«Est-ce que ces camions valent la mort de nos frères et sœurs?»

Explosion de cas de COVID-19 à l’usine GM de Fort Wayne alors que l’UAW aide à dissimuler la situation

Ces dernières semaines, l’usine d’assemblage de General Motors de Fort Wayne, dans le nord-est de l’Indiana, a connu une série de cas de COVID-19. Malgré le fait que de nombreux cas positifs aient été signalés dans plusieurs départements, l’entreprise et les United Auto Workers (Travailleurs Unis de l’Automobile) (UAW) maintiennent le mensonge selon lequel il n’y a pas de transmission à l’usine.

La situation à l’usine d’assemblage de Fort Wayne reflète ce qui se passe dans d’autres usines automobiles du Midwest et du Sud des États-Unis, qui deviennent des vecteurs de transmission de la COVID-19. L’Indiana a enregistré 342.000 cas et 5.723 décès en date de lundi, selon l’institut Johns Hopkins. Le comté d’Allen, où se trouve l’usine d’assemblage de Fort Wayne, a enregistré 5.229 nouveaux cas rien qu’entre le 18 et le 28 novembre.

L’usine d’assemblage de Fort Wayne emploie plus de 4.200 travailleurs qui construisent les très rentables camions légers GMC Sierra et Chevrolet Silverado. Elle est considérée par GM comme l’une de ses usines les plus productives, construisant plus de 1.000 camions par jour qui se vendent généralement entre 30.000 et 50.000 dollars. Sous la pression de Wall Street et avec des niveaux de stock du modèle Sierra qui ont chuté à 20 jours, GM tente de maintenir trois pleines équipes de production en utilisant des travailleurs temporaires – qui commencent à 16,67 dollars de l’heure – pour remplacer ceux qui sont atteints de la COVID-19.

Note de service de la direction de l’usine GM de Fort Wayne sur la COVID-19

Jour après jour, la direction de GM publie de nouvelles notes de service faisant état de cas de COVID-19 dans l’usine qui commencent par une fausse profession de préoccupation: «La santé et la sécurité de nos employés et de tous ceux qui entrent dans nos installations sont notre priorité absolue.» Inévitablement, la liste des nouveaux cas se termine par l’avertissement qu’«Aucun de ces cas n’est relié avec un autre». La direction continue d’affirmer effrontément, sans la moindre contestation de l’UAW, que tous les cas présents dans l’usine ont été contractés en dehors de l’installation.

Les notes de service de la direction obtenues par le Bulletin d’information des travailleurs de l’automobile du World Socialist Web Site (WSWS Autoworker Newsletter) font état de 50 cas qui sont apparus à l’usine entre le 6 et le 23 novembre. Onze de ces cas ont été signalés rien que dans la journée du 20 novembre, ce qui indique une augmentation du taux d’infection. Les cas comprennent quatre employés de la deuxième équipe et deux employés de la troisième équipe de la chaine de finition, un employé de chacune des première et deuxième équipes de la chaine du châssis et d’autres employés ailleurs dans divers services. Tous ces cas, bien sûr, ne sont pas «relié(s) avec un autre».

Ces déclarations absurdes suscitent la colère et le dégoût des travailleurs de l’usine GM de Fort Wayne.

L’un d’entre eux écrit avec ironie sur Facebook: «C’est l’endroit le plus sûr où être parce que personne n’attrape la COVID chez GM!

Neuf cas en deux jours juste sur la chaine de finition – tous infectés en dehors du travail MDR.»

Un autre écrit: «42 cas en moins de deux semaines... J’ai entendu dire que sur la ligne d’assemblage des portes, une équipe entière est en quarantaine.»

Un autre dit: «Je parie qu’il y a des centaines de cas... ils ne nous disent pas le nombre total de cas parce qu’ils ne veulent pas que les médias le découvrent... et si cela se savait, bien plus de gens retarderaient leur retour au travail... SI VOUS N’AVEZ RIEN À CACHER, N’AGISSEZ PAS COMME SI VOUS CACHIEZ QUELQUE CHOSE AUX GENS!»

Publication sur Facebook d’un travailleur de l’usine GM de Fort Wayne: «J’étais pas mal certain que je n’avais PAS la COVID-19. Mais bon, j’ai fait ce que je pensais qui était la bonne chose à faire pour protéger ma famille et mes collègues en rapportant mes symptômes. Mais maintenant il semble que j’aurais dû aller au travail et me la fermer comme j’aurais fait dans le bon vieux temps avant la COVID-19. Est-ce que c’est ça qu’ils veulent? Si c’est le cas, ils feraient mieux d’arrêter tous leurs dépistages et de nous demander de répondre à des questionnaires parce que dans le fond ils nous punissent pour être honnêtes. Et au bout du compte, on n’est pas plus en sécurité. Aucune bonne action ne reste impunie.»

D’autres commentent: «En fin de compte, ils se foutent de nous. Tout ce qui les intéresse, ce sont les camions qui quittent la ligne. Le reste, c’est pour la galerie.»

«Il faut fermer l’usine à nouveau, mais GM eux, ce qu’ils veulent, c’est faire de l’argent. La famille avant tout, ouais, c’est des conneries!»

L’abandon des protocoles de sécurité en grande partie bidon pour contrer la COVID-19 et qui avaient été mis en place après la réouverture des usines automobiles en mai dernier, à la suite d’une série d’arrêts de travail des travailleurs de l’automobile au Michigan, à Windsor en Ontario, en Ohio et en Indiana, a permis au virus de se répandre de plus en plus. Pourtant, la direction, avec l’entière complicité du syndicat de l’UAW, affirme qu’il n’y a pas de propagation du virus dans les usines et intimide les travailleurs qui dénoncent les dangers.

D’autres travailleurs expliquent l’incroyable parcours du combattant que doivent traverser les travailleurs qui essaient d’obtenir des congés payés s’ils présentent des symptômes de la COVID-19 ou s’ils sont exposés à des collègues infectés. D’énormes pressions sont exercées sur les travailleurs pour qu’ils continuent à se présenter au travail même s’ils soupçonnent qu’ils sont malades ou pourraient être infectés.

«Si vous pouvez prouver que c’est à l’usine que vous avez attrapé la COVID-19, vous serez payé pour 80 heures, mais cela n’arrivera jamais. Certains sont payés trois jours lorsqu’ils sont envoyés pour subir des tests, ou bien ils ne prennent que deux semaines de chômage», fait remarquer un travailleur.

«Un ami en ligne qui ne se sentait pas bien est allé au service médical en disant qu’il ne goûtait et ne sentait plus rien... ils l’ont renvoyé sur la ligne d’assemblage! Il est allé passer un test de dépistage après le travail et a été testé positif à la COVID-19!!! Le service médical de l’entreprise conspire avec GM pour dissimuler le fait qu’il y a des cas positifs dans l’usine...»

Des travailleurs de l’usine d’assemblage GM de Fort Wayne lors du vote pour le renouvellement de la convention collective de 2019

Un autre témoigne: «Ayant vécu le manège médical pendant deux semaines, je sais de quoi vous parlez... Je me souviens que s’ils vous disaient de vous mettre en quarantaine, ils vous payaient jusqu’à deux semaines pour rester à la maison. Le raisonnement était qu’ils ne voulaient pas décourager les gens de signaler les symptômes afin d’éviter qu’ils ne viennent au travail malades et propagent le virus. C’était peut-être vrai au début, mais je peux vous assurer que ce n’est plus le cas.»

Un autre travailleur décrit le choix quotidien de vie et de mort auquel sont confrontés les travailleurs qui ont de graves problèmes de santé. «Tout cela m’énerve. J’ai subi une greffe de reins il y a trois ans et mon système immunitaire est compromis, étant donné que je ne sais pas qui est atteint de la COVID-19. Où est la transparence ici? Nos vies ne valent-elles rien? Est-ce que ces camions valent la mort de nos frères et sœurs parce que GM et les médecins ne peuvent pas être francs avec nous? C’est de la folie... nous devrions tous exiger des réponses. Nous devrions tous recevoir des réponses ou des solutions légitimes, pas avoir à écouter tous ces mensonges selon lesquels tout ce qui arrive provient d’"EN DEHORS DE L’USINE". Nous ne sommes pas des idiots!»

La colère contre le syndicat de l’UAW déborde, car celui-ci n’a absolument rien dit alors que le nombre de cas explose à l’intérieur de l’usine. Un travailleur déclare: «Pourquoi la direction de notre syndicat ne fait-elle rien à ce sujet? Je n’ai vu aucune communication du syndicat à ce sujet. C’est débile!»

Publication sur Facebook reliée à l’usine GM de Fort Wayne: «Mon test est revenu aujourd’hui comme étant positif pour la COVID-19. C’est clair que j’ai eu cela à l’usine, mais bon on sait tous que personne va nous croire. Cette chose est inévitable. Douleurs au corps, de la toux, de la fatigue, des bouffées de chaleur à l’occasion, mais pour le moment rien de bien plus grave vraiment. Je me serais bien passé de ce congé, mais bon j’espère que je vais m’en remettre rapidement. Faites attention! C’est pas une blague.»

Réfléchissant à la situation, un ancien employé de l’usine d’assemblage GM de Fort Wayne, qui souhaite garder l’anonymat, a déclaré au WSWS: «Il semble que la situation devient de plus en plus folle. Les employés doivent travailler s’ils veulent un revenu pour subvenir aux besoins de leur famille et ils savent qu’à tout moment ils peuvent attraper une maladie mortelle que l’employeur ignore pratiquement. L’employeur fait le strict minimum tout en minimisant l’importance de la maladie, prétendant en plus que chaque cas a été contracté à l’extérieur alors que tout le monde sait que c’est un mensonge.

«Par-dessus tout, il n’y a pas de communication et de représentation du syndicat... Leur manque de représentation et de direction ne fait qu’aggraver la situation, les travailleurs sachant qu’ils sont livrés à eux-mêmes.»

Le Bulletin d’information des travailleurs de l’automobile du World Socialist Web Site dit aux travailleurs de l’usine d’assemblage GM de Fort Wayne qu’ils doivent mettre en place un comité de sécurité qui sera indépendant du syndicat de l’UAW dans leur usine et leur demande de rejoindre le réseau national croissant de comités de sécurité, qui a été mis en place dans les usines d’assemblage et de pièces automobiles de l’Indiana, du Michigan, de l’Ohio, du Missouri et de l’Illinois. Seules l’intervention et l’initiative indépendantes des travailleurs peuvent arrêter la propagation mortelle du virus causée par les politiques imprudentes des sociétés et de leurs syndicats serviles.

Contrairement à l’UAW, les comités de sécurité de la base sont des organisations démocratiques de lutte dirigées par les travailleurs eux-mêmes. Il est essentiel de disposer d’informations complètes et d’établir des lignes de communication entre les travailleurs des différentes usines et industries pour lutter pour l’arrêt de toute production non essentielle et l’indemnisation complète des travailleurs tant que la pandémie ne sera pas contenue.

Le Bulletin d’information des travailleurs de l’automobile du World Socialist Web Site est prêt à apporter toute l’aide nécessaire aux travailleurs pour organiser des comités de sécurité de la base afin de stopper la pandémie, sauver des vies et défendre les intérêts des travailleurs. Contactez-nous à l’adresse autoworkers@wsws.org pour vous impliquer ou partager des informations sur les conditions dans votre usine.

(Article paru en anglais le 1er décembre 2020)

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