La réouverture imprudente des lieux de travail et des écoles en Ontario entraîne des conditions désastreuses dans les garderies

Les autorités sanitaires de l'Ontario, la province la plus peuplée au Canada, ont signalé un nombre record de nouvelles infections de la COVID-19 le week-end dernier, avec 978 nouveaux cas samedi et 1042 dimanche.

La moyenne mobile des nouveaux cas sur sept jours s'est également élevée à 857 dimanche, un record absolu.

La recrudescence spectaculaire des cas de COVID-19 depuis le début du mois de septembre est le résultat direct de la politique homicide de la classe dirigeante qui consiste à «rouvrir» l'économie et les écoles, afin d'intensifier l'extorsion des profits sur le dos de la classe ouvrière. La politique de faire passer les profits avant la vie des travailleurs, est soutenue par l'ensemble de l'establishment politique, à commencer par le gouvernement fédéral libéral et provincial conservateur en Ontario, et est appliquée par les syndicats. Ces derniers ont dénoncé à plusieurs reprises comme «illégales» toutes actions des travailleurs contre les dangereuses conditions de travail potentiellement mortelles qui sévissent dans les usines et les écoles.

La recrudescence de la pandémie fait payer un lourd tribut aux travailleurs des garderies. Cette catégorie de travailleurs mal payés et des plus exploités est mise en danger par les politiques criminelles de l'élite au pouvoir. Sans pratiquement aucune protection contre le virus, ils sont quotidiennement en contact étroit avec un grand nombre d'enfants, de parents et d'autres proches, ce qui les expose à un risque élevé d'infection.

Les grandes entreprises considèrent que la mise en place de services de garderie pour les parents-travailleurs est essentielle pour permettre aux travailleurs de reprendre le travail dans le contexte d'une pandémie qui fait rage. Même avant la pandémie, la pénurie aiguë de places et d'options de garde d'enfants contribuait à réduire les taux de participation à l'emploi. Statistique Canada a constaté qu'en 2019, 7 % des travailleurs avaient réduit leurs heures de travail en raison du manque de services de garderie abordables. Pour illustrer l'ampleur de la demande en matière de garde d'enfants, à l'échelle nationale, près de 1,5 million d'enfants bénéficiaient régulièrement de services de garde non parentale avant le déclenchement de la pandémie.

Partout au Canada, la plupart des garderies ont fermé lorsque les cas de COVID-19 ont explosé en mars et que les gouvernements provinciaux ont été contraints d'ordonner des fermetures. Les parents sont alors restés à la maison avec les enfants de la maternelle et autres jeunes enfants, dont certains ont commencé à fréquenter virtuellement l'école. Certaines municipalités ont créé des garderies pour les travailleurs essentiels, permettant de garder leurs enfants loin des garderies en raison des inquiétudes concernant la propagation du virus.

Le refus des gouvernements fédéral et provinciaux d'offrir un soutien financier adéquat aux familles a laissé de nombreux parents livrés à eux-mêmes. Les pressions sociales, économiques et psychologiques, y compris l'insécurité alimentaire et la faim pure et simple, qui ont résulté de cette négligence gouvernementale ont ensuite été exploitées par cette classe dirigeante pour promouvoir un retour imprudent au travail.

C’est pourquoi, comme l'a expliqué un dirigeant de la Chambre de commerce du Canada, la «réouverture» des garderies d'enfants figurait parmi les principales priorités des entreprises.

Dans le discours du Trône du mois dernier, dont le but principal était de fournir une couverture politique à la campagne de retour au travail et à l'école, le gouvernement libéral fédéral a annoncé un nouveau financement pour la garde d'enfants et a prétendu qu'il s'agissait d'un acompte sur l'établissement d'un système national de garde d'enfants «abordable» en collaboration avec les provinces. Le Nouveau Parti démocratique et les syndicats, avec le Congrès du travail du Canada en tête, ont claironné cette annonce comme preuve des politiques «progressistes» du gouvernement libéral. Sur l'insistance des syndicats, le NPD a ensuite voté, comme il l'a fait à plusieurs reprises depuis l'élection d'octobre dernier, pour soutenir le gouvernement libéral minoritaire proguerre et proaustérité.

En réalité, dans la mesure où la promesse des libéraux en matière de garde d'enfants sera mise en œuvre, ce sera dans l'optique de faciliter l'exploitation par les grandes entreprises d'un plus grand nombre de travailleurs, y compris des travailleurs mal payés des garderies. Les enfants étant entassés dans des garderies surpeuplées, les parents de la classe ouvrière devront faire face à une pression accrue pour retrouver un emploi, tandis que les grandes garderies privées, plus établies, encaisseront de belles subventions gouvernementales.

Les travailleurs ne doivent pas se faire d'illusions sur les intentions des libéraux et de leurs partisans néo-démocrates et syndicaux. Au cours des trois dernières décennies, les politiciens se sont engagés à maintes reprises à mettre en place des services de garderie abordables, avec peu ou pas de résultats concrets. Le Parti libéral a fait campagne pour un système national de garde d'enfants sous la direction de Jean Chrétien, Paul Martin et Michael Ignatieff. Les deux premiers de ces dirigeants libéraux, en prenant le pouvoir, ont vite abandonné leurs promesses de financement des garderies et ont plutôt proposé aux parents et à l'ensemble de la classe ouvrière une austérité brutale.

Cette austérité, qui a été adoptée par les gouvernements de toutes les tendances politiques dans tous les domaines des dépenses publiques et des services sociaux, a laissé les services de garderie et autres travailleurs de première ligne mal équipés pour faire face à la pandémie.

En Ontario, le gouvernement ultraconservateur de Doug Ford a ciblé les travailleurs des garderies comme étant essentiels dans sa stratégie imprudente de réouverture de l'économie. Les garderies ont reçu le feu vert pour rouvrir en été. À la mi-août, la moitié des garderies agréées avaient rouvert, tandis que les restrictions en matière de nombre d’enfants étaient abolies.

L'un des arguments favoris des partisans de la réouverture des écoles et des garderies est que les fermetures d'écoles nuisent gravement à la santé et au bien-être social des enfants. Cela revient à ignorer délibérément le fait que les conditions de vie de nombreux enfants de la classe ouvrière étaient déjà désastreuses avant la pandémie. Un rapport de l'UNICEF examinant les conditions des enfants dans les pays riches avant que la pandémie frappe a constaté que le Canada se classait parmi les derniers en matière de santé mentale et physique des enfants.

Les services de garde et les garderies fonctionnent sur des marges réduites, ce qui laisse de nombreux prestataires inquiets quant à leur capacité à revenir aux conditions de fonctionnement d'avant la pandémie. Le personnel des garderies, composé presque entièrement de femmes, est sévèrement sous-payé. Une enquête menée par la Childcare Resource and Research Unit a révélé que 88 % des travailleurs étaient préoccupés par les conséquences de la réouverture sur la santé en général et 85 % par leur sécurité d'emploi.

De nombreux travailleurs de la petite enfance dépendaient de la Prestation canadienne d'urgence (PCU), désormais supprimée, qui versait chaque mois un maigre 2000 dollars aux travailleurs licenciés. Soulignant la faiblesse des salaires dans le secteur des garderies, plusieurs employeurs ont admis que pour de nombreux travailleurs de ce secteur, la PCU constituait en fait une augmentation de salaire.

Les travailleurs licenciés, y compris les puéricultrices, étant maintenant obligés de recourir à l'assurance-emploi, qui dispose de mécanismes de longue date pour forcer les travailleurs à accepter des offres d'emploi inférieures, le gouvernement espère que les garderies pourront bientôt retrouver leur pleine capacité. Cependant, de nombreux parents choisissent encore de garder leurs enfants à la maison le plus longtemps possible.

Le risque auquel sont exposés les travailleurs des garderies est souligné par les statistiques qui montrent que le virus infecte de plus en plus de jeunes. Au début de la pandémie, les cohortes plus âgées représentaient la majeure partie des infections, et de nombreux foyers de soins de longue durée ont été décimés. Toutefois, avec l'adoption des politiques de retour au travail et à l'école, les taux d'infection ont maintenant aussi augmenté chez les jeunes. Après la réouverture des écoles en septembre, il y avait plus de jeunes de moins de 19 ans atteints de la COVID-19 que de septuagénaires.

Sally, qui dirige sa propre petite garderie en Ontario, confie au World Socialist Web Site que ses revenus ont été considérablement réduits par rapport à la période précédant la pandémie, car les parents choisissent généralement de garder leurs enfants à la maison le plus longtemps possible. Elle explique que pour réduire le risque d'infections entre elle et les enfants dont elle a la charge, ils passent de plus en plus de temps à l'extérieur. Cela devient de plus en plus difficile à mesure que le temps se refroidit et que l'hiver approche. Elle conclut: «Tout ce que nous pouvons faire alors, c'est de nous désinfecter, de porter nos masques et d’espérer que tout ira bien.»

Il est clair que les garderies fonctionnant au maximum de leur capacité vont accélérer les taux d'infection dans l’ensemble de la population. De nombreux enfants fréquentent les garderies avec des enfants d'autres écoles, ce qui risque de faire passer le virus d'une bulle sociale à l'autre. En évaluant la situation, un professeur de l'université de Toronto, spécialisé en pédiatrie et en maladies infectieuses, a déclaré à Global News: «Les enfants vont être infectés. C'est la réalité. Nous pouvons essayer de réduire le risque de propagation dans les garderies, mais les travailleurs présents sur place risquent probablement de l'attraper.»

Ce risque est encore accru par les modifications apportées aux «directives de santé publique». Le gouvernement permet désormais aux enfants présentant d'éventuels symptômes de la COVID-19, comme un écoulement nasal, de continuer à fréquenter l'école ou la garderie. Si un enfant est contraint de rester à la maison en raison d'une infection à la COVID-19, il n'a plus besoin d'obtenir un test négatif avant de revenir. Il doit seulement ne présenter aucun symptôme pendant 24 heures.

Les conditions dangereuses auxquelles sont confrontés les travailleurs des services de garderie démontrent le mépris criminel de l'élite au pouvoir pour la santé et le bien-être des travailleurs. Il en va de même pour les syndicats, qui collaborent avec le gouvernement conservateur de l'Ontario, dirigé par Doug Ford, populiste de droite et ancien admirateur de Trump, pour imposer le retour au travail, notamment en réprimant toute opposition à la réouverture dangereuse des écoles.

Les travailleurs des garderies doivent tirer les leçons de ces expériences et se joindre aux enseignants, aux parents et aux autres sections de travailleurs pour former des comités de sécurité de la base afin de combattre la pandémie et de sauver des vies. Ces comités doivent exiger la suspension de toute production non essentielle tant que le virus n’est pas maitrisé, de même que la fin des opérations normales des garderies avec une indemnisation complète de tous les travailleurs de la petite enfance afin qu'ils puissent rester à la maison, ainsi que la mise à disposition de fonds pour établir des options de garde d'enfants sûres pour les travailleurs essentiels, comme le personnel de santé.

(Article paru en anglais le 25 octobre 2020)

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