Les menaces de guerre américaines contre l'Iran et le Venezuela s'intensifient à six semaines de la fin du mandat de Trump

À peine une semaine et demie après l’assassinat du physicien iranien Mohsen Fakhrizadeh, un acte criminel perpétré par l’agence d’espionnage israélienne Mossad, en collaboration avec Washington, les menaces d’une agression militaire américaine majeure dans les six semaines qui restent au mandat du président Donald Trump ne faiblissent pas.

Le meurtre de Fakhrizadeh, considéré comme le scientifique le plus éminent d’Iran et une figure de proue du programme nucléaire du pays, était une provocation calculée visant à précipiter une riposte iranienne qui pourrait ensuite être saisie comme prétexte à la guerre.

Le bombardier furtif B-2 Spirit (Wikimedia Commons)

L’establishment bourgeois et clérical au pouvoir en Iran, assiégé d’une part par le régime de sanctions de «pression maximale» et faisant face, de l’autre, à une agitation croissante au sein de la classe ouvrière, s’est abstenu de toute action de ce type. La faction au pouvoir dirigée par le président Hassan Rouhani semble parier sur la possibilité qu’un nouveau gouvernement Biden va assouplir les sanctions. En outre, elle a l’espoir que Biden va reconduire l’accord nucléaire signé en 2015 — que Trump avait abrogé unilatéralement il y a deux ans. D’autres sections de l’État iranien ont cependant demandé des représailles rapides, notamment l’expulsion des inspecteurs nucléaires de l’AIEA, et même des frappes militaires sur Israël.

La perspective d’une nouvelle provocation reste élevée alors que le gouvernement Trump poursuit une politique étrangère belliqueuse. Il impose une série de nouvelles sanctions non seulement contre l’Iran, mais aussi contre la Chine et le Venezuela, tout en organisant des opérations militaires menaçantes, entre autre dans le golfe Persique, dans la mer de Chine méridionale et aux Caraïbes.

Les relations entre l’Iran et le Venezuela, deux cibles de régimes de sanctions «à pression maximale» qui équivalent à un état de guerre, sont devenues une cible particulière des menaces américaines.

Elliott Abrams, «représentant spécial des États-Unis pour l’Iran et le Venezuela», l’a confirmé la semaine dernière. Abrams est un criminel de guerre de longue date dont la carrière remonte à sa position d’homme de pointe du gouvernement Reagan. Son rôle était d’organiser la défense des guerres quasi génocidaires menées par les dictatures militaires soutenues par les États-Unis en Amérique centrale dans les années 1980. Ensuite il fut condamné sur des accusations liées à l’affaire Iran-Contra, une opération secrète et illégale visant à financer les Contras soutenus par la CIA, une armée de guérilla de droite qui a mené une guerre terroriste contre le Nicaragua.

Le fait qu’on a combiné les postes d’envoyé spécial pour l’Iran et le Venezuela et les a confiés à Abrams en septembre a clairement montré les intentions de Washington.

Dans un webinaire organisé jeudi dernier par l’Institut de sécurité nationale de l’Université George Mason, Abrams a lancé une menace directe d’action militaire américaine contre tout envoi de missiles iraniens au Venezuela.

«Nous n’accepterons pas, nous ne tolérerons pas le placement au Venezuela de missiles iraniens qui peuvent atteindre les États-Unis», a-t-il déclaré. «Nous ne l’accepterons pas, et s’ils tentent de le faire, du moins dans ce gouvernement, nous essaierons de l’interdire, et s’ils arrivent au Venezuela, on s’en occupera au Venezuela. Il n’est pas acceptable d’avoir des missiles iraniens au Venezuela qui peuvent atteindre les États-Unis».

Il n’y a absolument aucune preuve suggérant que l’Iran envoie des missiles au Venezuela. Mais, cela n’empêche pas Washington de transformer une prétendue «crise des missiles vénézuéliens» en prétexte de guerre.

L’amiral Craig Faller, chef du Commandement Sud des États-Unis (SOUTHCOM), a fait des suggestions similaires concernant une menace iranienne supposée au Venezuela la semaine dernière.

Dans une présentation au corps de presse du Pentagone, il a déclaré: «Nous constatons une influence iranienne croissante au Venezuela, y compris la force Quds, ce qui est alarmant et inquiétant, ainsi que certains liens en matière d’armement».

«Ce ne sont pas seulement les cargaisons de pétrole. Il s’agit également de livraisons d’armes», a ajouté l’amiral Faller. «Nous avons vu une augmentation de ces livraisons cette année. Nous observons très attentivement le degré de changement pour voir s’il est lié à d’autres malversations iraniennes dans le monde».

En ce qui concerne la menace d’une provocation militaire américaine, il ne s’agit pas seulement de missiles imaginaires, mais de véritables cargaisons de carburant. Une flotte d’une dizaine de pétroliers iraniens navigue vers le Venezuela, transportant de l’essence et d’autres produits pétroliers dont Caracas a besoin pour raffiner son pétrole brut, selon des sources citées par Bloomberg. Les pétroliers doivent revenir chargés de pétrole vénézuélien pour être vendus sur le marché mondial, probablement à la Chine.

Cette flotte serait deux fois plus importante que les cinq pétroliers qui ont amené le carburant iranien au Venezuela en mai. Le gouvernement américain a riposté en imposant des sanctions contre les capitaines des navires.

Washington a intercepté quatre autres pétroliers qui, selon lui, se dirigeaient vers le Venezuela, déchargeant leurs cargaisons de carburant en haute mer et les vendant ensuite pour 40 millions de dollars. L’Iran a nié qu’il était propriétaire des pétroliers ou du pétrole. Les armateurs d’Oman, du Royaume-Uni et des Émirats arabes unis ont intenté des poursuites contre cet acte de piraterie.

Sous le prétexte de lutter contre le trafic de drogue, les forces armées américaines ont déployé la plus grande force navale dans la région depuis l’invasion du Panama en 1989. Si l’armée américaine devait mener une opération similaire contre la dernière flotte iranienne, cela pourrait déclencher une spirale de représailles militaires de plus en plus intense.

Comme le gouvernement Trump l’a déclaré à plusieurs reprises, l’option d’une action militaire contre le Venezuela lui-même reste également «sur la table».

Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo, qui a effectué une tournée provocatrice de trois jours dans tous les pays limitrophes du Venezuela en septembre, a intensifié ses dénonciations du gouvernement du président Nicolas Maduro dans le contexte de l’élection, dimanche, d’une nouvelle Assemblée nationale. L’élection a vu la victoire de 67 pour cent du front électoral dirigé par le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) de Maduro, avec une participation électorale lamentable de 32 pour cent.

Juan Guaidó, la marionnette américaine et ancien chef de l’Assemblée nationale, qui s’est proclamé «président intérimaire» en janvier 2019 et fut immédiatement reconnu par les États-Unis comme le gouvernement «légitime» du Venezuela a boycotté les élections. Il a affirmé qu’elles ont été truquées par le gouvernement. Une autre section de l’opposition de droite, comprenant les anciens partis traditionnels au pouvoir au Venezuela, le COPEI et Acción Democrática, a présenté des candidats, remportant environ 18 pour cent des voix.

La division de l’opposition de droite reflète l’échec de l’opération de changement de régime soutenue par les États-Unis et dirigée par Guaidó, qui a vu une tentative avortée de coup d’État militaire en avril 2019 et le fiasco d’une invasion de mercenaires en mai de cette année.

L’abstention massive de dimanche reflète la colère croissante de la classe ouvrière face à la réponse du gouvernement Maduro à la profonde crise économique du pays, qui a été de défendre les intérêts capitalistes tout en réprimant la résistance populaire. Le régime de sanctions américaines a considérablement intensifié la dévastation de l’économie vénézuélienne. Cela a conduit à un chômage de masse et à une hyperinflation, alors même que l’impact de la pandémie COVID-19 continue de s’aggraver.

Le boycott de Guaidó ne pouvait pas cacher le fait qu’il bénéficie d’un faible soutien au sein de la population vénézuélienne. Cette dernière est très hostile à ses appels à une intensification des sanctions et à une intervention étrangère pour provoquer un changement de régime.

Plutôt que de se présenter aux élections, Guaidó, avec le soutien des États-Unis, a mis en scène son propre coup de théâtre pseudo-électoral, une «Consultation populaire», qui demande aux Vénézuéliens de voter — y compris en ligne — en faveur de la destitution de Maduro et d’obtenir une «aide internationale» pour «sauver notre démocratie». Les résultats d’un tel sondage pourraient être invoqués pour justifier l’intervention américaine.

Pompeo a publié une déclaration sur Twitter lundi, dénonçant le vote de dimanche au Venezuela comme «une fraude et une imposture, pas une élection» et «rien de plus qu’une tentative de voler l’avenir démocratique du Venezuela».

La déclaration a immédiatement suscité des dénonciations et des moqueries, étant donné que Pompeo représente un gouvernement qui tente ouvertement de renverser les résultats de l’élection américaine et d’installer une dictature présidentielle. Pompeo lui-même a récemment répondu à la question d’un journaliste qui demandait s’il y aurait une transition en douceur du pouvoir au Département d’État, en disant qu’il y aurait «une transition en douceur vers un second gouvernement Trump».

Les médias bourgeois interprètent les menaces, les provocations et les sanctions du gouvernement Trump comme une tentative de rendre difficile, voire impossible au nouveau gouvernement Biden de retourner à l’accord nucléaire iranien ou à une réduction des tensions.

Cependant, une interprétation bien plus sinistre existe. Provoquer une guerre fournirait à la Maison-Blanche un prétexte pour mettre à exécution les menaces répétées de Trump d’invoquer la loi sur l’insurrection et d’appeler des troupes dans les rues afin d’annuler les élections américaines. À six semaines de la fin du mandat de Trump, le danger reste réel et présent.

Quelle que soit l’issue du complot de Trump, et quelle que soit la personne qui occupera la Maison-Blanche après le 20 janvier, la tendance à la guerre et à la dictature, qui trouve sa source dans la crise insoluble du capitalisme américain et mondial, ne fera que s’accentuer.

(Article paru d’abord en anglais le 8 decembre 2020)

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