Les enseignants français dénoncent la politique d’immunité collective de Macron dans les écoles

La colère monte parmi les enseignants contre la politique de Macron qui consiste à permettre au coronavirus de se propager sans entrave dans les écoles, parmi les enseignants, les élèves et leurs familles.

Hier soir, le Premier ministre Jean Castex a annoncé lors d’une conférence de presse que son gouvernement rejetait encore tout confinement. La moyenne de cas quotidiens sur sept jours est d’environ 20.000, et celle des décès quotidiens, de 427. Plus de 64 pour cent des lits en réanimation en France sont occupés, 3.277 patients atteints de Covid-19 étant à présent dans des unités de soins intensifs. Pourtant, Castex a déclaré que «la situation ne justifi[ait] pas» un nouveau confinement.

Des élèves quittent leur école à Cambo les Bains, dans le sud-ouest de la France, le jeudi 5 novembre 2020 (AP Photo / Bob Edme)

Ses déclarations contredisent directement les avertissements des scientifiques et des médecins, qui ont dénoncé le rejet par Macron, la semaine dernière, d’un confinement national. Macron permet au virus de se propager, pour éviter l’impact qu'aurait un confinement sur les profits des grandes entreprises. Le Journal du Dimanche a cité Geoffrey Roux de Bézieux, président du Medef, qui a annoncé qu’il avait «sans cesse échangé» avec le gouvernement, et que «les entrepreneurs s’indigneraient du retour d’une solution identique à celle de mars», à savoir, un confinement.

Le système scolaire est au centre de la politique de sacrifice des vies pour le profit. Le gouvernement français s'est vanté d'avoir gardé les écoles ouvertes plus de jours que tout autre pays pendant la pandémie. Comme partout en Europe et aux États-Unis, les enfants et les enseignants sont entassés dans les salles de classe pour que l’on puisse obliger les parents à travailler.

Toutefois, à travers le monde, enseignants et élèves s'opposent de plus en plus à cette politique. À Chicago, plus de 20.000 enseignants ont voté pour rejeter la reprise des cours en présentiel exigée par la maire démocrate et l'administration Biden. Au Royaume-Uni, les enseignants ont imposé la fermeture des écoles en janvier.

Les enseignants français qui ont parlé au World Socialist Web Site ont décrit l'absence de mesures de distanciation sociale, le manque d’informations lorsque leurs élèves contractent le virus, et une politique systématique de maintien des classes même lorsque des cas sont confirmés.

Stéphanie, qui a 21 ans d’ancienneté et enseigne actuellement en 2e année de primaire, a dit au WSWS qu'elle était «plus qu’énervée par la situation sanitaire actuelle dans les écoles. Aujourd’hui l’école apprend qu’un élève est positif à la COVID, cet élève mange à la cantine (donc sans masque) et personne n’est considéré cas contact! Dans ma propre classe j’ai eu» des cas confirmés. «Mon élève est resté à la maison une semaine. Elle est revenue sans aucun justificatif et personne n’a été considéré cas contact car tout le monde porte un masque. Je vous laisse imaginer comment des enfants de 7 ans portent un masque.»

La politique de distanciation sociale est qu’«on ouvre la fenêtre», a-t-elle dit. «Les règles pour le tracing ne sont pas les mêmes à l’école qu’ailleurs: il n’y a [prétendument] jamais de cas contact dans les écoles.»

La politique du gouvernement est que «les écoles doivent absolument rester ouvertes pour sauver l’économie du pays en mettant ses personnels directement en danger.»

Emmeline, une enseignante d'anglais ayant trois ans d'expérience en tant que remplaçante au collège et au lycée, a décrit des conditions similaires.

«Il n'y a pas de distanciation sociale dans mon école. J'ai six classes au total et jusqu'à 33 élèves par classe... Beaucoup d'élèves ne portent pas leur masque correctement ou le masque est trop grand pour eux, il glisse simplement de leur visage toute la journée. Un élève a toussé et éternué en classe aujourd'hui et a baissé son masque à chaque fois, il y aura donc forcément des enfants malades dans cette classe dans les jours à venir. Plusieurs de mes élèves ont eu le Covid mais s'en sont remis. Des tas d'enfants de mon école l'ont eu mais on n’a pas fermé l'école malgré toutes les contaminations.»

Elle a déclaré que les écoles devaient fermer avec un programme en distanciel grâce à de gros investissements en ressources pour les élèves, les parents et les enseignants. «Le gouvernement doit commencer à investir dans de vraies solutions», a-t-elle déclaré. 'Pendant le premier confinement, c’était une mauvaise blague: on n'avait rien pour travailler. Juste nos livres, nos ordinateurs, notre wifi, nos téléphones portables... c'était vraiment horrible. Je pense honnêtement qu’avec de bonnes ressources en ligne par classe et par niveau, on pourrait faire de l'enseignement en ligne et ce serait beaucoup plus facile pour tous. Pas de trajets, pas de classes surchargées, pas besoin de porter le masque et potentiellement de contaminer les camarades de classe.»

«Je trouve vraiment qu’on est les sacrifiés», a-t-elle ajouté. Elle a déclaré qu’elle n’avait jamais entendu parler de la grève actuelle des enseignants à Chicago contre la réouverture des écoles, mais qu’elle la soutenait. «Je ne savais pas! Bravo pour eux!» Elle a ajouté qu’elle pensait qu’il devrait y avoir une lutte unifiée des profs en Europe et aux Etats-Unis. «Je suis complètement d’accord», a-t-elle déclaré. «Je suis plus que fatiguée d’être exploitée. … C’est comme si on n’avait aucune importance. Mal payés, invisibles, on doit aller au travail et la fermer.»

Claire, une enseignante de collège avec 17 ans d'expérience, a déclaré que les écoles étaient ouvertes parce que le gouvernement protège «les grosses fortunes et les actionnaires. … Le pire c’est qu’ils camouflent tout ça en disant que fermer les écoles, c’est un désastre pour les enfants.»

«Moi, je pense que les enfants sont en danger mais le ministère de l’éducation nationale depuis le début nous dit que le milieu scolaire est en sécurité et que les enfants sont peu contagieux... Nous avons en octobre eu une dizaine de cas avérés mais des parents positifs au virus ont continué à mettre leurs enfants au collège (sans les mettre cas contact) et certains enfants n’ont jamais été testés. Depuis 3 semaines, nous avons aussi des cas. En Octobre, nous avions aussi 5 enseignants qui ont été contaminés, dont deux sont certains que c’est au collège.»

Le gouvernement Macron n'a pu maintenir les écoles ouvertes que grâce au soutien des syndicats pour sa politique criminelle. Les syndicats de l'éducation nationale exigent que les écoles restent ouvertes. Ils reprennent l'affirmation mensongère du gouvernement Macron selon laquelle il serait impossible d'organiser un enseignement à distance efficace, et que les enseignants doivent donc continuer à enseigner en présentiel.

En novembre, des grèves ont éclaté dans des dizaines d'écoles en France. Les syndicats ont réagi en organisant une «journée d’action», en indiquant qu'elle ne visait pas à fermer des écoles, mais à servir de soupape et étouffer les revendications des professeurs pour une fermeture des écoles.

Il faut mener une lutte contre la politique d'immunité collective de Macron, organisée par les éducateurs et les étudiants eux-mêmes. Ils pourraient former leurs propres comités d'action dans les écoles, indépendants des appareils syndicaux, pour contacter en ligne d'autres enseignants en France, en Europe et au-delà. Cela permettrait de préparer une grève à l'échelle européenne pour imposer la fermeture des écoles et des lieux de travail non essentiels, et pour administrer le vaccin à la population en toute sécurité. Il faut dépenser de vastes ressources pour fournir aux élèves et aux étudiants les moyens nécessaires pour un enseignement en distanciel, et pour fournir un revenu au parents afin qu’ils puissent rester à la maison s’occuper de leurs enfants.

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