La réunion du Parti de l’égalité socialiste (R.-U.) aborde des questions cruciales sur l'échec du corbynisme

La réunion en ligne du 15 novembre dernier, «La chasse aux sorcières des blairistes au sujet de l’antisémitisme et l'échec du corbynisme», organisée par le Parti de l’égalité socialiste (Royaume-Uni), comprenait une période de discussion au cours de laquelle des questions importantes ont été soulevées.

Le secrétaire national du PES, Chris Marsden, qui a présenté le rapport principal lors de la réunion, a lu la déclaration suivante d'un partisan de Jeremy Corbyn qui avait écrit au World Socialist Web Site.

«J'avance l'argument que Jeremy Corbyn ne se rend pas ou ne capitule pas face à ses ennemis comme il est constamment accusé de le faire par des voix de gauche et que la réalité est que les grands médias qui ont participé à la campagne de diffamation contre Jeremy Corbyn, n'allaient jamais lui donner l'occasion de contrer et/ou de réfuter leurs mensonges et leurs faussetés, et que quoi qu'il dise, c'est condamné par les grands médias et les suspects habituels.

«Ce que je veux dire, bien sûr, c'est qu'il est impossible pour lui d'obtenir une couverture équitable de la part des grands médias et autres, qui se contentent de le calomnier quoi qu'il dise, alors étant donné que c'est la réalité depuis qu'il a été élu à la tête du pays et qu'il a démissionné, il est injustifié de l'accuser de se rendre ou de capituler devant ceux qui le calomnient, et pourtant le WSWS l'a fait à plusieurs reprises. Étant donné que vous l'accusez effectivement de capituler, etc. Je vous serais très reconnaissant d’expliquer comment il pourrait réfuter ces accusations, etc... si les grands médias et autres ne font que le vilipender et le condamner lorsqu'il le fait. Je fais bien sûr principalement référence à la campagne de diffamation de l'antisémitisme. P.S. Ma demande est sincère.»

Marsden a répondu comme suit au lecteur:

«Je suis sûr que sa demande est sincère... abordons cela selon ses propres termes pendant un moment ici. Qu'est-ce qui est dit? Jeremy Corbyn et ses divers reculs ne peuvent pas être qualifiés de capitulation car quoi qu'il fasse, il serait toujours attaqué par les grands médias et ses opposants. Par conséquent, rien de différent ne pouvait être fait.

«Maintenant, quelles sont les implications de cette position, que vous ne pouvez pas vous battre pour des principes parce que vous allez rencontrer l'opposition de vos adversaires?

«Il y a quelque chose de vraiment profondément réactionnaire chez Jeremy Corbyn, et ce qu'il représente dans la classe ouvrière britannique, parce qu'il n'est pas un phénomène nouveau. C'est le représentant moderne en lambeaux d'une école de pensée, d'une tendance politique, le fabianisme, basé sur l'art du possible, la collaboration entre les classes, le culte de la procédure parlementaire, une variante libérale d'une approche religieuse de la politique qui consiste à «tendre l'autre joue». Corbyn y a été associé dès le début lorsqu'il a dit qu'il allait développer un nouveau type de politique qui ne serait pas personnel, qui se battrait pour des idées, qui ne descendrait pas des sommets pour s’abaisser au travail essentiel de s'opposer aux conservateurs, aux employeurs, de mobiliser la classe ouvrière. Il allait faire appel à un grand sentiment altruiste qui existait dans la population, et il a généré et lancé son appel en se basant sur une tentative constante de supprimer les réalités de la société contemporaine basées sur une impitoyable lutte des classes.

«Jeremy Corbyn décrit la politique comme une sorte de match de cricket. Il nous encourage à dire: "Mais ce n'est pas juste". Eh bien, la politique n'est pas un match de cricket, la politique c'est la guerre. C'est le conflit de forces de classe opposées de façon irréconciliable. La classe dominante en Grande-Bretagne, comme dans le reste du monde, est totalement et complètement impitoyable dans la préservation de ses intérêts. Le plus grand danger pour la classe ouvrière est qu'elle ne reconnaisse pas qu'elle doit elle aussi être tout aussi impitoyable dans la poursuite de ses propres intérêts, et cela doit trouver une expression politique consciente dans le développement d'un parti de combat de la classe ouvrière armé d'un programme socialiste et internationaliste.

«Jeremy Corbyn représente tout ce qui est rétrograde dans la classe ouvrière. C'est un soporifique de la classe moyenne pour émousser la lutte des classes, pour supprimer toute initiative de la classe ouvrière, pour encourager sa subordination à la bureaucratie syndicale et ouvrière, pour l'enfermer à tout prix dans une perspective parlementaire. C'est ce qu'il représente.

«Quand quelqu'un, qui est clairement sincère, dit que l’on ne peut pas se battre parce que quelqu'un va s'opposer à nous, et bien quelle est la logique de cela? Si l’on fait la bonne chose, quand les grands médias ne vous attaqueront-ils pas? Si on lutte pour le socialisme, on doit s’attendre à être vilipendé, harcelé, à chaque coin de rue par les représentants de la classe dirigeante, et l’on fait appel à la classe ouvrière pour combattre cela, pour riposter. Pas simplement comme un appel émotionnel, mais en reconnaissant les réalités de la société de classe contemporaine et en adoptant une perspective internationaliste alternative révolutionnaire.

«Il y a une partie des corbynistes à laquelle nous nous adressons, qui sont ceux qui ont voulu se battre. Et nous le ferons en rejetant une autre partie des partisans de Corbyn qui ont été attirés par ses absurdités de la bonté humaine, qui sont toujours à la recherche d'un compromis, alors qu'aucun compromis n'est possible.

«Cela devrait être ancré dans la classe ouvrière. Les travailleurs ont vécu assez d'expériences amères pour savoir que la classe dirigeante ne nous donnera rien, ne cédera pas un pouce en dehors d'une lutte politique. Et que si on lutte pour le socialisme, qui est le renversement de l'ordre capitaliste, alors ce genre de choses, cette passivité, cette complaisance, ce défaitisme et cette lâcheté devraient être purgés du mouvement ouvrier. Cela devrait être un anathème pour quiconque se considère comme un véritable socialiste.»

Julian Assange dans la prison de Belmarsh, quelques temps après son arrestation le 11 avril dernier

Le secrétaire national adjoint Thomas Scripps a répondu à une question sur le silence quasi total de Corbyn à l’égard de Julian Assange, et le rôle du chef travailliste Sir Keir Starmer qui a été directeur des poursuites publiques (DPP) de 2008 à 2013 – pendant les premières années du harcèlement d'Assange par l'État britannique.

Scripps a déclaré: «J'imagine que la plupart des gens qui regardent connaissent le cas d'Assange, mais pour résumer la situation, Assange est le fondateur de WikiLeaks qui a fait l'objet de persécutions pendant une décennie par tous les gouvernements impérialistes du monde pour avoir révélé des crimes de guerre, des intrigues diplomatiques brutales, des violations des droits de l'homme et le recours à la torture contre les peuples opprimés du monde.

«Assange a finalement été détenu arbitrairement à l'ambassade d'Équateur à Londres pendant des années sous la menace d'être extradé vers la Suède pour ce qui, il était évident à l'époque, était de fausses allégations d'agressions sexuelles, fabriquées par l'État suédois, qui auraient servi de plate-forme pour son extradition vers les États-Unis.

«Tout cela a atteint un point culminant au cours de la dernière année. Assange a été saisi à l'ambassade équatorienne, jeté dans la prison de haute sécurité de Belmarsh et subit une parodie d'audience d'extradition pour déterminer s'il doit ou non être envoyé aux États-Unis, où, il est clair d'après les accusations portées par les États-Unis, il disparaîtra dans le trou le plus profond et le plus sombre du système carcéral américain – s'il évite la peine de mort.

«Nous avons joué un rôle de premier plan dans la révélation de ce fait. Ce n'est pas simplement le destin d'un individu, bien sûr. C'est une question fondamentale de droits démocratiques, et au-delà, c'est une question de classe du droit de la classe ouvrière au niveau international, en particulier de ses sections les plus opprimées, de lutter contre l'agression impérialiste à leur encontre.

«WikiLeaks a donné une impulsion au sentiment anti-impérialiste partout dans le monde. Pour les États-Unis et la classe dirigeante, c'est le plus grand crime d'Assange, et la raison pour laquelle il est persécuté.

«Nous avons dit que sa défense ne pouvait pas être confiée aux tribunaux, au pouvoir judiciaire ou aux médias, qui fonctionnent comme des porte-parole du gouvernement, pratiquant un journalisme intégré répétant les points de discussion des militaires et camouflant les pires crimes. Nous avons dit que la défense d'Assange doit être basée sur une lutte de masse mondiale de la classe ouvrière qui doit beaucoup à Assange et aux révélations dont il est responsable.

«Corbyn est arrivée à la direction du Parti travailliste [en septembre 2015] sur une vague de soutien massive. À n'importe quel moment de sa direction du Parti travailliste, il aurait pu, d'un seul mot ou d'un seul discours, convoquer des centaines de milliers de personnes, voire plus, dans les rues pour défendre Assange.

«Assange a été laissé à pourrir à Londres, détenu arbitrairement et torturé psychologiquement à l'ambassade équatorienne pendant la plus grande partie du mandat de Corbyn. Il a ensuite été jeté à Belmarsh [en avril 2019] pour le reste de ce mandat.

«Corbyn est resté silencieux tout au long du processus, jusqu'au moment où Assange a été illégalement traîné hors de l'ambassade par la police britannique. L'indignation contre cela l'a finalement forcé à faire un commentaire, donnant une sorte d'opposition symbolique au traitement d'Assange.

«En un jour, la droite du Parti travailliste s'est lancée dans une attaque contre Assange... une répétition des agressions sexuelles suédoises, complètement discréditées, et a demandé à Corbyn de revenir sur sa position. Corbyn l'a fait immédiatement. Il est passé à la télévision pour dire qu'il ne fallait pas se cacher des accusations suédoises et que [Assange] devait y faire face. Il est même allé plus loin et a déclaré que le sort d'Assange vis-à-vis de la Suède ou des États-Unis était «du ressort des tribunaux britanniques», et c'est tout. Puis il a été laissé de côté pendant plusieurs mois, y compris pendant toute la campagne des élections générales de décembre 2019. Le mot «Assange» n'a pas franchi les lèvres de Corbyn.

«Nous avons été candidats dans cette campagne et avons fait de l'appel à la liberté d'Assange l'une de nos principales exigences. Corbyn est resté totalement silencieux... [Maintenant] Corbyn est appelé à formuler toute opposition au sort d'Assange en termes d'appel au gouvernement de Boris Johnson.

«L'idée maîtresse de la politique de Corbyn est de demander poliment à Boris Johnson d'intervenir, ou de demander aux tribunaux de faire preuve d'une certaine décence.

«Le but de toute la politique de Corbyn est d'empêcher une mobilisation de la classe ouvrière sur quelque question que ce soit. Dans ce cas, la question en cause est la défense du journaliste le plus important du 21e siècle.

«Corbyn a remis le Parti travailliste à sir Keir Starmer, qui, nous le savons, en tant que directeur des poursuites publiques [DPP], supervisait un département qui a envoyé un message à l'État suédois lui demandant de continuer à maintenir ses fausses allégations contre Assange, pour servir de prétexte à son maintien en détention à l'ambassade équatorienne.

«Le DPP a envoyé des courriers électroniques à ses homologues suédois pour leur dire: "Ne vous dégonflez pas". Ne pensez pas qu'il s'agit d'une affaire comme les autres. Cela signifie beaucoup pour l'État britannique. Starmer est maintenant le chef du Parti travailliste et veille à ce que l'extradition d'Assange vers les États-Unis soit effectuée. C'est l'une des plus importantes trahisons de Corbyn pendant son mandat à la tête du Parti travailliste.»

(Article paru en anglais le 18 novembre 2020)

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