Vendredi soir, après une semaine pendant laquelle la presse évoquait une probable prise de parole par Macron et l’annonce d’un confinement, Macron a envoyé le premier ministre Jean Castex annoncer à la télévision qu’il n’y aurait aucun confinement. Or, les responsables sanitaires sont formels: la diffusion de la variante britannique plus mortelle du coronavirus s’accélère, et seul un confinement pourrait stopper une énorme vague de morts.
Ainsi le gouvernement Macron, comme des gouvernements à travers l’Europe, fait le choix politiquement criminel de sacrifier des masses de vies afin d’accroître le patrimoine des grandes fortunes. Ce week-end, le nombre de morts de Covid-19 officiellement recensés en Europe a dépassé 700.000. La France a compté plus de 76.000 de ces morts, alors que plus de 100.000 personnes meurent toutes les trois semaines en Europe.
Avec une indifférence flagrante envers les pertes en vies humaines provoquées par sa politique, Castex a prononcé un discours informe d’un quart d’heure pour conclure: « Notre devoir est de tout mettre en œuvre pour éviter un nouveau confinement, et les prochains jours seront déterminants. » Castex a déclaré que la question d’un confinement «se pose légitimement », mais qu’il l’écartait vu « l’impact très lourd sur les Français sur tous les plans. »
Il a égrené des mesures supplémentaires qui laissent la stratégie sanitaire de l’État dans l’essentiel inchangée, organisée autour du couvre-feu: l’interdiction d’entrée en France en provenance et des sorties en direction de pays hors de l’Union européenne (UE); l’obligation de réaliser des tests PCR pour franchir les frontières; la fermeture des grandes surfaces non-alimentaires de plus de 20.000 m²; et un contrôle accru par les forces de l’ordre du respect du couvre-feu allant de 18h à 6h.
Avec environ 23.000 nouveaux cas et 500 nouveaux décès de Covid-19 par jour en France, même avant que la variante britannique ne se soit établie en tant que souche dominante, ces mesures ne vont pas empêcher une vaste augmentation de la contagion.
Même les déclarations officielles du gouvernement confirment que sa politique n’aura aucun impact significatif. « Le couvre-feu a un impact, mais il n’est pas suffisant face aux variants », avait déclaré le ministre de la Santé Olivier Véran lors d’une conférence de presse le 28 janvier, deux jours avant l’intervention de Castex. Il a avoué que la transmission dans les écoles et sur les lieux de travail, qui compte pour deux-tiers des clusters, joue un rôle énorme: « Il y a une contamination qui est difficile à éviter, la contamination familiale. Il y a des contaminations liées à la pratique professionnelle. »
Les médecins ont dénoncé la politique proposée par Castex. « Il est évident qu’elle ne va pas permettre de rétablir la situation sanitaire », a dit Djillali Annane, chef du service de réanimation de l'hôpital Poincaré de Garches. « Si on ne compte que sur cette mesure-là et la fermeture partielle des frontières pour recontrôler l'épidémie avec dans 10 jours, avec la période des vacances scolaires, c'est un pari très risqué et osé. »
De même, la professeure d’infectiologie Anne-Claude Crémieux a dit: « Le moment où l’augmentation va être très rapide s’approche. Le confinement reste donc très probable. » Relevant les quelques pays « ayant presque éliminé le virus » tels le Vietnam, Taïwan et la Chine, elle a ajouté que cela nécessite une décision « d’éliminer le virus au prix de sacrifices économiques ». Or, elle a laissé clairement entendre qu’en France et en Europe, le pouvoir politique avait fait le choix opposé, de laisser le virus se répandre.
Pour stopper le virus, a-t-elle ajouté, il faudrait stopper les attaques contre la santé, menées depuis des décennies dans le cadre de l’austérité européenne: « Il faudrait d’abord imposer un confinement strict et long, puis mettre en place une politique très efficace d’isolement et de recherche des sources de contamination. Mais il faudrait une armée de professionnels de santé publique sur le terrain, que nous n’avons plus, et il faudrait des mois et des moyens pour la reconstruire. »
Il est évident pour des nombres croissants de travailleurs et de jeunes que le gouvernement Macron et l’Union européenne, par leur hostilité à une lutte sérieuse contre le virus, n’ont aucune stratégie viable pour mettre fin à la pandémie. Alors que d’immenses retards sont constatés sur les livraisons de vaccins, dont l’efficacité contre les nouvelles souches est à présent inconnue, un confinement est plus que jamais essentiel. Mais une politique de défense des vies est incompatible avec le système capitaliste et les intérêts de classe de la petite aristocratie financière que défend Macron.
Ses arguments, selon lesquels il faut continuer l’activité économique non-essentielle au coût des vies et d’une contagion continuelle afin d’aider les petites entreprises, n’ont plus aucun sens. L’État n’a aucune perspective réelle pour rouvrir la plupart des commerces – cafés, restaurants, salles de sports, de concert, etc. – qu’il a fermés afin d’éviter de submerger les services de réanimation. Il impose la continuation du travail non-essentiel et de l’école en présentiel non pas pour aider l’économie, mais pour que les profits continuent à s’accumuler dans les banques et le CAC-40.
Même si l’on prenait le point de vue moralement et politiquement indéfendable que la seule variable importante est la richesse financière, une politique sanitaire stricte serait collectivement plus rentable que la politique d’immunité collective menée par Macron et l’UE. Le Produit intérieur brut (PIB) de la France (3,2 millions de cas, 76.000 morts) a chuté de 8,3 pour cent et celui de l’Allemagne (2,2 millions de cas, 58.000 morts) de 5 pour cent en 2020. Celui du Taïwan (911 cas, 8 morts) a augmenté de 2,5 pour cent, celui de la Chine (89.522 cas, 4.636 morts) de 2,3 pour cent.
Le but de Macron n’est pas de sauver l’économie, mais de continuer le transfert de richesses vers l’aristocratie financière organisée par les plans de relance de plus de 2.000 milliards d’euros organisés par l’UE et la Banque centrale européenne. La seule question importante, du point de vue du gouvernement, est l’impact que cela aura sur les profits des grandes entreprises et des banques.
Dans la décision de Macron de rester avec le couvre-feu, a écrit le Journal du dimanche, qui y a consacré son numéro d’hier, « Un dernier argument a pesé lourd: la facture économique, évaluée par les services de Bercy à 25 milliards d’euros pour un mois et demi de reconfinement. ‘Il faut qu’on trouve une autre option,’ a plaidé devant Macron le ministre de l’Économie Bruno Le Maire. »
Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a confirmé que les interventions de Le Maire venaient de l’organisation patronale: « Nous avons sans cesse échangé avec Bruno Le Maire et ses équipes. Nous sommes tous conscients qu’une solution simple face à l’évolution de la crise sanitaire n’existe pas. Mais les entrepreneurs s’indigneraient du retour d’une solution identique à celle de mars », c’est-à-dire d’un confinement qui arrêterait l’école en présentiel et la production non-essentielle afin de stopper la transmission du virus.
Le Medef a reçu le soutien dans ce sens des appareils syndicaux et des partis petit-bourgeois de pseudo-gauche, comme le Nouveau parti anticapitaliste, qui soutiennent les plans de relance et appellent à rouvrir les universités et l’économie dans son ensemble.
Or les 25 milliards d’euros qui seraient nécessaires pour financer le confinement représentent moins que les profits que le multimilliardaire Bernard Arnault a pu ajouter, suite à l’annonce des plans de relance par l’UE et la BCE, à son patrimoine. Sa fortune est passée de 73 milliards de dollars à plus de 100 milliards d’euros (121 milliards de dollars) l’année dernière grâce à ces plans de relance, financés aux dépens de la collectivité.
La seule façon de stopper la pandémie est d’exproprier les parasites milliardaires qui nourrissent leurs fortunes à travers les morts des travailleurs. Cela nécessite l’organisation des travailleurs et des jeunes sur les lieux de travail, dans les écoles, dans des comités de sécurité de base, indépendants des appareils syndicaux à la botte des États capitalistes, et la lutte pour créer un mouvement socialiste international pour transférer le pouvoir à la classe ouvrière.