Le gouvernement du Parti national écossais (SNP), les autorités locales et les syndicats d'enseignants s'efforcent de garantir que toutes les écoles d'Écosse restent entièrement ouvertes jusqu'à la fin du trimestre et au-delà. Il s’agit de permettre la réalisation du plus de profits possible, notamment durant la cruciale saison des ventes de Noël, quelles que soient les conséquences pour la santé publique et la vie des enseignants.
Le gouvernement du SNP s'oppose également à ce qu’un genre quelconque d’enseignement hybride, en ligne et en présentiel avec distanciation sociale à l'école, soit mis en œuvre dans les écoles avant la fin du trimestre, le 22 ou 23 décembre.
Dans une lettre adressée à la Commission de l'éducation et des vocations du parlement écossais, le secrétaire à l'éducation John Swinney a affirmé, sans preuve, qu "il y aurait moins de transmission de Covid-19 par les enfants et les jeunes en présentiel que par le brassage en dehors de l'école".
En réaction à cela, une lettre ouverte largement diffusée dans les réseaux sociaux et rapportée dans la presse a souligné les immenses pressions et dangers auxquels les enseignants sont confrontés. Adressée à Swinney et écrite par l'enseignante du primaire Elaine Robinson au nom de Glasgow Southside Teachers and Support for Learning Workers, la lettre expliquait:
«Dans ma propre école, au cours des 4 dernières semaines, 3 classes complètes, leurs enseignants et leurs soutiens éducatifs ont dû s'isoler à cause de cas de COVID 19. Cela représente environ 90 enfants et 6 membres du personnel. Au cours des 4 derniers mois, il y a eu des isolements individuels réguliers de 2 semaines dans chaque classe suite au dépistage".
La lettre demandait sans détour à Swinney:
"Quand les enseignants et le personnel de soutien sont-ils devenus soudainement des citoyens de seconde zone? Quand sommes-nous soudainement devenus des baby-sitter pour faciliter la garde des enfants des travailleurs? Quand sommes-nous devenus la seule profession à travailler dans des environnements à risque et devant fournir notre propre EPI pour nous protéger?
"Pour faire en sorte que nous nous sentions dévalorisés au maximum, la demande d'une petite prolongation des vacances de Noël a été rejetée. Non seulement nous avons consacré du temps à l'élaboration de matériels d'apprentissage hybrides, mais nous étions tous pleinement préparés à offrir des opportunités d'apprentissage en distanciel entre le 6 et 11 janvier. Encore une fois, vous dites que c'est pour protéger l'apprentissage et assurer la garde d'enfants pour les travailleurs clés. Je vous demande alors: comment pouvons-nous garantir la sécurité de nos familles? "
Dans tous les pays de la planète, la classe dirigeante insiste pour que des écoles soient ouvertes afin d'assurer le maintien des profits de la grande entreprise par les travailleurs.
En réponse à la lettre, un porte-parole du gouvernement écossais a déclaré cyniquement qu'il n’avait "aucune preuve directe actuelle que la transmission dans les écoles joue un rôle contributif significatif dans l'augmentation des taux d'infection chez les enfants et les données [de l’Office national des statistiques, ONS] n'ont montré aucune différence entre les taux de positivité des enseignants et des autres membres du personnel scolaire, par rapport à d'autres groupes de travailleurs du même âge".
L'interprétation de l'ONS invoquée par l'administration du SNP a été discréditée. Deux rapports récents ont souligné les dangers de la transmission à l'école niés par les gouvernements d'Édimbourg et de Londres.
L'un, d'Independent SAGE, composé de scientifiques critiques de la politique gouvernementale en matière de pandémie, a fait ressortir qu'entre le 1er septembre et le 16 novembre, les taux d'infection dans les écoles ont augmenté d'un facteur 54. Un autre, de l'Imperial College de Londres, a étudié le deuxième confinement national du 24 novembre. Il a constaté que les taux d’infection avaient augmenté chez les enfants d’âge scolaire tout au long du confinement, mais baissaient dans tous les autres groupes d’âge. Les écoles sont restées ouvertes tout au long de cette période.
Le principal syndicat d'enseignants, l'Institut éducatif pour l'Écosse (EIS), a finalement dû admettre les dangers auxquels étaient confrontés les enseignants. Une enquête EIS a révélé que seulement 31 pour cent des enseignants se sentaient en sécurité en salle de classe et 66 pour cent ont indiqué leur soutien à des actions revendicatives, y compris des grèves, contre le refus du gouvernement d'autoriser l'apprentissage à distance ou hybride dans les zones de confinement de niveau 4. L'Écosse a cinq niveaux de confinement, le niveau 4 étant le plus élevé et 0 le plus bas.
L'EIS est parfaitement conscient de la frustration, de la peur et de la colère immenses qui s'accumulent parmi les enseignants face aux dangers auxquels ils sont confrontés. Pour éviter que cela ne conduise les éducateurs à faire leurs propres démarches, en dehors du contrôle du syndicat, l'EIS a lancé une opération pour gagner du temps. Cela vise à créer un semblant d'activité et de réponse aux préoccupations des enseignants, tout en garantissant que rien ne soit fait, et que les écoles restent ouvertes.
Les dangers posés par la réouverture des écoles ont été immédiatement évidents pour toute personne désireuse d'évaluer honnêtement la situation. Pourtant, il a fallu attendre le 22 novembre pour que le secrétaire général de l'EIS, Larry Flanagan, concède: "En termes simples, laisser les écoles hors de toute restriction de niveau 4, affaiblit l'impact de la suppression des virus". Flanagan a averti le gouvernement que l'EIS était prêt à consulter ses adhérents en prévision d'un débrayage mais (bien sûr) "nous préférerions ne pas en arriver là".
Le 3 décembre, le gouvernement écossais a annoncé que les propositions de prolongation des vacances de Noël, à partir du 18 décembre et jusqu'au 11 janvier, avaient été rejetées. En réponse, Flanagan a demandé que des "tests de dépistage rapide" soient mis à la disposition du personnel de l'école. Les tests de dépistage rapide, testés à Liverpool et dans d'autres régions à forte concentration de cas de COVID-19, génèrent certes des résultats rapides, mais sont considérés comme moins précis que les tests par écouvillon.
Ce n'est que le 10 décembre, un jour avant la fin des restrictions de niveau 4, que la branche locale EIS de Glasgow a finalement lancé une consultation de ses membres sur le sujet. Mais ce n'était pas un scrutin pour fermer immédiatement les écoles. Selon le site Web de l'EIS, un vote "oui" donnerait au syndicat le mandat, en temps voulu, de "déclarer un désaccord" avec le conseil municipal de Glasgow, géré par le SNP. Ultérieurement, l'EIS pourrait envisager un "nouveau scrutin consultatif" pour un débrayage.
Autrement dit, rien ne sera fait. Six autres sections locales ont annoncé qu'elles tenaient des consultations similaires.
L'EIS, utilisant une tactique éprouvée de toute bureaucratie syndicale, tente de jouer la montre le plus longtemps possible avant de recourir à d'autres mesures, qu'ils chercheront ensuite à annuler, quel que soit le coût en cas de COVID-19 et en vies humaines.
L'EIS a également lancé une campagne sur les réseaux sociaux #NotAtAllCosts (Pas à n'importe quel prix). Son but est de réduire les enseignants à une tactique basée sur la pression morale sur le gouvernement SNP. En la lançant, Flanagan a envoyé une lettre à la première ministre Nicola Sturgeon, sans aucune revendication. Il espérait au contraire que "pour aller de l'avant, votre gouvernement fera plus pour reconnaître et combattre la peur et les angoisses réelles qui existent dans les écoles que ce n'est le cas jusqu'à présent, en particulier lorsque nous avons des zones opérant au niveau 4".
Les résultats du vote de trois régions ont été annoncés le 15 décembre. Au total, 91 pour cent des enseignants ont soutenu la proposition de faire grève dans le West Dunbartonshire. 93 pour cent à Glasgow et 90 pour cent à Fife ont soutenu la résolution. Les taux de participation étaient compris entre 53 et 75 pour cent. Les chiffres prouvent qu'il y a parmi les enseignants une immense volonté de se mettre en lutte.
Fermer les écoles et les universités tout en fournissant des ressources suffisantes pour éviter de perturber inutilement l'éducation des jeunes est une question de vie ou de mort. Les enseignants, les éducateurs, les parents et les élèves d'Écosse, de Grande-Bretagne comme du reste du monde ne peuvent faire aucune confiance aux syndicats. Se mettre en lutte sur ces questions vitales dépend du développement d'un mouvement indépendant vis-à-vis des syndicats et de rechercher la mobilisation la plus large de la classe ouvrière.
(Article paru en anglais le 16 décembre 2020)