Le milliardaire Michael Bloomberg se défoule sur les enseignants de Chicago: «Faites avec et allez travailler»

Mercredi, la chaîne d’information câblée MSNBC a diffusé une interview de Michael Bloomberg, l’ancien maire milliardaire de New York. Le quatorzième homme le plus riche du monde a profité de l’occasion pour dénoncer avec colère les enseignants de Chicago qui résistent à des réouvertures dangereuses des écoles et pour exiger du président Joe Biden qu’il sévisse contre leur opposition.

Bloomberg a rejeté avec arrogance les inquiétudes des enseignants qui craignaient se faire infecter par le COVID-19 et de mourir, les qualifiant d’égoïstes. Il a affirmé: «Les enseignants disent: “Je ne veux pas y retourner parce que c’est dangereux”. On a beaucoup d’employés de la ville, de l’État et du gouvernement fédéral qui courent des risques. Cela fait partie du travail. On prend des risques pour aider l’Amérique, pour aider l’État, pour aider la ville, pour aider sa famille. Et aucune raison n’existe qui empêche d’ouvrir les écoles, les classes virtuelles sont une blague, c’est pire qu’une blague». Il a conclu en disant: «Les enseignants vont devoir s’y faire, se lever et aller enseigner».

L’ancien maire de New York, Michael Bloomberg, a prêté serment d’allégeance lors d’une cérémonie le 11 septembre 2020 à New York. (AP Photo/Mary Altaffer)

MSNBC a donné la parole à Bloomberg en tant que représentant de l’aristocratie financière. Ses propos contre les enseignants montrent clairement que la réouverture des écoles ne se fait pas dans l’intérêt des élèves, mais de l’oligarchie des affaires, qui considèrent le retour en classe, quel qu’en soit le coût en vies humaines, comme essentiel pour renvoyer les parents au travail afin qu’ils continuent à générer des profits pour la grande entreprise. Le fait que ce point de vue de classe soit le seul qui puisse s’exprimer dans la grande presse est d’autant plus garanti par le contrôle qu’exercent sur les médias de masse des individus super-riches comme Bloomberg lui-même, Jeff Bezos et d’autres.

Cette interview de 12 minutes s’inscrit dans le cadre d’une campagne de propagande généralisée dans la presse, notamment dans les médias à orientation démocrate ou républicaine, pour faire croire à tort que la réouverture des écoles n’est pas une menace pour la santé publique. De nombreuses publications se sont emparées d’une étude limitée parrainée par les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) dans le Wisconsin rural pour prétendre faussement que «la science prouve» que les écoles sont sûres, tout en ignorant l’ensemble écrasant de preuves que les écoles sont l’un des principaux centres de transmission du virus.

Alors que Bloomberg a dénoncé Biden pour sa timidité apparente, le président nouvellement investi partage le même objectif de passer outre l’opposition des travailleurs et de rouvrir les écoles et l’économie le plus rapidement possible. Biden a déclaré que la réouverture des écoles du pays d’ici avril est l’une de ses principales priorités. Bien qu’il ait annulé un grand nombre de décrets de Donald Trump, il a continué à utiliser la loi sur la production de défense pour forcer les usines de conditionnement de viande à rester ouvertes. Plus de 56.000 travailleurs de l’industrie de la viande ont contracté la maladie aux États-Unis et 270 en sont morts.

Les téléspectateurs se sont peut-être demandé pourquoi MSNBC pensait que le public s’intéresse particulièrement aux propos de Bloomberg. Après tout, sa campagne présidentielle démocrate de l’année dernière, au cours de laquelle il a pratiquement tenté d’acheter la présidence par des infusions illimitées de son argent personnel, s’est effondrée après que les électeurs des primaires aient rejeté l’aristocrate suffisant, qui n’a pas essayé de dissimuler son mépris pour la classe ouvrière dans les débats auxquels il a participé.

Son interview sur MSNBC avait tout le «charme» de sa campagne électorale. Bloomberg a qualifié tous les élèves des écoles publiques de «pauvres gens» qui ne pouvaient pas se permettre d’acheter des appareils connectés à Internet. Il a inclus les «cireurs de chaussures et les nettoyeurs» parmi les personnes qui profiteraient des «largesses» occasionnées par la reprise des affaires. Avant ses remarques les plus incendiaires sur la nécessité pour les enseignants de «faire avec», Bloomberg a fait un faux pas en appelant les élèves «nos choses les plus importantes – ah, nos joueurs les plus importants».

Néanmoins, la chaîne d’information s’est pliée en quatre pour le présenter sous le jour le plus favorable possible. L’interview – qui a fait l’objet d’un minutieux montage – a commencé lorsque l’interviewer, Stephanie Ruhle, l’a présenté de manière absurde comme un expert en santé publique sous le prétexte que l’école de santé publique de l’université Johns Hopkins, qui publie des statistiques quotidiennes détaillées sur la propagation de la pandémie, porte son nom en tant que donateur important de l’école. Pour faire bonne mesure, MSNBC a fait apparaître Bloomberg avec le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Dr Tedros Ghebreyesus, qui a participé par satellite. On entend à peine le Dr Tedros s’exprimer dans la version diffusée de l’interview, ni interagir avec Bloomberg, ce qui montre que sa participation avait pour seul but de donner de la crédibilité à Bloomberg.

«Je pense que ce que nous faisons aux enfants pauvres est une honte», a déclaré Bloomberg. «Ils ne sont pas à l’école. Ils ne s’en remettront jamais. Ils ont de toute façon eu une mauvaise expérience de l’éducation». Comme si ce n’était pas le résultat de la monopolisation des richesses de la société par des personnalités comme Bloomberg lui-même. Bloomberg a été l’un des principaux bailleurs de fonds des programmes de privatisation des écoles dans tout le pays et, lorsqu’il était maire de la ville de New York, il a ouvert un nombre record d’écoles à charte à but lucratif.

Le mensonge éhonté de personnalités comme la maire démocrate de Chicago, Lori Lightfoot, pour faire croire que leur volonté de rouvrir les écoles découle uniquement de leur souci pour le bien-être des enfants, est réduit à une absurdité quand il vient de la bouche de Bloomberg. Dans une diatribe raciste adressée à ses collègues oligarques à l’Aspen Institute en 2015, Bloomberg a décrit les mêmes jeunes pauvres, pour la plupart issus de minorités et dont il prétend maintenant se préoccuper, comme la principale cause de criminalité. Il a déclaré que la police devrait «les jeter contre le mur et les fouiller». La révélation de ses commentaires au début de l’année dernière a joué un rôle majeur dans l’effondrement de sa tentative de remporter l’investiture présidentielle du Parti démocrate.

L’ancien maire de la ville de New York a donné un compte rendu mensonger des premières étapes de la pandémie, en affirmant que «personne ne savait» à quel point le virus était potentiellement dangereux. En fait, Trump avait reçu des informations détaillées début janvier sur le danger du coronavirus, et l’OMS avait qualifié l’épidémie de pandémie le 30 janvier.

La conversation s’est ensuite tournée vers le déploiement du vaccin, qui a été désastreux, le nombre total de vaccins n’ayant permis d’atteindre qu’une infime partie des objectifs fixés par le gouvernement fédéral l’année dernière. Lorsque la journaliste de MSNBC, Ruhle, a demandé à Bloomberg comment les ressources pour lutter contre la pandémie pourraient être distribuées équitablement si des entreprises privées contrôlaient le processus, Bloomberg est devenu beaucoup plus animé que lorsqu’il parlait d’une maladie qui a tué 2 millions de personnes. «Stéphanie, tu devrais comprendre que le capitalisme fonctionne vraiment», a-t-il déclaré. «Notre système de santé et d’hôpitaux est basé sur le capitalisme. Nous faisons payer, et les meilleurs hôpitaux reçoivent des dons, et ils améliorent leurs soins de santé – qu’y a-t-il de mal à avoir des experts qui savent comment distribuer les choses?»

La question a suscité une réponse si forte, car, en fait, la pandémie a démasqué tout le système capitaliste. À chaque étape, toute réponse rationnelle et scientifiquement fondée à la pandémie a été bloquée par l’impératif du profit.

Aujourd’hui, même après la mort de 450.000 personnes aux États-Unis, la classe dirigeante exige que les enseignants et les élèves retournent en classe alors même que la pandémie est entrée dans une nouvelle phase plus meurtrière, les variantes plus virulentes et mortelles du virus devenant plus dominantes. Mais la classe dirigeante ne s’en soucie guère tant que la valeur des actions à Wall Street continue d’augmenter. C’est pourquoi une telle opposition généralisée éclate maintenant parmi les enseignants et d’autres catégories de travailleurs et prend une orientation de plus en plus explicitement anticapitaliste.

Bloomberg, en dépit de son indifférence crasse pour les «petites gens», est très sensible au danger qu’un mouvement socialiste se développe dans la classe ouvrière, et c’est qu’il a passé son temps à dénoncer durant sa campagne présidentielle. Cela démontre, en outre, que la raison invoquée par Trump pour justifier sa tentative de coup d’État, à savoir qu’il était la dernière ligne de défense contre le socialisme en Amérique, n’était pas un simple discours de fou. Il exprimait la crainte viscérale de la classe dominante: la montée d’une opposition révolutionnaire au sein de la classe ouvrière.

(Article paru en anglais le 5 février 2021)

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