COVID-19: La vaccination mondiale est entravée par le nationalisme et les profits outranciers

Les pays les plus pauvres du monde sont gravement menacés par la propagation à long terme du COVID-19 après que certains des pays les plus riches, qui ne représentent que 14 pour cent de la population mondiale, aient acheté jusqu'à présent 53 pour cent des vaccins les plus prometteurs.

En conséquence, cela pourrait prendre jusqu'à la fin de 2022 ou au début de 2023 avant que même la moitié de la population des pays à faible revenu soit vaccinée.

De nombreux pays sous-développés ont signalé relativement peu de cas et de décès de COVID-19, l'ensemble du continent africain de 54 pays signalant moins de décès que la France, mais il s'agit d'une sous-estimation flagrante du nombre réel. Le manque scandaleux de ressources pour tester l'infection, la stigmatisation attachée à la reconnaissance de la maladie et même l'absence de systèmes d'enregistrement universel des décès rendent les statistiques officielles pratiquement inutiles.

Vaccin COVID (Source: Envato)

Le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a salué les vaccins, affirmant qu'ils offraient «un aperçu de la lumière au bout du tunnel». Il a néanmoins insisté pour dire: «Nous ne mettrons véritablement fin à la pandémie que si nous y mettons fin partout à la fois, ce qui signifie qu'il est essentiel de vacciner certaines personnes dans tous les pays, plutôt que toutes les personnes dans certains pays.»

Ghebreyesus a ajouté: «Les vaccins compléteront, mais ne remplaceront pas, les nombreux autres outils dont nous disposons dans notre boîte à outils pour arrêter la transmission et sauver des vies. Nous devons continuer à les utiliser tous.»

En réalité, le sort de la classe ouvrière dans les pays capitalistes avancés et opprimés présente une similitude remarquable. Alors que les centres impérialistes ont le monopole du vaccin, l'anarchie du marché et l'indifférence de l'oligarchie financière envers la vie de millions de personnes, conduisent à un déploiement de vaccins en proie à des obstacles et des demi-mesures.

Il est peu probable qu'un pays puisse mettre fin à son épidémie par la seule vaccination. Environ 70 pour cent de la population mondiale devraient être vaccinés pour obtenir une «immunité collective», un objectif peu susceptible d'être atteint à court terme, en partie parce que la plupart des vaccins n'ont pas été approuvés pour le groupe d'âge des moins de 16 ans.

La course pour se procurer des vaccins contre un virus à propagation rapide qui voyage sans être gêné par les contrôles aux frontières a déclenché une compétition nationale féroce qui menace de prolonger et d'intensifier la pandémie.

L'irrationalité du système capitaliste de production pour le profit privé et non pour le bien public signifie que la pandémie continuera à tuer beaucoup plus de personnes dans le monde pendant des années et réapparaîtra même dans les pays qui parviennent à la maitriser par la vaccination. En plus de causer d'immenses pertes en vies humaines inutilement, la poursuite de la pandémie plongera des milliards de personnes dans la pauvreté.

Enfants à Hébron en Palestine apprenantl’hygiène préventive, septembre 2020 (Source: MSF.org)

Une poignée de sociétés pharmaceutiques géantes qui détiennent des brevets sur les vaccins, provenant de recherches coûteuses menées en grande partie dans des laboratoires financés par les contribuables, engrangeront des profits obscènes pour les années à venir.

Les fabricants de seulement trois vaccins, Pfizer- BioNTech, Moderna et AstraZeneca, prévoient de produire environ 5,3 milliards de doses en 2021 pour vacciner environ 2,6 milliards de personnes (deux doses sont nécessaires pour se protéger contre le coronavirus). Alors que les pays riches ont déjà commandé de grandes quantités – plus de la moitié de tous les vaccins prometteurs –, la People's Vaccine Alliance, qui comprend Amnesty International, Oxfam et Global Justice Now, prévient qu'il n'y a pas assez de vaccins pour tout le monde.

Selon l'Alliance, les pays les plus riches ont acheté suffisamment de doses pour vacciner leur population entière trois fois, le Canada commandant suffisamment de vaccins pour protéger chaque citoyen cinq fois. Les États-Unis ont commandé 1,1 milliard de doses de plusieurs vaccins potentiels, soit près du double du nombre nécessaire. Trois pays, l'Australie, le Canada et le Japon, ont obtenu plus de doses de vaccins potentiels que l'ensemble de l'Amérique latine et des Caraïbes, qui comptent plus de 17 pour cent des cas de coronavirus dans le monde.

Lors de l'épidémie de grippe porcine (H1N1), les États-Unis et d'autres pays riches ont acheté presque tous les vaccins disponibles. La grippe porcine a tué plus d'un quart de million de personnes dans le monde en 2009-10. Les pays plus riches ont accepté de partager certains vaccins avec les pays à faible revenu seulement après avoir satisfait leurs propres besoins.

Lors de l'épidémie de VIH/SIDA, les pays pauvres ont été exclus du marché à cause des prix abusifs des médicaments vitaux à mesure que les entreprises imposaient un prix international uniforme. En conséquence, le coût des médicaments antirétroviraux sur une base ajustée au PIB par habitant était plus élevé en Afrique du Sud qu'en Suède ou aux États-Unis, ce qui les mettait hors de portée des millions de Sud-Africains atteints du VIH/SIDA.

Les sociétés pharmaceutiques, avec le soutien du gouvernement américain Clinton et de certains gouvernements européens, ont poursuivi en justice le gouvernement sud-africain qui avait acheté des médicaments génériques moins chers à l'étranger, nommant Nelson Mandela, le président de l'Afrique du Sud, comme principal défendeur et abandonnant seulement leur action en justice lorsque confrontées à des manifestations internationales de masse.

Plus tôt cette année, au lieu de coordonner la production et la distribution des équipements de protection individuelle, des respirateurs et des médicaments qu'ils n'avaient pas préparés pour une future pandémie, l'Union européenne (UE) et 70 autres pays ont imposé des interdictions ou des limites à leur exportation.

La secrétaire d'État au Budget de la Belgique, Eva De Bleeker, a révélé l'ampleur massive des profits outranciers engrangés par l’industrie pharmaceutique. Elle a publié sur Twitter – puis rapidement supprimé – les prix que l'UE a négociés pour payer en bloc les principaux vaccins Covid. Les informations ont révélé de grandes variations de prix entre les fabricants. Moderna, dont la recherche a été financée par le gouvernement américain, a facturé 10 fois le prix d'Oxford/AstraZeneca, dont la recherche a été financée par le gouvernement britannique:

 Oxford/AstraZeneca: 1.78€/2.16$

 Johnson & Johnson: 8.50€/10.33$

 Sanofi/GSK: 7.56€/9.19$

 Pfizer/BioNTech: 12€/14.59$

 CureVac: 10€/12.16$

 Moderna: 14.80€/18$

Les États-Unis ont payé 1,2 milliard de dollars pour garantir 300 millions de doses de vaccin Oxford-AstraZeneca aux Américains, avant même qu'ils ne soient prouvés sûrs ou efficaces, une somme égale à 4 dollars par dose, soit le double de ce que l'UE a payé. Les États-Unis ont payé 19,50 $ par dose pour le vaccin Pfizer, contre 14,59 $ par l'UE, alimentant l'indignation du Congrès américain. En revanche, le vaccin de Moderna coûtera 18,00 $ la dose dans l’UE contre 14,80 $ aux États-Unis.

Si les pays les plus riches partagent leurs doses excédentaires, ils en feront probablement don ou les vendront à faible coût bilatéralement à leurs alliés et États clients, en tant que levier de pouvoir politique, au lieu de distribuer les vaccins par le biais d'initiatives multilatérales de santé publique.

Enfants à Hébron en Palestine apprenantl’hygiène préventive, septembre 2020 (Source: MSF.org)

Anna Marriott, responsable de la politique de santé d'Oxfam, a déclaré: «Personne ne devrait être empêché de se faire vacciner en raison du pays dans lequel il vit ou du montant d'argent qu'il a en poche. Mais à moins que quelque chose ne change radicalement, des milliards de personnes dans le monde ne recevront pas de vaccin sûr et efficace contre le Covid-19 dans les années à venir.»

En octobre dernier, l'Inde et l'Afrique du Sud ont demandé à l'Organisation mondiale du commerce de renoncer à la protection de la propriété intellectuelle pour les vaccins et d'autoriser les pays en développement à fabriquer ou à importer des versions génériques. Les États-Unis, l'UE et le Royaume-Uni ont tous rejeté la proposition.

Incapables de payer les prix exorbitants exigés par l’industrie pharmaceutique, quelque 94 pays pauvres et à revenu intermédiaire ont signé des accords avec Covax, un partenariat public-privé comprenant des organisations internationales de santé, notamment l'Organisation mondiale de la santé, la Coalition for Epidemic Preparedness Innovations (CEPI) et GAVI, l'Alliance du Vaccin. Mais cette initiative fournira au mieux des vaccins à 20 pour cent de la population des pays participants.

Le programme de partage de vaccins Covax est l'un des trois volets de l'accélérateur d'accès aux outils Covid-19 (ACT), mis en place par l'OMS, la Commission européenne et le gouvernement français. Cela fait partie d'une restructuration plus large de l'industrie mondiale de la santé publique à la suite de la débâcle du procès contre le VIH/SIDA, écartant l'OMS en faveur du secteur privé. Les nouvelles initiatives habilitent les pays donateurs, les organisations philanthropiques, y compris la Fondation Bill et Melinda Gates, et de nouveaux consortiums tels que GAVI, l'Alliance du vaccin (qui comprend des sociétés productrices de vaccins) et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

Les pays destinataires doivent signer des accords opaques assortis de conditions, en payant d'avance sans savoir quel vaccin ils recevront ou quand les doses arriveront. Covax fournit une estimation du prix par dose, mais l'acheteur doit supporter le risque si les coûts réels augmentent, si le vaccin échoue ou si des empêchements se produisent. Seth Berkley, directeur général de GAVI, a déclaré qu'il pourrait obtenir deux milliards de doses initiales et plus ultérieurement, mais a refusé de divulguer des informations sur ses accords avec les sociétés pharmaceutiques, les qualifiant de confidentielles sur le plan commercial. Il n'a pas expliqué quand les fournitures arriveraient, ni d'où viendraient les 6,8 milliards de dollars pour les acheter, ni comment les réseaux de distribution, déjà compromis par l'impact économique de la pandémie, pourraient y faire face.

De nombreux pays pauvres dépendront presque entièrement des organisations d'aide internationales pour obtenir certains vaccins gratuitement ou à faible coût.

Alors que les laboratoires financés par l'État ont rendu possible le développement rapide de vaccins, la réponse désastreuse de toutes les grandes puissances capitalistes à la pandémie mondiale de COVID-19 montre clairement la nécessité de mettre fin au capitalisme et à l'assujettissement de la santé humaine au profit privé. La classe ouvrière internationale doit intervenir pour exproprier les géants pharmaceutiques et tous les principaux secteurs industriels, transformant ces monopoles en services publics dirigés démocratiquement pour répondre aux besoins de l'humanité.

(Article paru en anglais le 4 janvier 2020)

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