Dernière démarche de la campagne d’extrême droite anti-musulmane du gouvernement Macron, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a annoncé mercredi dernier que des dizaines de mosquées seraient fermées de force ou feraient l’objet d’une enquête.
«Selon mes instructions », a tweeté Darmanin, « les services de l’État vont lancer une action massive et sans précédent contre le séparatisme». Il a ajouté que «76 mosquées soupçonnées de séparatisme feront l’objet d’une enquête dans les prochains jours et celles qui doivent être fermées le seront».
La mesure avait déjà été énoncée dans un document du ministère de l’Intérieur daté du 27 novembre et divulguée au quotidien de droite Le Figaro, qui a indiqué que sur les 76 mosquées, 18 feraient l’objet d’une «action immédiate», c’est-à-dire d’une fermeture, et que 58 autres feraient l’objet d’une enquête d’ici la fin de l’année. Les services de renseignement nationaux avaient mené une enquête sur 2.623 mosquées dans tout le pays.
S’adressant au Figaro, Darmanin a déclaré : «dès ma prise de fonction à Beauvau, j’ai demandé que l’on change de classification pour pouvoir identifier les lieux séparatistes qui ont déclaré la guerre à la République et à ses valeurs». Il a ajouté que «jusqu’ici, l’État s’intéressait à la radicalisation et au terrorisme. Maintenant, on va aussi s’attaquer au terreau du terrorisme, où se trouvent des gens qui créent un espace intellectuel et culturel pour faire sécession et imposer leurs valeurs».
La déclaration de Darmanin revient à affirmer ouvertement que la campagne du gouvernement n’est pas dirigée contre le terrorisme mais contre la population musulmane. Sa référence aux «personnes qui créent un espace intellectuel et culturel pour faire sécession» est définie de manière si vague et si vaste qu’elle englobe tous les lieux de culte et toutes les associations culturelles musulmanes du pays.
L’attaque des musulmans par le gouvernement Macron sert à la construction d’un État policier fasciste. Sa politique vise à créer une atmosphère de pogrom pour renforcer l’extrême droite et pour justifier des attaques de grande envergure contre les droits démocratiques de toute la population. Cela dans un contexte de manifestations massives de gauche de centaines de milliers de personnes le 28 novembre, en opposition aux violences policières et à la tentative du gouvernement de criminaliser le fait de filmer ces violences.
Plus de 70 mosquées ont été fermées depuis le début de l’année. La campagne a été intensifiée à la suite du meurtre terroriste de Samuel Paty, le 15 octobre dernier.
Après ce meurtre, Darmanin avait fait le tour des émissions de télévision et de radio déclarant qu’il était personnellement «choqué» de voir dans les rayons des supermarchés des aliments internationaux — c’est-à-dire casher et halal — et que la simple présence de ces rayons conduisait inexorablement au «séparatisme» et au terrorisme.
Dans le même temps, il avait annoncé la fermeture de la mosquée de Pantin, au nord-est de Paris, qui accueille près de 2.000 musulmans, au seul motif que sa page Facebook avait partagé avant l’attentat une vidéo critiquant Paty pour avoir montré à ses élèves une caricature antimusulmane de Charlie Hebdo. Après l’attentat, la mosquée a immédiatement retiré la vidéo et dénoncé le meurtre de Paty.
Le gouvernement a également ordonné la dissolution de 52 associations musulmanes, dont des groupes de défense des droits, des organisations caritatives et des organisations culturelles. Parmi elles, le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), l’une des plus grandes organisations caritatives musulmanes du pays, qui offre principalement une aide juridique aux musulmans dans les affaires de discrimination. Le 27 novembre, elle a publié une «déclaration finale», dans laquelle elle prononce son auto-dissolution conformément aux décrets du gouvernement, et peu après elle a supprimé son site web et ses comptes de réseaux sociaux.
Barakacity, une autre organisation caritative, a également été dissoute, et la police a mené une violente descente de nuit contre son président, Idriss Sihamedi.
Selon la dernière annonce de Darmanin, les 76 mosquées visées sont censées être fermées si elles ont accueilli un imam soupçonné de promouvoir le terrorisme islamiste, si elles ont enfreint les règles de réception des fonds publics, si elles disposent d’espaces ou de salles à l’intérieur de l’établissement n’étant pas déclarées auprès de l’État, ou si elles font déjà l’objet d’une demande de dissolution d’une association. Le vaste champ d’application prévoit une multitude d’accusations possibles pour justifier des fermetures massives.
Cette mesure a été programmée pour coïncider avec les efforts du gouvernement pour faire passer sa «loi sur les séparatismes», qui sera examinée en conseil des ministres le 9 décembre. Cyniquement rebaptisée «loi confirmant les principes républicains», elle sera présentée sous forme de projet de loi à l’occasion du 115e anniversaire de la loi de 1905 sur la laïcité. En fait, la loi Macron est une répudiation de la loi de 1905 et des droits démocratiques les plus fondamentaux défendus et avancés dans la Révolution française, y compris la liberté d’expression et d’association, ainsi que la séparation des Églises et de l’État.
Elle obligera les institutions et les imams musulmans à signer une humiliante «charte de la laïcité», prévoyant que tous les futurs imams seront formés sous la surveillance de l’État français; les patients qui refuseront de se faire examiner par un médecin du sexe opposé seront condamnés à une amende qui peut aller jusqu’à 75.000 euros; et les enfants français en âge scolaire seront tenus de s’inscrire avec un numéro d’identification pour garantir leur présence à l’école. Cette dernière mesure vise à rendre illégal l’enseignement à domicile. Le Conseil d’État l’a jugé anticonstitutionnelle, le 3 décembre dernier.
La réponse de la majorité des médias français et internationaux aux dernières mesures antimusulmanes a été soit le silence, soit le soutien. On peut s’imaginer la réaction du Monde ou d’autres publications, si on avait procédé à des fermetures massives de mosquées et à des mesures antimusulmanes contre les minorités musulmanes en Russie ou en Chine.
Macron et Darmanin ont déclaré à maintes reprises qu’une «guerre» était menée contre la République. Macron a déclaré que «l’Islam est une religion qui est en crise partout dans le monde aujourd’hui», «nous devons sauver nos enfants des griffes des islamistes». Les déclarations du gouvernement impliquant l’existence d’une conspiration islamique à l’échelle du pays pour former une théocratie musulmane autonome en France étaient autrefois limitées aux divagations de l’extrême droite. Elles sont maintenant adoptées en bloc par l’État français.
Les actions du gouvernement visent à promouvoir l’extrême droite et l’hystérie antimusulmane. Dans un rapport publié au début de l’année, le CCIF a constaté que 789 incidents islamophobes avaient eu lieu en 2019, contre 446 en 2017.
Ces développements confirment l’avertissement du Parti de l’égalité socialiste (France) avant l’élection de 2017 que Macron n’offrait pas d’alternative pour s’opposer à la politique néofasciste de Marine Le Pen.
Alors que des milliers de personnes meurent chaque semaine en raison de la politique d’immunité collective de fait du gouvernement et d’inégalités sociales record, la classe dirigeante française se prépare à une explosion de l’opposition sociale. Sa promotion des forces fascistes et son renforcement des pouvoirs de la police seront dirigés contre l’ensemble de la classe ouvrière.
(Article paru d’abord en anglais le 5 decembre 2020)