L'Allemagne est en tête de l'Europe pour le nombre de décès quotidiens dus au coronavirus

Vendredi matin, l'Institut Robert Koch (RKI) a fait état de 1188 nouveaux décès en 24 heures. Ce chiffre est supérieur au précédent record allemand établi le 30 décembre, lorsque 1129 personnes sont mortes de la pandémie en un jour. En outre, plus d'un millier de décès ont été signalés mercredi (1019) et jeudi (1070). Selon Worldometers, plus de 39.000 personnes sont mortes jusqu'à présent en Allemagne.

En fait, le total réel est probablement beaucoup plus élevé. Le RKI prévient qu'il n'a reçu que des chiffres incomplets concernant les infections par COVID-19 et les décès dus aux vacances de Noël et du Nouvel An. Worldometers, qui s'appuie sur d'autres sources, a signalé jusqu'à 1198 décès mercredi matin. Même le Royaume-Uni, où le nombre d'infections atteint des sommets, compte actuellement moins de victimes que l'Allemagne. Worldometers a enregistré 830 décès au Royaume-Uni mardi et 981 le 30 décembre. Toutefois, ces chiffres devraient également augmenter prochainement.

Gare centrale de Francfort, Allemagne, jeudi 8 octobre 2020. (AP Photo/Michael Probst)

Comment en est-on arrivé là?

Au cours des premiers mois de la pandémie, l'Allemagne a semblé traverser la crise un peu mieux que ses voisins. Compte tenu de la situation catastrophique en Italie, le gouvernement allemand a pris des mesures de protection initiales relativement tôt. Cependant, ni le gouvernement fédéral ni les gouvernements des États n'étaient prêts à protéger la population contre le danger d'infection, bien qu'ils étaient pleinement conscients des risques. Les intérêts de l'économie, c'est-à-dire les profits des grandes entreprises et des banques, ont toujours eu la priorité sur la vie des gens.

Cela était déjà évident en mars, lorsque le gouvernement a approuvé un plan d'urgence de 756 milliards d'euros, dont 600 milliards sont allés aux grandes entreprises, avec seulement des sommes dérisoires pour les travailleurs, les travailleurs indépendants et les petites entreprises. Cette mesure, combinée aux billions injectés dans les marchés financiers par la Banque centrale européenne, a permis aux marchés boursiers de passer d'un niveau record à un autre au milieu de la crise sanitaire, sociale et économique la plus profonde que le pays ait connue. Alors que les cercueils s'entassent dans les morgues, les bouchons de champagne sautent sur les marchés boursiers.

Depuis lors, le gouvernement s'est surtout attaché à maintenir l'économie en marche afin de récupérer les milliards qu'il a distribués aux riches, sans tenir compte des conséquences mortelles pour les travailleurs. La fermeture des entreprises non essentielles n'a même pas été envisagée, alors qu'elle aurait considérablement réduit le risque de contagion non seulement dans les entreprises elles-mêmes, mais aussi dans les systèmes de transport public surchargés. Seuls les établissements de services à forte fréquentation – restaurants, grands magasins, salons de coiffure et autres – ont été temporairement fermés.

Une condition préalable à la poursuite de la production était de maintenir les écoles ouvertes afin que les parents puissent continuer à travailler. Les mêmes politiciens qui, pendant des années, ont systématiquement détruit le système éducatif versent maintenant des larmes de crocodile sur le manque de possibilités d'éducation pour les enfants pauvres, car les écoles ont été transformées en centres de surveillance et en foyers d'infection.

Une petite fraction des milliards distribués aux riches aurait suffi à rendre les écoles plus sûres, ainsi qu'à acheter le matériel électronique nécessaire et à engager suffisamment de tuteurs pour assurer un enseignement à domicile de qualité sous la direction d'enseignants expérimentés. Mais il n'y avait pas d'argent pour cela. Toutes les initiatives des enseignants, des parents et des élèves à cette fin ont été systématiquement étouffées.

On a constamment menti au public. Bien que l'on ait su très tôt que les enfants et les adolescents présentaient moins de symptômes, mais qu'ils propageaient le virus aussi rapidement que les adultes, les politiciens, les journalistes et même certains scientifiques s'obstinaient à affirmer que les enfants ne représentaient aucun danger et pouvaient même servir de contre-mesure à la propagation du virus. Entre-temps, de nombreuses études scientifiques ont réfuté ce mensonge, qui continue néanmoins à être propagé.

Fin décembre, la revue Science a publié une étude [article en anglais] réalisée par une équipe internationale de l'Université d'Oxford qui a utilisé les données d'infection de 41 pays, surtout d’Europe, pour calculer l'efficacité des mesures anticoronavirus pendant la première vague d'infection. L'étude a conclu que la fermeture des écoles et des universités et la limitation des contacts personnels à un maximum de 10 personnes pourraient réduire le nombre de réplications du virus jusqu'à 40%. La fermeture des magasins, restaurants et pubs non essentiels a réduit le taux de reproduction de 25%, tandis que les restrictions supplémentaires ne l'ont réduit que de 10% au maximum.

Le virologiste berlinois Christian Drosten, de renommée internationale, soutient également que les écoles ouvertes sont un des principaux moteurs de la pandémie. Dans son dernier podcast, il explique que la mutation hautement contagieuse du virus découverte pour la première fois en Angleterre s'est très probablement propagée par le biais des écoles. La nouvelle mutation du virus a pris son envol «avec beaucoup de vents arrières dans les écoles» et s'est ensuite «propagée au reste de la population.»

Plus d'un millier de scientifiques européens ont signé l'«Appel à un engagement paneuropéen pour une réduction rapide et durable des infections par le SRAS-CoV-2», qui préconise un confinement radical à l'échelle européenne pour ramener l'incidence sur sept jours (le nombre d'infections pour 100.000 habitants en une semaine) en dessous de 10 afin de sauver des centaines de milliers de vies. Parmi les signataires allemands figurent le président du RKI, Lothar Wieler, le président de la Société Max Planck, Martin Stratmann, le président de l'Académie nationale allemande, Gerald Haug, les virologistes Sandra Ciesek et Christian Drosten, et les présidents de plusieurs organismes de recherche.

Pourtant, les gouvernements et leurs conseillers dans l'industrie continuent de traiter ces recommandations scientifiques avec mépris. Ils sont littéralement prêts à marcher sur des cadavres. Mardi, une conférence téléphonique entre la chancelière et les chefs de gouvernement des États allemands a décidé de prolonger jusqu'à la fin janvier les mesures totalement inadéquates introduites en décembre. La production dans les usines se poursuit sans restriction. Les écoles et les garderies restent officiellement fermées, mais avec de si nombreuses exceptions qu'elles continuent en fait de fonctionner pratiquement sans restriction.

Même les modestes mesures destinées à améliorer les conditions de vie des parents se révèlent, à y regarder de plus près, être une imposture. Par exemple, les chefs de gouvernement ont promis que les parents ayant des enfants de moins de 12 ans auront chacun 10 jours et les parents célibataires 20 jours de congé payé supplémentaire pour s'occuper de leurs enfants.

Cette rémunération ne représente toutefois que 67% du salaire net et n'est versée que s'il n'existe aucune autre option raisonnable de prise en charge des enfants. On considère qu'il y a une option de garde raisonnable lorsqu'un des parents travaille à domicile. Si les garderies offrent des services d'urgence, les parents sont tenus d'accepter cette option et d'exposer ainsi leurs enfants et eux-mêmes au risque d'infection.

En attendant, la campagne visant à ouvrir complètement les garderies et les écoles dès que possible prend de l'ampleur dans les milieux politiques et les médias, quels que soient les risques encourus.

S'exprimant mercredi sur la radio Deutschlandfunk, la ministre allemande de la Famille Franziska Giffey (Parti social-démocrate, SPD) a appelé à un retour aussi rapide que possible dans les écoles et les garderies. Les restrictions actuelles sont en place jusqu'à la fin janvier, «et je pense que cela doit rester ainsi», a-t-elle déclaré. Lorsqu'un assouplissement de la quarantaine est possible, les enfants dans les garderies et les écoles sont la priorité.

Le premier ministre du Land de Bade-Wurtemberg, Winfried Kretschmann (Parti vert), a annoncé que les écoles primaires et les garderies seraient entièrement rouvertes dès le 18 janvier. Il a été soutenu par sa ministre de l'Éducation, Susanne Eisenmann (Union chrétienne-démocrate), qui a défendu avec véhémence l'enseignement en personne dans les écoles élémentaires pendant la pandémie.

Le programme d'information du mardi de l'ARD, Tagesthemen, a présenté une longue entrevue de l'épidémiologiste Klaus Stöhr qui s'en est pris à tous les scientifiques qui prônent un confinement radical. Stöhr s'est prononcé contre la réduction de l'incidence sur sept jours en dessous de 120. Il a déclaré que les dernières semaines ont montré «que 120 à 130 cas pour 100.000 pourraient être gérés.» Les hôpitaux partout dans le monde n'ont pas été surchargés, a-t-il affirmé, et l'impact économique de tels confinements est «sans aucun doute significatif.»

Stöhr n'a pas été choisi au hasard. Il a passé des années à travailler pour Novartis, le géant pharmaceutique suisse qui profite de la santé des gens à coups de milliards. En 2019, Novartis a enregistré un revenu net de 11,7 milliards de dollars pour un chiffre d'affaires de 47,4 milliards de dollars. Pas plus tard qu'à la mi-octobre, Stöhr avait défendu la stratégie meurtrière de l'immunité collective dans l'hebdomadaire Die Zeit, recommandant la Suède comme modèle, bien que les conséquences désastreuses de la politique suédoise étaient déjà connues à l'époque. Avec une incidence de 400 sur sept jours, le pays se classe aujourd'hui parmi les pays européens les plus touchés.

Le 22 décembre, Stöhr a qualifié le développement de la pandémie d'«événement naturel» qui était «imparable». Il a recommandé que le nombre de reproduction, c'est-à-dire le taux d'infection, ne soit pas supérieur à 1, «mais aussi pas beaucoup plus bas.» Il a déclaré qu'il était «déraisonnable de fermer des écoles et des garderies quand on sait que l'impact principal se fait sentir sur les personnes âgées.» Il a critiqué les mesures prises pendant l'été, arguant que si elles n'avaient pas été introduites, il y aurait maintenant beaucoup plus de jeunes qui ne seraient plus contagieux.

Cette politique meurtrière d'immunité collective, qui accepte de sang-froid la mort de dizaines de milliers de personnes, est la politique de toute la classe dirigeante. Elle est soutenue par tous les partis représentés au Bundestag [Parlement fédéral] et mise en pratique dans les États par des coalitions politiques de toutes tendances. Le Parti de gauche, les Verts et le SPD ne sont pas moins impitoyables que le Parti libéral-démocrate, le CDU et la CSU (Union chrétienne-sociale).

Comme dans le cas de la politique des réfugiés, c'est l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) d'extrême droite qui fait office de pionnier. Les manifestations contre les restrictions en matière de coronavirus soutenues par l'AfD servent de prétexte à tous les autres partis pour se déplacer de plus en plus à droite.

La résistance à la politique d'ouverture des écoles et des garderies s'accroît parmi les parents, les enseignants et les étudiants, mais pour la combattre avec succès, ils ont besoin d'une perspective indépendante.

La tâche essentielle consiste à mettre en place un réseau cohérent de comités d'action indépendants pour garantir la sécurité et la santé. Ces comités d'action doivent se battre pour unir tous les travailleurs – enseignants, chauffeurs de bus scolaires, concierges, ainsi que les travailleurs des secteurs de la fabrication, des soins de santé, de la logistique, de la vente au détail et de la transformation des aliments – dans une grève générale à l'échelle nationale afin de mettre fin aux activités régulières des écoles et à la production dans les entreprises non essentielles.

Rejoignez les comités d'action pour une éducation sûre et adhérez au Parti de l’égalité socialiste, qui se bat pour un programme socialiste et l'unité internationale de la classe ouvrière.

(Article paru en anglais le 9 janvier 2021)

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