Italie: Grève nationale du secteur public

Mercredi, une grève nationale en Italie a paralysé une grande partie du secteur public. Alors que des centaines de personnes continuent de mourir chaque jour de la pandémie de coronavirus et de la politique du gouvernement qui laisse virus de se propager, il y a une opposition de masse dans la classe ouvrière au manque de conditions de travail sûres et aux niveaux endémiques d'inégalités sociales engendrées par des décennies d'austérité et exacerbée par la pandémie.

Selon les syndicats, plus de trois millions de travailleurs ont participé à la grève. Les fédérations syndicales du secteur public qui ont appelé à la grève couvrent les employés de l'administration publique, les fonctionnaires, les travailleurs de l'éducation et de la santé, bien que les employés des hôpitaux soient restés au travail.

La grève a été animée par une opposition massive à la réduction des financements publics pendant des décennies, en particulier dans le secteur de la santé. Il y a actuellement 350.000 travailleurs intérimaires du secteur public sans sécurité d'emploi, dont 60.000 agents de santé. Même s'il a cyniquement salué les infirmières comme des «héros» dans la lutte contre la pandémie, le gouvernement du premier ministre Giuseppe Conte a refusé de financer des postes permanents ou des augmentations de salaire.

La grève a eu lieu sur fond d'une série de manifestations et de débrayages des travailleurs du monde entier. Dans l'Espagne voisine, des milliers de médecins et d'infirmières ont manifesté à Madrid le 29 novembre contre les projets de réduction du financement de la santé. Au Portugal, une grève nationale des éducateurs de la petite enfance, du primaire et du secondaire aura lieu ce vendredi. En Grèce, des centaines de milliers de travailleurs ont fermé le secteur public du pays le 26 novembre pour protester contre une loi abolissant la journée de huit heures.

En France, des centaines de milliers de personnes ont participé à des manifestations à travers le pays il y a une semaine contre les violences policières et pour s'opposer aux projets du gouvernement Macron de criminaliser les vidéos révélant la brutalité policière. Et en Allemagne, il y a une opposition croissante parmi les enseignants et les étudiants à la politique de vouloir garder les écoles ouvertes pour permettre la propagation du virus.

Dans ces conditions, la grève en Italie n'a reçu pratiquement aucune couverture médiatique internationale. La radio publique France Info aproduit un seul article sur la grève, le seul à paraître en français. Aucun des principaux organes d'information de langue anglaise ou allemande n'a publié d'article sur la grève.

En revanche, lorsque des groupes de plusieurs centaines de manifestants de droite ont organisé des manifestations contre le confinement en Allemagne cette année, ils ont eu droit à une couverture internationale immédiate. Dans l'establishment politique et médiatique en Europe, il y a une vive inquiétude face à l'éruption de l'opposition de la classe ouvrière à leurs politiques qui ont permis au virus de se propager en rejetant un confinement économique prolongé qui aurait un impact sur les profits des grandes entreprises.

Le bilan des décès dus au coronavirus en Italie est catastrophique et parmi les plus élevés par habitant au monde. Rien que mercredi, 634 personnes sont mortes du virus. Il y a eu plus de 500 décès dus au virus chaque jour depuis le 20 novembre. Le 3 décembre, il y a eu 993 décès, éclipsant le record de 921 décès établi ce printemps, le 27 mars, alors que l'Italie était l'un des premiers pays au monde à être submergé. Avec une population italienne de 60 millions d'habitants, le bilan du 3 décembre équivaudrait à environ 5300 décès en une seule journée aux États-Unis. Au total, plus de 60.000 personnes sont décédées depuis le début de l'année.

L'Italie a le deuxième plus grand nombre d'infections en Europe, après la France, avec 1,77 million de cas. Le nombre total de cas enregistrés s'élevait à un demi-million le 24 octobre et a plus que triplé en moins de deux mois. Entre 10.000 et 20.000 nouveaux cas sont enregistrés chaque jour.

Ce nombre de morts massif n'était pas inévitable. Le gouvernement Conte a été contraint de promulguer des mesures de confinement en mars, après que des grèves sauvages dans des usines automobiles et d'autres fabriques en Italie ont exigé l’arrêt de la production non essentielle pour permettre aux travailleurs de s'isoler chez eux. Après la fin des confinements, le gouvernement Conte, comme ses homologues à travers l'Europe, a rouvert l'économie, y compris la production non essentielle, les bars, les restaurants et les écoles, pour garantir que l'extraction des profits des entreprises puisse reprendre.

Le gouvernement Conte a depuis rejeté la réimposition d'un confinement complet exigé par les professionnels de la santé. Le 9 novembre, le président de la Fédération italienne des professionnels de la santé a appelé à un confinement complet pour empêcher la propagation du virus.

Le même jour, le chef du service des maladies infectieuses de l'hôpital Sacco de Milan a déclaré à la RAI qu'un confinement était nécessaire, «sinon la pandémie finira par faire des dégâts qui vont au-delà du nombre déjà très triste de décès». Conte a répondu dans une interview à La Stampa le 11 novembre qu'un tel confinement «ne devrait pas être le premier choix» car «les coûts sont trop élevés».

Au lieu de cela, le gouvernement a maintenu un couvre-feu à l'échelle nationale de 22h à 5h. Les lycées, couvrant les deux dernières années de l'enseignement secondaire, sont fermés dans tout le pays, mais les collèges et les écoles primaires sont restés ouverts partout sauf dans les «zones rouges», où le virus se propage le plus rapidement. Actuellement, seule la région centrale des Abruzzes est marquée comme «rouge». Dans les «zones orange», les bars et les restaurants sont fermés, mais les autres commerces restent ouverts. La Lombardie, le Piémont, la Calabre, Bolzano et la Toscane se situent dans les zones «oranges».

Les syndicats n’ont pas déclenché la grève par une volonté de s’opposer au gouvernement et ses politiques en matière de coronavirus. Au contraire, les syndicats soutiennent l'ouverture des écoles et s’opposent à toute action visant à exiger un confinement et la garantie du paiement intégral des salaires aux travailleurs.

Ils ont appelé à une série de débrayages d'un jour dont leur but est de servir de soupapes pour contenir la colère des travailleurs, tout en ne faisant rien qui pourrait inquiéter les politiques du gouvernement. Les syndicats ont organisé ce dernier débrayage après un arrêt de travail symbolique national similaire de quatre heures le 25 novembre, qui a paralysé les services de transport, d'éducation et de santé à travers le pays, y compris les bus à Rome.

(Article paru en anglais le 10 décembre 2020)

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