Des officiers espagnols en service actif approuvent les appels fascistes aux meurtres de masse lancés par des officiers à la retraite

Le quotidien espagnol en ligne Público a publié des messages fascistes envoyés sur un groupe WhatsApp réunissant 121 officiers de service actif de la IXe promotion d’Artillerie. Ces messages soutiennent les officiers fascistes à la retraite qui, sur WhatsApp, louangent le dictateur fasciste espagnol, Francisco Franco, et appellent à un génocide politique de 26 millions de personnes – tous ceux qui sont liés par le sang aux électeurs du Parti socialiste social-démocrate (PSOE) au pouvoir et du parti «populiste de gauche» Podemos. Cela se produit alors que des vidéos de soldats espagnols chantant des chansons fascistes et néonazies et faisant le salut fasciste apparaissent en ligne.

Ces messages démasquent également les fausses déclarations du secrétaire général et vice-premier ministre du parti Podemos, Pablo Iglesias, qui minimise et dissimule l’importance du sentiment fasciste au sein du corps des officiers. Après la révélation des messages des officiers à la retraite sur WhatsApp, Iglesias a fait un discours à la télévision aux heures de grande écoute, affirmant que ces messages étaient sans intérêt, puisqu’ils proviennent d’officiers d’état-major qui ne sont plus en service actif: «Ce que ces messieurs disent, à leur âge et déjà à la retraite, dans leurs discussions après avoir bu quelques verres de trop, ne constitue pas une menace.»

Il est toutefois clair que ces officiers retraités font appel au sentiment fasciste qui sévit dans l’ensemble du corps des officiers, y compris parmi ceux en service actif. La dernière discussion divulguée par Público commence par l’envoi par l’officier Alberto Vázquez d’un article du quotidien d’extrême droite en ligne esdiario.es qui accuse le colonel José Ignacio Domínguez, un ancien participant au groupe de discussion des officiers à la retraite, d’avoir divulgué les discussions à Infolibre et d’être lié à Iglesias.

Soldats de l’Armée espagnole en pause lors d’une répétition des célébrations de la journée de la Constitution espagnole sur la place Colon à Madrid, en Espagne, le vendredi 4 décembre 2020 (AP Photo/Bernat Armangue)

Vázquez ajoute: «J’espère que dans cette discussion, il n’y a pas de putain de traître qui va aller dénoncer ses collègues de la pire façon comme un chequista [terme fasciste pour décrire un communiste], sans valeurs ni camaraderie. Un chat privé est privé, dans lequel vous pouvez dire ce que vous voulez, sans que personne n’ait à attendre une faveur ou à craindre l’arbitraire de quiconque. Nous utilisons nos droits et libertés individuels, qui n’ont rien à voir avec le respect que nous avons, en tant que militaires, pour la constitution et les lois, contrairement à la populace qui déforme tout à volonté pour détruire le pays et la monarchie.»

Un officier s’identifiant comme Membrilla répond avec l’image d’un artilleur avec le pouce levé, auquel Vázquez répond en faisant référence au colonel Domínguez: «Je me demande comment ce type qui est un haut gradé dans l’armée, peu éduqué et cultivé, maintenant âgé de soixante-dix ans, peut être communiste? Le communisme est le système politique le plus génocidaire inventé par l’homme, le plus annihilant de la liberté humaine, le plus contre Dieu et les hommes que nous ayons jamais vu.»

Après cette diatribe anticommuniste, d’autres militaires du service actif interviennent pour montrer leur soutien aux officiers fascistes à la retraite, au contenu de leurs discussions et pour attaquer le prétendu dénonciateur Domínguez.

Burgos demande cyniquement: «où est la loi sur la protection des données, si un chat privé peut être violé?» Albert Vázquez répond: «Sous le chignon du rat». Iglesias est bien connu pour porter ses longs cheveux en chignon, et Público note que des groupes d’extrême droite ont manipulé les liens des médias sociaux pour que les recherches de «rat bossu» en espagnol renvoient Iglesias dans les premiers résultats de recherche.

Burgos – que Público identifie comme étant le sous-lieutenant Gabriel Burgos Sánchez, qui est actuellement dans la Réserve et non à la retraite – exprime ensuite son soutien aux messages fascistes des officiers à la retraite sur WhatsApp, lançant une série d’attaques contre le gouvernement Podemos-PSOE, typiquement utilisées par le parti fasciste Vox au Parlement.

Il accuse le gouvernement espagnol de surestimer la pandémie de la COVID-19, en déplorant que «le premier ministre [Pedro Sánchez] ment à propos du nombre de morts», et en dénonçant Podemos: «Pablo Iglesias se permet le luxe d’attaquer la monarchie. Il se réjouit quand un policier reçoit une raclée...» avant d’ajouter «Et ils osent s’attaquer à un groupe de discussion alors qu’ils ignorent les sentiments de beaucoup de gens face à une telle attaque et devant un monde bouleversé par des gens méchants? Messieurs,... mais cela a toujours été la façon de procéder du communisme!!!»

Burgos ajoute: «Je considère tout cela comme une insulte pour nous tous. Ils viennent nous dire: "Vous êtes stupides... Dédier toute sa vie pour défendre son pays quand on s’en fout".»

À la fin, les membres de la discussion s’inquiètent de la possibilité que ces messages soient divulgués publiquement, car ils savent que l’écrasante majorité des travailleurs et des jeunes s’opposent à leurs divagations fascistes. Garcia écrit «nous devons être plus prudents», accompagnant son texte avec l’image d’un bras tendu portant un brassard orné du drapeau franquiste avec l’aigle impérial et faisant le salut fasciste.

Selon Público, ce groupe de discussion n’est que «l’un des nombreux groupes de discussion teintés d’un profond parti pris d’extrême droite et où sont partagés des liens menant avec des appels au renversement du gouvernement actuel.» Público a déclaré qu’il publiera d’autres discussions de ce type dans les prochains jours.

Ces reportages confirment les avertissements du WSWS: face aux inégalités sociales croissantes et à la crise politique déclenchée par la pandémie, de puissantes forces au sein de la politique bourgeoise européenne propagent et légitiment le fascisme. Terrifiée par la montée de la colère, les protestations et les grèves contre les politiques d’«immunité collective» et les renflouements à coups de billions d’euros pour les entreprises et les banques, la classe dirigeante cultive ces forces contre la radicalisation croissante de la classe ouvrière.

Le fait que le chef de Podemos, Pablo Iglesias, soit détesté par les fascistes ne change rien au fait que celui-ci est hostile à la classe ouvrière. Conscient que la mobilisation des travailleurs contre la menace d’un coup d’État fasciste amènerait également la classe ouvrière à lutter contre son propre gouvernement militariste et d’austérité, Iglesias préfère minimiser l’importance de la menace fasciste.

Dans la présentation d’un livre récent, Iglesias a une fois de plus minimisé l’importance de ces discussions, déclarant que prétendre que les militaires pourraient répéter un coup d’État comme en 1981 «c’est ne pas comprendre ce pays». Il a critiqué les tentatives de «se laisser distraire par les bavardages d’anciens soldats; nous devrions plutôt nous concentrer sur les discours qui cherchent à délégitimer» le gouvernement PSOE-Podemos.

L’argument d’Iglesias selon lequel les sentiments profranquistes au sein du corps des officiers et les appels aux meurtres de masse sont sans importance – dans un pays où le coup d’État militaire fasciste de Franco en 1936 a conduit à une dictature fasciste de près de quarante ans, de 1939 à 1978 – est politiquement criminel. En réalité, les franquistes du corps des officiers, qu’ils soient en service actif ou retraités, parlent au nom de sections puissantes de la classe dirigeante espagnole. Leurs demandes d’austérité sociale, de guerre impérialiste et de politique d’«immunité collective» contre la COVID-19, ainsi que leur complot pour mener un coup d’État, se font sous la couverture politique fournie par Podemos.

Dans les faits, Iglesias a bien plus peur d’une opposition de masse des travailleurs et des jeunes à sa propre politique d’austérité et d’immunité collective que d’un coup d’État fasciste.

Ces événements soulignent le danger croissant de l’instauration d’un régime militaro-autoritaire en Espagne et en Europe, et la nécessité de construire une alternative trotskyste à la politique réactionnaire de Podemos: c’est à dire des sections du Comité international de la Quatrième Internationale, tant en Espagne que dans le reste du monde.

(Article paru en anglais le 29 décembre 2020)

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