Le NPA nie le coup d'État fasciste de Trump à Washington

La prise d’assaut du Capitole à Washington par une bande fasciste incitée par le président milliardaire Donald Trump a choqué des millions de personnes autour du monde. En France, les journaux télévisés reconnaissent que cet événement était sans précédent dans l'histoire.

Le Parti de l'égalité socialiste (États-Unis) a demandé une enquête publique et en direct sur cette tentative de coup d'État fasciste. La tâche est d'alerter et de mobiliser politiquement la classe ouvrière internationale. En revanche, les partis petit-bourgeois de pseudo gauche, comme le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) en France, tentent d'endormir la classe ouvrière en niant que Trump a tenté un coup d'État et en promouvant le Parti démocrate du président élu Biden.

Le site Révolution permanente du NPA a publié un article intitulé «La prise du Capitole et la décadence de l’impérialisme américain» rédigé par son allié américain, Left Voice. Il a dénoncé et traité de «bourgeois» ceux qui pointent le coup d’État organisé par Trump:

«L’assaut sur le Capitole n’est pas une insurrection ou un coup d’État comme l’insinue la presse bourgeoise, mais il montre une extrême droite qui, loin d’accepter la défaite après le 3 novembre, s’est enhardie pendant la transition. C’est la même extrême droite qui s’est mobilisée contre les manifestations de Black Lives Matter cet été, contre les restrictions de Covid-19 et pour le recomptage des votes dans les États clés pendant les élections.»

L'hebdomadaire du NPA, L’Anticapitaliste, a rassuré ses lecteurs: «Une extrême droite se construit lentement. L’extrême droite est toujours marginale aux États-Unis.» Il a prétendu ne pas savoir qui avait organisé et dirigé l’émeute fasciste de Trump: «Les émeutierEs ont été éxpulséEs avant que les contre-manifestations puissent être organisées. Alors que beaucoup d’entre eux et elles étaient membres des groupuscules d’extrême droite comme les Proud Boys, aucun groupe ne semblait diriger les opérations. Les médias ont qualifié les émeutierEs d’‘insurrectionistes’.»

Des vidéos montrent la police du Capitole ouvrant les barrières et faisant signe aux voyous fascistes de prendre le bâtiment, mais la NPA endort ses lecteurs: la menace fasciste est minime. Il affirme sans ambages que Wall Street, le Pentagone et la police œuvrent pour la démocratie:

«le système républicain reste en place même s’il subit une pression forte. Aucun secteur du capital ou de l’appareil d’État n’a soutenu Trump dans ces tentatives de balayer le système électorale et juridique. Plus d’une centaine des PDGs ont signé un document contre la mise en cause des résultats du 3 novembre et les militaires ont fermement rejeté la possibilité d’intervenir. Trump a fait face au fait que le contrôle du gouvernement ne donne pas contrôle absolu sur les leviers de l’État.»

Le NPA fonde cette tentative de nier le virage de la bourgeoisie américaine vers un régime fasciste sur des mensonges. C’est Trump qui a organisé et dirigé le coup d’État, et incité personnellement la horde avant qu’elle ne prenne le Capitole. Il poursuit cette stratégie depuis qu'il a tenté un coup d’État lors des manifestations internationales contre le meurtre de George Floyd par la police à Minneapolis en juin, quand il a salué les milices d'extrême droite et tenté de déployer illégalement l'armée américaine à l’intérieur des USA contre les manifestants.

Trump a reçu le soutien de centaines de législateurs républicains lorsqu'il a dénoncé faussement les bulletins de vote par correspondance comme étant frauduleux afin de délégitimer l'élection. Ses personnels ont travaillé en étroite collaboration avec des groupes d'extrême droite comme les Proud Boys pour intimider et menacer les responsables électoraux. La police a arrêté des militants d'extrême droite qui comptaient prendre d'assaut le Capitole de l'État du Michigan, à Lansing, et enlever et assassiner le gouverneur du Michigan, Gretchen Whitmer.

Tout en continuant à nier le résultat des élections, Trump a annoncé qu'il mobiliserait ses partisans devant le Capitole le 6 janvier, quand le Congrès se réunirait pour certifier le résultat des élections. On a trouvé sur les émeutiers néonazis du Capitole des liens en plastique pour attacher des otages qu'ils auraient pu prendre parmi les législateurs. Fait significatif, le Pentagone a d'abord refusé les appels désespérés des députés et des sénateurs à déployer la Garde nationale pour reprendre le Capitole aux bandes de Trump.

L'idée du NPA que Trump n'aurait aucun soutien dans la classe capitaliste ou dans l’État américains pour une politique fasciste est non seulement ridicule, mais aussi criminellement complaisante.

Trump n'a pu conserver son poste, malgré ses multiples violations de la Constitution américaine, que parce que des forces puissantes à Wall Street et dans l'armée et le renseignement américains débattent de l'opportunité d'instaurer une dictature fasciste. Toute la classe dirigeante soutient sa politique meurtrière d’ «immunité collective» face au coronavirus. En conséquence, la bourse de Wall Street a connu une hausse confortable le 6 janvier, alors même qu'une horde fasciste s'emparait du Capitole.

Par sa fausse ligne complaisante sur la tentative de coup d’État de Trump, le NPA tente de couvrir sa politique réactionnaire en se présentant comme une organisation «anticapitaliste» et en critiquant à la fois Trump et des démocrates. Révolution permanente poursuit:

«La gauche doit tirer rapidement des conclusions … avec un programme qui vise à défier le capitalisme dans son ensemble. La subordination au Parti démocrate est un cancer qui affecte une grande partie de la gauche nord-américaine: il y a un espace pour la construction d’une organisation de la classe ouvrière et des opprimés complètement indépendante du Parti démocrate.»

Les manœuvres de Biden pour couvrir le coup d'État et défendre le Parti républicain révèlent la faillite des démocrates et de groupes petit-bourgeois, comme les Socialistes démocrates d'Amérique (DSA), qui cherchent à subordonner les travailleurs aux démocrates et à minimiser le coup d'État. Biden a réagi le 6 en implorant Trump de passer à la télévision pour annuler le coup d'État qu’il était en train de lancer. Biden a également salué les co-conspirateurs de Trump, dont le sénateur Mitch McConnell, et affirmé que l'Amérique aurait besoin d’un Parti républicain «fort».

Cela démasque également les partis petits-bourgeois comme le NPA, qui émettent quelques critiques à l'égard des démocrates tout en s’alliant à eux. En effet, dans son article, Révolution Permanente applaudit une faction "progressiste" du Parti démocrate qui serait prête à aller à gauche:

«le Parti démocrate est confronté à sa propre crise interne entre l’aile de l’establishment, dirigée par Nancy Pelosi et Chuck Schumer, et l’aile progressiste, incarnée par le Squad (les législateurs considérés comme plus à gauche, dirigés par Alexandria Ocasio-Cortez, Ilhan Omar, Ayanna Pressley et Rashida Tlaib) et Bernie Sanders - qui sont l’expression politique du mécontentement croissant à l’égard de la direction du Parti démocrate. Cette insurgence a réussi à contenir un mouvement de gauche croissant aux États-Unis et à revitaliser le Parti démocrate. Mais comme les démocrates seront probablement contraints de mettre en œuvre des mesures d’austérité à l’avenir, ces tensions risquent d’atteindre un point d’ébullition.»

Le NPA applaudit des forces qui participent à la dissimulation du coup d’État fasciste par Biden comme Sanders et Ocasio-Cortez parce que – malgré ses appels frauduleux à «l'indépendance» vis-à-vis des démocrates – il travaille avec elles. Le porte-parole du NPA, Olivier Besancenot, publie fréquemment des articles dans le magazine américain lié à cette aile du Parti démocrate, Jacobin.

Le NPA est complice de la campagne officielle pour dissimuler l'importance du coup d'État du 6 janvier. En fait, toutes les ailes du Parti démocrate – celle de Biden comme celle que le NPA traite de «progressiste» – ont réagi au coup d'État en le minimisant. L’aile «progressiste» appelait à une politique tout aussi complaisante et idiote que les appels impuissants de Biden à Trump.

Le rédacteur en chef de Jacobin, Bhaskar Sunkara, a lui aussi nié que Trump ait tenté un coup d'État et en a minimisé l'importance. Il a tweeté: «Quel est l'avantage de dire ‘c'est un coup d'État’? Je ne vois pas l'avantage de trouver les étiquettes les plus extrêmes pour les mauvaises choses.»

L'«avantage» de dire «c'est un coup d'État» est que c'est vrai, et que cela alerte la classe ouvrière américaine et internationale au danger réel du fascisme. Ce n’est pas une «étiquette extrême», mais une caractérisation politique qui indique la tâche essentielle dans cette situation: mobiliser la classe ouvrière internationale dans une lutte irréconciliable contre la préparation par l'aristocratie financière d’un régime autoritaire.

Le coup d'État à Washington est un avertissement urgent pour la classe ouvrière internationale et en particulier européenne. Les 30 années écoulées depuis que le régime stalinien a dissous l'Union soviétique en 1991 ont vu une accélération de la légitimation du fascisme par les classes dirigeantes. Aujourd'hui, alors que la colère ouvrière monte contre des décennies d'austérité et à présent contre la politique meurtrière d'«immunité collective» face à la pandémie, on sait que les milieux dirigeants projettent des coups d'État et des assassinats fascistes dans toute l'Europe.

En Allemagne, les réseaux néonazis ont dressé des listes de politiciens à faire exécuter par des escadrons de la mort. Il y a déjà eu en 2019 le meurtre de l'homme politique conservateur Walter Lübcke. En France, après que Macron ait salué le dictateur fasciste Philippe Pétain comme un «grand soldat» au début du mouvement des «gilets jaunes», le général Pierre de Villiers agite à présent lui aussi pour un régime militaire dans la presse néofasciste.

Le cas le plus flagrant est peut-être celui de l'Espagne, où les manifestations contre la politique d’«immunité collective» ont amené les officiers de l’armée à appeler à un coup d'État. Saluant le putsch fasciste de 1936 du général Francisco Franco qui a déclenché la guerre civile espagnole, des groupes d'officiers ont commencé à écrire des lettres au roi pour lui demander de les soutenir contre le gouvernement élu. Sur WhatsApp, ils saluent le coup franquiste et appellent au meurtre de «26 millions de personnes», le nombre d'électeurs de gauche, selon eux, en Espagne.

On ne peut s'opposer au fascisme sans lutter pour une mobilisation internationale de la classe ouvrière, politiquement indépendante des partis bourgeois et dans une perspective socialiste.

Cela nécessite une rupture consciente avec les partis petit-bourgeois de pseudo-gauche comme le NPA. Pendant des décennies, ils ont cherché à bloquer un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière, et appelé à lier la classe ouvrière à des alliances avec des partis impérialistes ou staliniens qui leur offraient une influence et un pouvoir politiques. Lorsque l'ex-dirigeant étudiant de Mai 68, Alain Krivine, et sa Ligue communiste révolutionnaire (LCR) ont fondé le NPA en 2009, Krivine a proposé une plate-forme politique qui déclarait:

«Le NPA ne revendique pas de filiation spécifique avec le Trotskysme, mais une continuité avec celles et ceux qui ont affronté jusqu'au bout le système depuis deux siècles. Le NPA est un parti pluraliste et démocratique. Le processus constituant a commencé "par en bas", puis il y a eu un réel élargissement politique avec la participation de camarades venant de diverses composantes du mouvement social, de la gauche antilibérale, de l'écologie politique, de camarades issus du PS, du PCF, du mouvement libertaire, de la gauche révolutionnaire. Sans s'affadir, le NPA a tout à gagner en s'ouvrant plus encore.»

Le WSWS a écrit à l'époque que la LCR fondait le NPA afin de briser tout vestige d’association avec le trotskysme, qu'elle considérait comme un obstacle au virage vers la droite que la LCR préparait avec le PS et les appareils syndicaux.

Les événements ont donné raison à cette appréciation. Face aux soulèvements révolutionnaires de la classe ouvrière en Égypte et en Tunisie en 2011, le NPA a salué les guerres de l'OTAN en Libye et en Syrie – menées par l'administration démocrate d’Obama, et avec Al-Qaïda – comme des «révolutions démocratiques». Il a aussi soutenu le coup d'État fasciste de 2014 à Kiev, soutenu par l'OTAN, qui a évincé un président pro-russe et plongé l’Ukraine en une guerre civile.

En 2014, sur la même perspective qui avait guidé sa propre fondation, le NPA a participé à la fondation de Podemos, un parti «populiste de gauche» en Espagne, créé par un groupe de professeurs staliniens autour de Pablo Iglesias et des Anticapitalistas espagnols. Le NPA a salué l'élection de l'allié grec de Podemos, SYRIZA («La Coalition de la gauche radicale») en 2015. Quant à Podemos, il est finalement arrivé au pouvoir en 2019 dans un gouvernement de coalition avec le Parti socialiste espagnol (PSOE), social-démocrate et patronal.

L'arrivée de ces partis de pseudo-gauche au pouvoir dans l'État capitaliste s'est soldée par un désastre pour la classe ouvrière. Syriza a formé un gouvernement de coalition avec le parti d'extrême-droite des Grecs indépendants (ANEL) et a trahi ses promesses électorales de mettre fin à l'austérité. Il a imposé des milliards d’euros en politiques d’austérité et a construit des camps de concentration pour les réfugiés du Moyen-Orient dans les îles grecques.

Lors des présidentielles françaises de 2017, le Parti de l'égalité socialiste (France) a lutté pour mettre en garde la classe ouvrière contre la politique d'extrême droite de Macron. Lors du second tour entre Macron et la candidate néo-fasciste Marine Le Pen, il a appelé à un boycott actif pour mobiliser la classe ouvrière contre les deux candidats, Macron n'offrant pas une alternative au régime autoritaire que Le Pen chercherait à établir. Les salutations de Macron à Pétain et sa répression des luttes contre l'austérité et la violence policière ont confirmé cette appréciation.

Le NPA quant à lui a refusé de prendre position publiquement sur l'élection, s'inclinant de fait face aux appels prédominants dans les médias pro-PS en faveur d'un vote Macron.

Quant à Podemos, qui est à présent au pouvoir, il poursuit les mêmes politiques d'austérité, de guerre et d' «immunité collective» que d'autres gouvernements en Europe, et minimise le danger d'un coup d'État fasciste contre son propre gouvernement. En Espagne, les putschistes ont le soutien de Santiago Abascal, le chef du parti fasciste Vox, qui s'est rendu l'année dernière à Washington pour voir Trump. La tentative de coup d'État du 6 janvier et la réaction minable du Parti démocrate a sans aucun doute enhardi ces forces.

Pourtant, le vice-premier ministre et secrétaire général de Podemos Pablo Iglesias a minimisé les appels de centaines de hauts gradés espagnols en faveur d'un coup d'État, dont le nom de code est «Opération Albatros». Il a insisté sur le fait que la classe ouvrière n'avait pas besoin de prendre des mesures pour se protéger d’un coup d’État: «Ce que ces messieurs disent, à leur âge et déjà à la retraite, dans une conversation avec quelques verres de trop, ne constitue pas une menace.»

En fait, la menace est énorme. Podemos s'oppose à la mobilisation de la classe ouvrière non pas parce que la menace est exagérée, mais parce qu'un mouvement politique de la classe ouvrière se dirigerait contre ses propres politiques d'austérité, de guerre et d’«immunité collective».

La tentative de coup d'État du 6 janvier à Washington est un avertissement irréfutable: de larges pans de l'aristocratie financière veulent établir un régime fasciste. Une opposition profonde, historiquement enracinée existe dans la classe ouvrière à cette politique, ainsi qu’une volonté de lutte croissante. Mais pour avertir et mobiliser les travailleurs et les jeunes, il faut s'opposer à la pseudo-gauche qui s'efforce de les démobiliser. Sa tentative de minimiser le danger posé par des coups d'État fascistes est complaisante et fausse, mais aussi politiquement criminelle.

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