Alors que les éducateurs continuent de résister, le syndicat et l’administration scolaire se rapprochent d’un accord visant la réouverture des écoles

Tard mercredi soir, le syndicat des enseignants de Chicago (Chicago Teachers Union – CTU) et le Chicago Public Schools (CPS) ont annoncé qu’ils avaient progressé dans leurs efforts conjoints pour reprendre l’apprentissage en personne dans le troisième plus grand district scolaire des États-Unis, au pire stade de la pandémie de COVID-19. Selon certaines informations, les délégués du CTU ont commencé à contacter les enseignants et ont pour objectif de proposer un accord aux enseignants d’ici le week-end.

Dans une déclaration menaçante publiée mercredi soir, le CPS a tweeté: «Nous allons prolonger la période de réflexion pour la dernière fois jusqu’à la fin de la journée de jeudi afin de permettre la poursuite des négociations ce soir» [c’est nous qui soulignons]. Étant donné que le vendredi est un jour où il est prévu que les enseignants ne viennent pas à l’école, cette menace indique que le district vise à imposer des lock-out, des amendes et d’autres mesures punitives contre les éducateurs le lundi s’ils rejettent un accord de principe au cours du week-end.

Une enseignante de Chicago qui affiche sur sa voiture: «Retour sécuritaire ou pas de retour» (Source: CTU Facebook)

Cela va considérablement aggraver la stratégie de «diviser pour mieux régner» du district qui consiste à mettre en lock-out les éducateurs qui ont refusé de revenir lorsque les écoles ont rouvert en janvier, ce à quoi la CTU n’a rien fait pour s’opposer. Un éducateur a déclaré au WSWS: «Mes collègues sont toujours en lock-out, et ils n’ont approuvé les fiches de présence de personne pour la période où nous avons travaillé à distance et ne disent rien sur le paiement». Au total, plus de 100 éducateurs restent bloqués sur leurs comptes Google de classe, ce qui les empêche d’enseigner à leurs élèves.

Parmi les éducateurs de la base à Chicago, une énorme opposition existe à la campagne de la classe dirigeante pour la réouverture des écoles et une large reconnaissance que cela est uniquement dans l’intérêt de l’élite financière. Les appels à une grève générale se multiplient à Chicago et dans l’ensemble des États-Unis pour fermer toutes les écoles et les lieux de travail non essentiels jusqu’à ce que la pandémie soit maîtrisée.

Seuls 14 pour cent des enseignants de Chicago se sont présentés dans leurs classes lundi. La grande majorité d’entre eux a défié l’ultimatum de la mairesse démocrate Lori Lightfoot et les menaces qu’elle a proférées d’«intervenir» contre les personnes qui feraient une «grève illégale». Les enseignants bénéficient également d’un énorme soutien de la part des parents, qui avaient organisé de manière indépendante un congé maladie pour mardi en cas de réouverture des écoles.

Le CTU capitule sur toutes les «demandes» pour lesquelles il prétend se battre, le changement le plus significatif étant son acceptation que les écoles peuvent rouvrir si le taux de positivité des tests de la ville est inférieur à cinq pour cent, ce qui devrait se produire dans la semaine à venir.

Les deux parties s’entendent pour dire que les écoles peuvent rouvrir si on vaccine 1500 enseignants chaque semaine, soit une infime partie des 23.000 éducateurs du syndicat CTU. Le CTU a toujours encouragé une réouverture progressive des écoles au fur et à mesure que les enseignants seront vaccinés. Cette politique totalement non scientifique mettrait en danger des masses d’étudiants, de parents et la communauté au sens large, car des études scientifiques ont prouvé que les écoles sont des vecteurs de la transmission de COVID-19 dans leurs communautés.

Un éducateur de Chicago qui a souhaité garder l’anonymat a déclaré au WSWS: «Ces concessions donnent la nausée». Un autre a fait remarquer que même la demande de vaccination n’est pas réaliste, déclarant: «La mairesse ment lorsqu’elle dit qu’un plan de vaccination solide existe. Je suis très stressé parce que je n’ai pas pu me faire vacciner. Partout où je regarde, ils disent qu’ils ne prennent pas de rendez-vous. Je suis dans le groupe 1B, donc je devrais pouvoir trouver un vaccin, et je ne peux pas. C’est accablant».

Les enseignants et les travailleurs scolaires de la base devraient rejeter avec mépris la misérable et mortelle trahison que le CTU complote avec le CPS derrière des portes closes! La réouverture des écoles n’est pas négociable et ne fera qu’entraîner une augmentation catastrophique des infections et des décès parmi les éducateurs, les étudiants et les parents dans toute la région métropolitaine.

Nous demandons instamment à tous les enseignants et travailleurs scolaires de Chicago de rejoindre et d’aider à bâtir le Comité de sécurité des éducateurs de Chicago, afin qu’il serve de centre d’opposition à tout accord mortel qui serait conclu, et d’élargir la lutte à l’ensemble de la classe ouvrière du pays.

Les progrès des négociations ont été divulgués lors d’une réunion de la Chambre des délégués du CTU à la 48e heure de la période d’«apaisement». Ils ont été annoncés tard dans la nuit de lundi afin d’éviter une grève qui pourrait échapper au contrôle du CTU et propulser les luttes parmi les éducateurs et les travailleurs à travers les États-Unis et au niveau international.

Le fait que le syndicat n’ait rien dit sur les négociations pendant deux jours souligne qu’il a conspiré avec les responsables de la ville et l’administration Biden pour rouvrir les écoles dans les jours à venir et indique qu’il se prépare à céder davantage sur son ensemble de revendications déjà dangereuses. Cela se produit alors que de nouveaux variants de COVID-19, plus infectieux et plus mortels, se répandent dans toute la population sans être détectés.

Les éducateurs de Chicago doivent exiger la publication immédiate de toutes les informations et transcriptions des plus de 70 sessions de négociation qui ont eu lieu depuis l’automne dernier. Cette demande doit être popularisée afin que toutes les futures négociations soient diffusées en direct et en public. Que cachent le CTU et le CPS, et quel accord mortel préparent-ils?

La campagne de réouverture des écoles est coordonnée directement avec le gouvernement Biden, que le CPS et le CTU soutiennent pleinement. Lundi, Lightfoot a déclaré au Chicago Tribune: «Nous parlons au gouvernement Biden». Lors de la grève des enseignants de Chicago en 2019, le président du CTU, Jesse Sharkey, une ancienne figure de proue de la défunte Organisation socialiste internationale (ISO) avait réalisé une vidéo promotionnelle pour la campagne Biden.

L’annonce de l’avancement des négociations est survenue quelques heures après que plusieurs responsables du gouvernement Biden aient publiquement encouragé la réouverture des écoles et affirmé que les écoles pouvaient être rouvertes en toute sécurité sans que les enseignants soient vaccinés.

Lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche mercredi après-midi, la directrice des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC), la Dre Rochelle Walensky, a déclaré aux journalistes: «de plus en plus de données indiquent que les écoles peuvent rouvrir en toute sécurité, et que la réouverture en toute sécurité ne suggère pas que les enseignants doivent être vaccinés». Elle a ajouté: «La vaccination des enseignants n’est pas une condition préalable à la réouverture des écoles en toute sécurité».

Jeff Zients, le chef du groupe de travail de Biden sur le coronavirus, a déclaré lors de la même conférence de presse que Biden a été «très clair» sur le fait qu’il veut que les écoles «rouvrent et restent ouvertes».

Mercredi également, le candidat de Biden au poste de secrétaire à l’Éducation, Miguel Cardona, «a passé haut la main son audition de confirmation au Sénat», selon Politico. Dans son témoignage d’ouverture, Cardona a souligné comme premier engagement: «Nous travaillerons à la réouverture des écoles en toute sécurité, afin que les élèves puissent retourner en classe».

Pour ses déclarations en faveur de la réouverture, qui comprenaient l’engagement de faire «tout ce qui est en notre pouvoir pour rouvrir les écoles en toute sécurité», Cardona a reçu le soutien des deux partis de tous les sénateurs présents. Les sénateurs républicains font maintenant pression pour un vote en plénière plus tard cette semaine sur un amendement au nouveau projet de loi d’aide qui lierait le financement fédéral des écoles à celles qui reprennent l’apprentissage en personne.

La campagne de réouverture des écoles à Chicago s’inscrit dans le cadre d’une campagne nationale et internationale. Cette politique meurtrière suscite une résistance de masse des éducateurs, des parents et des élèves sur tous les continents. Elle a le potentiel d’attirer de larges couches de la classe ouvrière dans une lutte plus large pour contenir la pandémie et sauver des vies.

Au-delà de Chicago, les éducateurs de tous les États-Unis exigent des mesures de grève pour fermer des écoles, notamment à Washington DC et dans le district scolaire de Keystone Oaks, à l’extérieur de Pittsburgh. Le Parti démocrate de Washington DC, dirigé par la mairesse Muriel Bowser, a déposé une motion d’urgence pour une ordonnance de restriction temporaire contre le syndicat des enseignants de Washington (WTU), exigeant une injonction pour empêcher les enseignants «de participer à une grève ou à un autre arrêt de travail» ou même d’en discuter.

À Montclair, dans le New Jersey, des centaines d’enseignants ont refusé de revenir pour un apprentissage en personne depuis le 25 janvier. Cela a incité le Conseil de l’éducation de Montclair à déposer des accusations similaires contre le syndicat mercredi.

À San Francisco, le gouvernement de la ville poursuit son propre district scolaire dans une tentative de réouverture des écoles. Le maire démocrate London Breed s’est fortement prononcé contre l’apprentissage à distance ces dernières semaines.

Des grèves parmi les éducateurs ont lieu ou sont prévues dans le monde entier, notamment au Nigeria, au Mexique, au Canada, au Brésil, en Argentine, à São Tomé, en France, en Côte d’Ivoire, au Cameroun et dans d’autres pays.

La tâche essentielle des éducateurs est d’unir leurs luttes au niveau international et avec toutes les sections de la classe ouvrière qui ont été dévastées par la pandémie et qui sont confrontées aux mêmes conditions de travail mortelles. Ce n’est que par la création de comités de la base, indépendants des syndicats et des partis capitalistes, que les éducateurs et tous les travailleurs pourront s’unir à l’échelle mondiale et mettre fin aux souffrances et à la mort exigées par les élites dirigeantes du monde entier.

(Article paru en anglais le 4 février 2021)

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