifiant en Europe et internationalement dans les mois à venir.

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