Qui a exposé le Canada à une deuxième vague de Covid-19 encore plus meurtrière?

Le coronavirus continue de sévir au Canada avec une hausse exponentielle des cas et des systèmes de santé qui approchent du point de rupture. Alors que les experts en santé avertissaient déjà au printemps dernier d’une deuxième vague de Covid-19 plus forte et meurtrière que la première, comment est-ce possible que ce scénario catastrophique se soit matérialisé?

La réponse se trouve dans la politique de classe des autorités canadiennes, soit d’éviter toute mesure efficace de lutte contre la pandémie (notamment un vrai confinement) qui est jugée nuisible à l’accumulation des profits.

Depuis le début de la deuxième vague en septembre avec la réouverture des écoles, les records se succèdent au pays tant au niveau des infections qu’au niveau des hospitalisations. Si l’on compare les chiffres actuels à ceux de la première vague, dont on peut situer la fin au début de l’été, la situation est plus qu’alarmante.

Selon les données fournies par le gouvernement canadien, on dénombrait suite à la première vague plus de 8.800 décès au pays (dont plus de 5.600 dans la seule province de Québec) et près de 109.000 cas d’infections. En date du 19 janvier, c’est plus de 18.200 personnes qui ont perdu la vie au Canada, alors que le nombre d’infections dépasse les 719.000.

Le nombre de morts dans la deuxième vague a ainsi dépassé le total de la première vague – par un facteur de 3 si on ne tient pas compte du Québec, touché de manière disproportionnée lors de la première vague. Et on dénombre en moyenne 6 fois plus de cas à l’échelle du pays.

Selon les prévisions les plus optimistes de l’Agence de santé publique du Canada, le nombre de cas d’infection quotidiens pourrait atteindre le seuil des 10.000 en février si on conserve les mesures en place, et celui des 30.000 si la situation se détériore davantage.

Cette montée en flèche du nombre de cas et de morts est clairement démontrée par les graphiques de gouvernement fédéral (et le pic n’est toujours pas atteint).

Les systèmes de santé du pays sont maintenant saturés à bien des endroits. Au Québec et en Ontario, les deux provinces les plus touchées par la Covid, il n’y a plus aucune marge de manœuvre. Il y a un manque criant de lits et d’équipements, et les places en soins intensifs commencent à manquer.

Dans plusieurs grands centres, comme dans la grande région métropolitaine de Montréal ou la région de Windsor, le transfert de patients vers les périphéries est déjà amorcé et dans plusieurs hôpitaux, les taux d’occupation sont supérieurs à 100%. En plus du manque de lits et d’équipements, il y a un manque criant de personnel, qui est particulièrement touché par la pandémie, ce qui empêche certains établissements d’atteindre même leur capacité normale.

La situation catastrophique actuelle n’est pas la conséquence du caractère inattendu de la pandémie, mais de sa gestion désastreuse par les autorités en place.

Celles-ci ont refusé de canaliser de vastes ressources vers le système de santé, déjà ravagé par des décennies de coupes budgétaires, afin de permettre le dépistage de masse, le traçage des contacts et une vaste expansion de l’infrastructure médicale pour combattre la pandémie.

Dès le début de la première vague du printemps dernier, le gouvernement fédéral et la banque du Canada ont plutôt redirigé 650 milliards de dollars vers l’élite financière en plans de sauvetage. La classe dirigeante s’est alors tournée vers la réouverture de l’économie pour faire payer aux travailleurs – par une exploitation accrue sur les lieux de travail – les sommes qu’elle venait ainsi de s’allouer.

Avec un mépris criminel pour la vie humaine, dès la fin avril, les premiers ministres des provinces et le premier ministre fédéral Justin Trudeau ont entrepris la réouverture des commerces, des usines et des écoles, alors même que le virus continuait de circuler librement. Ce mouvement a été mené par le premier ministre du Québec, François Legault qui a, dès le mois de mai, rouvert toutes les industries et la plupart des écoles de la province (sauf à Montréal).

Les autorités ont publiquement annoncé à la fin de la première vague qu’il n’y aurait pas de confinement lors d’une deuxième vague, mais des restrictions minimales et inefficaces, comme la fermeture partielle de restaurants au Québec. Ce choix d’éviter un confinement à tout prix a été mis en évidence par la volonté des gouvernements à garder les écoles ouvertes pour forcer les parents à retourner au travail.

Le Canada mettait ainsi en pratique la politique de «l’immunité collective» adoptée par les gouvernements américain et européens – et un temps admise ouvertement par Legault au Québec – qui consiste à laisser le virus se propager librement dans toute la population afin de garder l’économie «ouverte» et préserver le flot des profits.

Comble de l’hypocrisie, après avoir rejeté toute mesure sérieuse pour endiguer la pandémie, les autorités essaient d’en faire porter la responsabilité sur les gens ordinaires, blâmant les rassemblements privés pour la hausse continuelle des cas, alors que leurs propres documents démontrent que la contamination se produit en grande majorité sur les lieux de travail et dans les écoles.

Ce sont les travailleurs qui ont payé le plus cher depuis le début de la crise. En plus du nombre effarant de décès, la crise sociale et les inégalités au pays se sont accentuées avec la pandémie.

Le chômage est en hausse et au printemps, alors qu’on donnait des milliards à la grande entreprise, les travailleurs admissibles ont reçu une maigre PCU (prestation canadienne d’urgence) de 2000$ par mois. Alors que la droite présentait les prestataires de la PCU comme des profiteurs, le Financial Post révélait que les entreprises ayant reçu des millions en subvention salariale utilisaient ces sommes pour se donner des bonus et payer des dividendes aux actionnaires. Les vrais profiteurs de la crise sont les riches: rien que cette année, les 20 milliardaires les plus riches du pays ont augmenté leur fortune de 37 milliards de dollars.

Cette politique a été orchestrée avec le plein appui des syndicats procapitalistes, qui ont endossé et appliqué le retour précipité au travail et la dangereuse réouverture des écoles. Depuis des décennies, les syndicats servent de chien de garde de l’élite dirigeante en étouffant les luttes ouvrières et en imposant l’assaut patronal sur les emplois, les salaires et les services publics. La crise du coronavirus a été pour eux l’occasion de collaborer encore plus étroitement avec la grande entreprise et ses représentants politiques au mépris de la santé, et de la vie même, des membres de la base.

Ce virage à droite a également été observé chez les partis de la pseudo-gauche au pays, comme c’est le cas de Québec solidaire qui a dû faire face à des critiques de ses propres membres pour avoir été trop complaisant avec Legault et pour avoir collaboré avec sa Coalition Avenir Québec dans la gestion désastreuse de la pandémie.

Pour empêcher que la situation se détériore davantage, des mesures concrètes d’urgence doivent être mises en place pour freiner le virus. Si l’arrivée de vaccins est prometteuse, un réel confinement doit être implanté jusqu’à ce que tout le monde soit vacciné pour éviter d’autres pertes massives de vies humaines.

Les écoles doivent être fermées et des millions doivent être investis en éducation pour l’enseignement en ligne. Il faut fermer les industries non essentielles et fournir tous les équipements de protection individuelle aux travailleurs qui doivent offrir les services essentiels.

Pour contrer l’impact économique d’un confinement, une compensation complète pour les travailleurs et les petites entreprises doit être offerte. En santé, des sommes importantes doivent être débloquées pour financer le dépistage massif, le traçage des contacts, une campagne accélérée de vaccination et de nouvelles installations médicales.

Les ressources pour financer de telles mesures existent en abondance, mais elles sont monopolisées par les milliardaires et les multimillionnaires. Leur emprise sur la société ne peut être brisée que par la mobilisation indépendante de la classe ouvrière.

Comme premier pas sur cette voie, les travailleurs doivent former des comités de sécurité de la base, indépendants des syndicats procapitalistes, autour des revendications présentées plus haut. Cela doit être associé à une lutte politique plus large des travailleurs autour d’une perspective socialiste, c’est-à-dire la réorganisation de la vie économique afin de satisfaire les besoins sociaux de tous, et non les profits d’une minorité.

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