Les CDC rapportent un record de 81.000 décès par surdose de médicaments aux États-Unis sur une période de 12 mois

Plus de 81 000 personnes sont mortes de surdose entre juin 2019 et mai 2020 aux États-Unis, selon un nouveau rapport des Centers for Disease Control and Prevention (CDC), le plus grand nombre de décès par surdose enregistré dans l’histoire sur une période de 12 mois.

Le rapport note que les décès par surdose étaient déjà en augmentation avant la pandémie, mais que les données montrent une accélération des taux de mortalité après l'apparition de la COVID-19 aux États-Unis.

Le principal facteur de cette augmentation des décès est attribué à l'utilisation d'opioïdes synthétiques tels que le fentanyl. Le nombre de décès dus aux opioïdes synthétiques a augmenté de 38,4 % entre la période de 12 mois se terminant en mai 2019 et celle se terminant en mai 2020.

Médicaments sur ordonnance (pxhere.com)

Sur les 38 États disposant de données sur les surdoses d'opioïdes synthétiques, 37 ont signalé une augmentation des décès, dont 18 ont fait état d'une augmentation de plus de 50 %. Dix États de l’ouest des États-Unis ont également signalé une augmentation de plus de 98 % des décès liés aux opioïdes synthétiques. Les CDC n'ont pas précisé les États.

En outre, les décès par surdose de cocaïne ont augmenté de 26,5 %, et les décès liés aux psychostimulants, comme la méthamphétamine, ont augmenté de 34,6 %. Les CDC pensent que l'augmentation des décès par surdose de cocaïne a été influencée par co-utilisation ou contamination par fentanyl ou l'héroïne. Le rapport note également que le nombre de décès liés aux psychostimulants dépasse celui des décès liés à la cocaïne.

L'accélération des décès par surdose de médicament au cours de la pandémie est le résultat de la croissance exponentielle plus vaste de ce type de décès survenue au cours des quatre dernières décennies. Le nombre de décès par surdose de médicament est passé de 1,13 pour 100.000 personnes en 1979 à 16,96 pour 100.000 en 2016, selon une étude publiée dans le magazine Science. Cette croissance a entraîné presque 600.000 décès sur une période de 38 ans, avec un doublement des décès tous les 9 ans.

Les tendances des différents médicaments ont fluctué dans le temps; cependant, les 20 dernières années ont vu les opioïdes prendre une position centrale dans la croissance des décès par surdose. Selon les données des CDC, le nombre de prescriptions d'opioïdes est trois fois plus élevé qu'en 1999.

Taux de mortalité par surdose ajusté selon l’âge et par catégorie d’opioïdes, États-Unis 1996-2016 – Source: NCHS, National Vital Statistics System, Mortality

Les prescriptions d'opiacés et les décès par surdose ont augmenté régulièrement tout au long des années 2000. Les ordonnances ont atteint un pic en 2012 avec 255 millions d'ordonnances délivrées à un taux de 81,3 pour 100.000. Le volume total d'opioïdes délivrés a atteint un sommet en 2010 avec 782 milligrammes d’équivalents de morphine par habitant.

Depuis lors, le nombre total de prescriptions a considérablement diminué pour atteindre 153 millions en 2019. La cause immédiate de cette réduction des prescriptions a été la publication de plusieurs études entre 2010 et 2012 qui ont apporté la preuve des qualités de dépendance des opioïdes de prescription et de leur relation avec les taux élevés de toxicomanie et de surdoses.

Si les prescriptions ont diminué, le taux de mortalité est resté élevé et s'est même accéléré. Cela est dû en grande partie à l'augmentation rapide de la consommation de fentanyl et d'héroïne depuis 2010. Les personnes qui étaient devenues dépendantes aux opioïdes ont rapidement eu plus de mal à s'approvisionner régulièrement en raison de la réduction du nombre de pharmacies de type «pilulier». En l'absence d'un financement public substantiel pour la réhabilitation des toxicomanes, des milliers d'entre eux ont dû se tourner vers des substances plus dangereuses.

Le fentanyl et l'héroïne fabriqués illégalement sont rapidement devenus des alternatives bon marché et puissantes aux opioïdes délivrés sur ordonnance. Le fentanyl est 100 fois plus puissant que la morphine et 50 fois plus puissant que l'héroïne. De ce fait, il est souvent utilisé pour couper l'héroïne ou pour créer des opioïdes de contrefaçon, ce qui entraîne parfois une consommation involontaire.

Purdue Pharma, la société qui produit l'OxyContin, a lancé au début des années 2000 une vaste campagne coordonnée visant à accroître les ventes d'opioïdes et à promouvoir le mythe selon lequel son produit ne provoque pas de dépendance.

Purdue a recueilli des données sur les médecins ayant le plus grand nombre de patients souffrant de douleurs chroniques. Ils ont ensuite utilisé ces données pour cibler les endroits où concentrer leur personnel de marketing et de vente. En 2003, près de la moitié des médecins prescripteurs d'OxyContin étaient des médecins de premier recours.

Par conséquent, les médecins n'ont souvent ni l'expertise ni le temps nécessaires pour évaluer les niveaux de douleur et les besoins pharmaceutiques précis. En 2002, Purdue a vu une multiplication de ses prescriptions d'OxyContin qui ont atteint 6,7 millions, soit 10 fois plus qu'en 1997. En 1996, les ventes d'OxyContin s'élevaient à 44 millions de dollars. Entre 2001 et 2002, Purdue a vendu pour 3 milliards de dollars d'opioïdes.

Pendant cette période, et encore aujourd'hui, Purdue et d'autres fabricants d'opioïdes ont refusé d'admettre tout lien entre la consommation d'opioïdes et la dépendance. Les vendeurs ont fait la promotion des recherches limitées montrant que moins de 1 % des personnes devenaient dépendantes lorsqu'elles étaient traitées pour une courte durée.

Cependant, des recherches plus approfondies sur l'utilisation à long terme de l'OxyContin ont montré qu'il créait une dépendance considérable. Les preuves étaient si convaincantes que Purdue a dû payer 634 millions de dollars d'amendes et que plusieurs cadres ont plaidé coupables en 2007 pour avoir donné à l'OxyContin une image de marque frauduleuse comme n’entraînant pas de dépendance.

En 2019, Purdue a déposé son bilan après que plus de 2000 procès aient été intentés contre elle par des villes et des États. Avec les preuves accumulées contre eux, la famille Sackler et les dirigeants de Purdue ont décidé de se préparer à l'inévitable.

Bien que Purdue nie toujours son méfait, en octobre 2020, la société a accepté de payer 8 milliards de dollars en règlements, 3,5 milliards de dollars d'amendes pénales et 2,8 milliards de dollars en dommages et intérêts. Comparé aux 35 milliards de dollars de bénéfices réalisés grâce à la vente de l'OxyContin, c'est une peine plutôt légère pour avoir causé la mort de centaines de milliers de personnes.

Purdue va également se restructurer en «société d'intérêt public». En apparence, cela lui permettra de s'engager dans la santé publique et de fournir des fonds aux gouvernements des États et locaux pour des programmes d'aide dans le domaine des opiacés. Ce que cela impliquera réellement toutefois reste à voir.

Quoi qu'il en soit, la famille Sackler, qui a fondé Purdue, a transféré plus de 10 milliards de dollars à ses diverses propriétés en prévision du litige, dont une grande partie a été détournée vers des comptes offshore. Ils resteront probablement milliardaires après l'effondrement de Purdue et éviteront potentiellement les poursuites grâce à un règlement personnel de 3 milliards de dollars avec les plaideurs.

L'augmentation des décès par surdose de médicaments pendant la pandémie est révélatrice de l'incapacité du système de santé à but lucratif du pays de répondre de façon adéquate aux besoins sociaux de la classe ouvrière. Des millions de personnes souffrent des effets de la dépendance aux médicaments, mais aucune aide n'est accordée pour les aider à résoudre ce problème.

«La perturbation de la vie quotidienne due à la pandémie de la COVID-19 a durement frappé les personnes souffrant de troubles liés à la consommation de substances, note le directeur des CDC, Robert Redfield, lors de l’annonce du rapport annuel, avant d’ajouter qu’il est important de ne pas perdre de vue que différents groupes sont touchés de diverses façons. Nous devons prendre soin des personnes qui souffrent de conséquences involontaires.»

La pandémie met en évidence toutes les défaillances du système capitaliste, depuis le renflouement des sociétés par les gouvernements jusqu'à la volonté de relancer l'économie au prix de centaines de milliers de vies. Ces dernières données montrent de façon très détaillée les effets de l'incapacité à fournir des soins de santé intégraux, y compris la réhabilitation des toxicomanes, et les dommages irréparables qui peuvent être causés lorsque la santé de la classe ouvrière passe après les profits.

(Article paru en anglais le 22 décembre 2020)

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