Les questions se multiplient sur une police qui s’est retirée lors de la tentative de coup d’État du 6 janvier

Au lendemain du jour où le président Donald Trump a monté une insurrection fasciste au Capitole pour tenter de renverser la Constitution et s’installer comme dictateur d’autres détails apparaissent sur les conspirateurs au sein de la police, de l’armée et de l’extrême droite qui ont pris part à l’insurrection.

Malgré les avertissement pendant des semaines que des milliers de personnes allaient descendre sur Washington et le Congrès sur ordre de Trump, la police du Capitole a fait peu d’efforts pour empêcher leur entrée. On a déjà diffusé une vidéo qui montre la police ouvrant les portes aux manifestants. Une autre montre à présent un policier en train de se prendre en photo avec des émeutiers. Dans la vidéo la plus incriminante à ce jour, on voit un policier qui exhorte les émeutiers à pénétrer dans le bâtiment du Capitole.

Dans une interview sur CNN, un manifestant a qualifié la police de «très cool» et polie, disant aux émeutiers de «passer une bonne nuit» après avoir pris d’assaut le Capitole. «Vous pouvez voir que certains d’entre eux sont de notre côté», a-t-il dit.

La police du Capitole à la Cour suprême (Lorie Shaull/Wikimedia Commons)

Politico a rapporté qu’un policier actuel de Metro D.C. a affirmé, dans un message public sur Facebook, que des policiers et des militaires qui n’étaient pas en service faisaient partie des émeutiers et utilisaient leurs badges et cartes d’identité pour aider à compromettre la sécurité. «Si ces personnes peuvent prendre d’assaut le bâtiment du Capitole sans aucune punition, vous devez vous demander à quel point elles abusent de leurs pouvoirs lorsqu’elles mettent leurs uniformes», a écrit le policier.

Dans une interview avec le New York Magazine, Darinna Thompson, 49 ans, une supporter de Trump en Pennsylvanie, a fait remarquer l’attitude sympathique de la police envers les insurgés fascistes à l’intérieur du Capitole. «… Vous devriez y aller, c’est magnifique. Je les ai remerciés pour leur hospitalité; la plupart d’entre eux sont de notre côté à la police du Capitole» a-t-elle dit à son intervieweur.

Un journaliste du New York Times qui se trouvait au Capitole au moment de l’irruption a interrogé un policier sur les raisons pour lesquelles ils n’essayaient pas d’expulser les manifestants. Le flic a répondu: «Nous devons juste les laisser faire leur truc maintenant».

La police du Capitole est sous le contrôle du Congrès. Après les événements du 11 septembre 2001, la taille des forces de police avait plus que doublé, passant de 800 à environ 2.000 agents, soit environ quatre flics pour chaque membre du Congrès. Le budget annuel du département est d’environ 460 millions de dollars; pourtant, le mois dernier, le Congrès a alloué 51 millions de dollars supplémentaires au département, ce qui porte son budget à plus d’un demi-milliard de dollars.

Jeudi matin, la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, a appelé le chef de la police du Capitole Steven Sund à démissionner. Cette décision fait suite à la démission mercredi soir du sergent d’armes Paul Irving. L’actuel leader de la majorité au Sénat, Mitch McConnell, a également demandé la démission du sergent d’armes Michael Stenger, qu’il a donnée jeudi.

Jeudi soir, un syndicat de policiers du Capitole a publié une déclaration qui demandait également la démission de Sund, ce que Sund a accepté de faire, après avoir initialement refusé, à compter du 16 janvier.

Dans ses remarques de jeudi, Pelosi a déclaré qu’«il y a eu un échec de la direction à la tête de la police du Capitole. Et je pense que M. Sund ne nous a même pas appelés… je lui ai donc fait savoir que je lui dirais que nous demandons sa démission maintenant».

Au lendemain du coup d’État, la police a découvert deux bombes artisanales ainsi que des matériaux pour la fabrication de «plusieurs» cocktails Molotov.

Une extraordinaire conférence de presse s’est tenue jeudi matin à laquelle ont participé la maire de Washington Muriel Bowser, le chef de la police métropolitaine Robert Contee et le secrétaire de l’armée Ryan McCarthy. Ce dernier a déclaré qu’ils n’avaient pas «anticipé» que la foule serait aussi nombreuse. Il a affirmé qu’«aucun renseignement» ne laissait supposer qu’un envahissement du Capitole était possible.

Ceci est absurde. Non seulement on a vu organiser des tentatives similaires d’attaque des assemblées législatives des États dans la période qui a précédé et celle qui a suivi les élections, notamment le complot d’assassinat déjoué de la gouverneure du Michigan Gretchen Whitmer, mais les insurgés avaient planifié leur attaque au vu et au su de tout le monde durant des semaines.

Dans un article de ProPublica, les dirigeants du mouvement «Stop the Steal» (une organisation d’extrême droite) ont conseillé aux visiteurs du site WildProtest.com (qui a depuis été mis hors ligne) le 23 décembre, «nous avons eu l’idée d’occuper, juste à l’extérieur du CAPITOLE le 6 janvier». Des photos prises le jour du rassemblement montrent des supporters de Trump, portant talkies-walkies et chemises portant l’inscription «MAGA Civil War», avec la date du 6 janvier 2021.

Les partisans de Trump furent rejoints pour forcer le Capitole par un assortiment de fascistes en vue, de suprémacistes blancs et de racaille nazie. Tim Gionet, également connu sous le nom de «Baked Alaska», s’est introduit dans un bureau du Sénat en criant «America First». D’après Business Insider, Gionet a tenté d’appeler Trump depuis le Capitole.

Le néonazi Matthew W. Heimbach, le «directeur des relations extérieures» du Mouvement national-socialiste s’est également fait photographier au Capitole. Pendant ce temps, des membres d’un groupe néonazi basé en Nouvelle-Angleterre, connu sous le nom de «NSC 131», ont également été vus à l’extérieur du Capitole. Au moment d’écrire ces lignes, aucun d’entre eux n’a été arrêté ou inculpé.

Pete Harding, ancien membre des «Watchmen of New York», une milice d’extrême droite, a également organisé un flux en ligne depuis le Capitole, où il a menacé des «communistes terroristes gauchistes». Harding a également déclaré avoir vu Alex Jones d’InfoWars marcher vers le Capitole.

Dans une interview accordée au Los Angeles Times, Stewart Rhodes, invité régulier de Jones et chef de la milice d’extrême droite «Oath Keepers», a déclaré que lui et des membres de son groupe se trouvaient sur le terrain du Capitole, mais n’étaient jamais entrés dans le bâtiment. «Nous étions dans les rues et nous parlions aux flics, leur disant qu’ils devraient se retirer et refuser de suivre les ordres des législateurs illégitimes», a déclaré Rhodes au Times.

Entre-temps, il a été confirmé qu’au moins six législateurs républicains ont marché sur le Capitole.

Le New York Times a rapporté que le délégué de Virginie occidentale Derrick Evans a posté une vidéo de lui où il entrait dans le bâtiment avant de le supprimer plus tard. La législatrice du Tennessee, Terry Lynn Weaver, a déclaré au Tennessee qu’elle était «en plein dedans» et a ensuite tweeté une photo depuis la base du Capitole.

La sénatrice Amanda Chase a demandé le mois dernier à Trump de déclarer la loi martiale afin de rester au pouvoir. Elle a nié dans un post sur Facebook que des «émeutiers» aient pris d’assaut le Capitole. Elle a affirmé qu’il s’agissait de «patriotes qui aiment leur pays et ne veulent pas voir notre grande république se transformer en pays socialiste. J’étais là avec le peuple; je sais. Ne croyez pas le faux récit des médias».

The Hill a rapporté que le représentant du Michigan Matt Maddock et le sénateur de Pennsylvanie Doug Mastriano ont également participé à la marche sur le Capitole. Le représentant de l’État du Missouri Justin Hill a sauté sa cérémonie d’assermentation pour se rendre à Washington. Il a marché parmi les fascistes et les néonazis, mais ne serait pas entré, selon les commentaires qu’il a faits au Saint Louis Post-Dispatch.

Dans ses remarques d’ouverture à la conférence de presse, la maire Muriel Bowser a souligné qu’une «enquête» était nécessaire. Elle a dit qu’on devait déterminer «pourquoi la réponse des forces de l’ordre fédérales a été beaucoup plus forte lors des manifestations de l’été que lors de l’attaque d’hier contre le Congrès». Bowser a appelé la Joint Terrorism Task Force à «enquêter, arrêter et poursuivre tout individu qui est entré au Capitole, a détruit des biens ou a incité aux actes de terrorisme intérieur observés hier».

Bowser n’a pas pu répondre à la question de savoir pourquoi, semble-t-il, la police avait laissé entrer des gens et ensuite avaient fait des selfies avec eux, remarquant, «nous n’avons pas seulement besoin de gens, nous avons besoin de gens efficaces».

Des millions de personnes ont remarqué que la réponse de la police aux insurgés pro-Trump contrastait fortement avec le traitement que les victimes de la violence policière et leurs familles ont subi tout au long des manifestations de l’été et de l’automne. Alors que des milliers de manifestants multiraciaux et pacifiques anti-violence policière à Washington, le 1er juin, étaient accueillis eux, par des hélicoptères militaires, la Garde nationale, des policiers à cheval et de grandes quantités de gaz lacrymogènes, d’armes aveuglantes et assourdissantes, de munitions moins mortelles, les quelques centaines de policiers stationnés devant le Capitole mercredi pour accueillir la foule fasciste ne semblaient armés que de matraques et de douces paroles.

L’attaque du Capitole, un des bâtiments les plus sûrs de la planète, est le résultat de la coordination entre les insurgés fascistes, la Maison-Blanche et les forces de police, qui leur ont permis de passer, pratiquement sans être gênés, à l’exception de la mort d’un ancienne membre de l’armée de l’air, Ashli Babbitt.

Babbitt – qui se transforme rapidement en martyre parmi l’extrême droite – fut abattu par un membre de la police du Capitole. Elle tentait de passer par une fenêtre brisée pour s’enfoncer plus profondément dans le Capitole. Sur son compte Twitter, Babbitt a exprimé un soutien fervent à Trump. Elle a retweeté plusieurs de ses affirmations concernant la fraude électorale ainsi que des tweets du cercle restreint des conspirateurs de Trump, à savoir les avocats L. Lin Wood, Sidney Powell et le général à la retraite Michael Flynn.

On a signalé trois autres décès parmi les manifestants comme des «urgences médicales». Le chef Contee les a identifiés comme étant Kevin Greeson, 55 ans, d’Alabama; Benjamin Phillips, 50 ans, de Pennsylvanie; et Rosanne Boyland, 34 ans, résidente de Géorgie. Un officier de la police du Capitole est sous assistance respiratoire après avoir été frappé à la tête avec un extincteur.

Malgré le fait que l’insurrection soit télévisée et diffusée en direct dans le monde entier, jeudi matin, la police de Washington a annoncé qu’elle n’avait procédé qu’à 68 arrestations, dont une majorité pour violation du couvre-feu et entrée illégale dans des endroits privés. Un grand nombre des personnes arrêtées a déjà été libéré.

(Article paru d’abord en anglais le 8 janvier 2021)

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