Les enseignants de Chicago prêts à faire la grève tandis que la mairesse brandit la menace du lock-out

La lutte des éducateurs de Chicago pour empêcher la réouverture des écoles dans le troisième plus grand district des États-Unis a atteint un point critique vendredi. Actuellement, la trajectoire de la situation se dirige vers une grève en raison de l’opposition intransigeante des enseignants de la base. Cela aurait d’énormes implications, inspirant des grèves similaires à travers les États-Unis et rejoignant une vague mondiale d’éducateurs en grève contre la réouverture des écoles dans plus d’une douzaine de pays.

Les négociations entre le syndicat des enseignants de Chicago (Chicago Teachers Union – CTU), la mairesse démocrate, Lori Lightfoot, et le district scolaire Chicago Public Schools (CPS) ont abouti à une impasse vendredi. Le CPS a envoyé sa «dernière et meilleure offre, une offre finale» au CTU. Les deux parties sont d’accord sur la réouverture des écoles, mais le syndicat est soumis à une énorme pression de la part des enseignants de la base qui s’opposent à cette politique meurtrière.

Vendredi soir, Lightfoot et la commissaire du département de la Santé, la Dre Alison Arwady, ont publié une vidéo qui tente sans vergogne de semer la division entre les enseignants, les autres travailleurs du CPS et de larges pans de la population de la ville, en prétendant à tort que les enseignants veulent qu’on les vaccine en priorité.

Dans la vidéo, Lightfoot affirme: «L’un des principaux problèmes sur lesquels nous sommes bloqués est celui des vaccinations. La CTU veut donner la priorité aux enseignants par rapport à tous les autres habitants de notre ville». Arwady a ensuite dit: «Le problème est que nous n’avons tout simplement pas assez de vaccins.»

Lightfoot et Arwady ont fait valoir que les demandes de la CTU pour 20.000 vaccins n’incluent pas tous les travailleurs du CPS et ont dit que la demande priverait de vaccin les personnes âgées, les sans-abri, les résidents noirs et bruns de Chicago et d’autres travailleurs essentiels. Lightfoot a déclaré avec cynisme: «Vous devriez tous passer derrière les enseignants qui travaillent à distance depuis 11 mois».

En dénonçant les enseignants pour leur intérêt personnel sans limites, Lightfoot a fait référence aux déclarations à motivation politique du nouveau directeur des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC), la Dre Rochelle Walensky, qui a déclaré mercredi que les écoles peuvent rouvrir en toute sécurité avant la vaccination complète du personnel.

L’intervention de Walensky survient après une semaine de battage médiatique exigeant que les enseignants retournent dans les bâtiments scolaires à un moment critique de la pandémie, et les dépeignant à tort comme paresseux et égoïstes. Lightfoot elle-même a fait plusieurs apparitions dans les médias nationaux cette semaine, devenant ainsi le visage public de la politique centrale du gouvernement Biden de réouverture des écoles afin de remettre les travailleurs américains au travail pour produire des profits.

Dans un courriel envoyé vendredi soir aux enseignants, Lightfoot et Janice Jackson, PDG de CPS, ont réitéré leurs menaces d’exclure les enseignants de leurs comptes Google de classe lundi s’ils ne se présentent pas en personne dans les écoles. Elles demandent au CTU d’accepter leur proposition de réouverture progressive à partir du lundi 8 février: «Les enseignants et le personnel des écoles maternelles et des regroupements d’écoles qui ne disposent pas d’un arrangement approuvé ou en attente d’approbation seront tenus de se présenter dans les salles de classe… Ceux qui ne se présenteront pas seront considérés comme absents sans permission et l’accès aux systèmes CPS sera interrompu à la fermeture des bureaux lundi».

Dans le dernier plan de la ville, les élèves de la maternelle et des groupes d’élèves retourneront à l’école le 9 février; les enseignants et le personnel de la maternelle à la 5e année retourneront le 16 février et leurs élèves de la maternelle à la 5e année retourneront le 22 février; et les enseignants et le personnel de la 6e à la 8e année retourneront le 22 février tandis que leurs élèves retourneront le 1er mars.

Ce plan de retour de plusieurs milliers d’enseignants, de personnels et d’élèves dans les bâtiments scolaires a été rendu public le jour même où l’administration de Lightfoot a hypocritement averti les habitants de Chicago de ne pas se rassembler en groupes de plus de 10 personnes pour le dimanche du Super Bowl. En fait, la ville a averti que tout rassemblement, quel qu’il soit, augmente le risque de propagation du COVID-19.

Les rapports d'une réunion du CTU tenue vendredi indiquent que le syndicat demande également un retour progressif dans les bâtiments, les enseignants de la maternelle à la 8e année devant être de retour dans les bâtiments d'ici le 8 mars après avoir reçu une première dose de vaccin COVID-19.

Dans une communication aux enseignants, Sharkey a déclaré: «À trois reprises au cours de la semaine dernière, la mairesse a tracé une ligne dans le sable, et à trois reprises, notre solidarité et notre engagement l’ont obligée, ainsi que la direction du CPS, à franchir cette ligne. Nous maintenons l’enseignement à distance jusqu’à ce que nous parvenions à un accord, parce que ce pour quoi nous nous battons est juste et nécessaire».

Avec un lock-out prévu pour lundi, le CTU poursuit des négociations secrètes pour renvoyer les enseignants dans leurs bâtiments, ce qui présente des risques inacceptables et inutiles pour la santé et la sécurité publiques. Le CTU est soumis à une énorme pression de la part des éducateurs de la base qui s’opposent massivement à la réouverture des écoles et ont déjà autorisé un vote de grève. Cela oblige le syndicat à prendre également des mesures pour préparer une grève au cas où les négociations échoueraient à nouveau.

Il est essentiel que les éducateurs s’organisent en comités de la base dirigés démocratiquement par eux et responsables devant les travailleurs et non devant la bureaucratie du CTU. Ces comités doivent devenir le centre de l’opposition à tout compromis misérable que le CTU va inévitablement conclure avec le CPS, soit pour éviter une grève, soit pour y mettre fin le plus rapidement possible.

Le «Chicago Educators Rank-and-File Safety Committee» (Comité de sécurité des éducateurs de Chicago) se bat pour établir des comités de la base dans chaque école et chaque quartier de la ville. Jeudi après-midi, le comité a publié la déclaration suivante: «Garder les écoles de Chicago fermées pendant la pandémie n’est pas négociable!» Lors d’une puissante réunion jeudi soir, les membres ont décidé de rejeter tout accord qui rouvrirait les écoles pendant la pandémie.

Concernant les développements de vendredi, un enseignant du CPS a déclaré au WSWS: «C’est très décevant que le syndicat nous demande d’identifier les aspects de leur négociation que nous pensons être les plus importants pour la réouverture. On nous présente un faux dilemme. Je ne pense pas du tout qu’il soit sûr de rouvrir et je l’ai dit».

Alors que le CTU continue de prétendre que c’est le CPS qui a divisé la main-d’œuvre avec une réouverture progressive, le fait est que le syndicat a permis que cela se produise, en encourageant les congés de maladie individuels qui ont laissé les enseignants exposés à des représailles. Ce n’est qu’après que l’opposition des enseignants n’ait plus pu être diffusée de cette manière que le syndicat a même appelé à un vote d’autorisation de grève – après que deux groupes d’enseignants et de membres du personnel aient déjà été rappelés dans les bâtiments.

La pression exercée par les enseignants sur le CTU pour qu’il s’oppose à un retour en classe est énorme et ne cesse de croître. Les parents s’opposent eux aussi massivement à ce que les élèves soient rappelés dans les bâtiments scolaires. Seuls 32 pour cent des élèves de la maternelle, du primaire et du secondaire ont déclaré qu’ils avaient l’intention de retourner en classe.

Plus tôt vendredi, le syndicat a organisé une conférence de conseillers municipaux et de législateurs démocrates qui ont signé une lettre demandant à Lightfoot de poursuivre les négociations avec le CTU et de prévenir une grève des enseignants dans toute la ville.

Lightfoot, avec le gouvernement Biden derrière elle, est un défenseur impitoyable de l’aristocratie financière et des intérêts des grandes entreprises. Pour l’instant, les démocrates comptent sur le CTU pour réprimer l’opposition des enseignants et parvenir à un accord de réouverture. Mais les démocrates gardent en réserve des mesures plus énergiques pour les cas où les enseignants défieraient l’ordre de retour au travail, y compris des amendes et des licenciements en masse, et la rhétorique de plus en plus brutale de Lightfoot indique qu’elle se prépare à prendre de telles mesures.

Comme à Chicago, l’opposition des enseignants exerce une immense pression sur les sections locales des syndicats dans d’autres districts pour qu’elles se posent en adversaires de la réouverture des écoles alors même que les négociations se poursuivent. En réponse à l’ordre donné par le district scolaire de Philadelphie à 2.000 enseignants de se présenter dans leurs classes lundi, le président de la Fédération des enseignants de Philadelphie (PFT), Jerry Jordan, a ordonné au personnel scolaire de travailler à distance. Il a déclaré: «absolument aucune raison n’existe, à part de la cruauté pure, d’amener des membres dans des bâtiments dangereux lundi».

Ces dernières semaines, une opposition sociale irréconciliable s’est développée. D’un côté: les enseignants, qui font partie de la classe ouvrière, se battent pour une politique basée sur la science et la préservation de la vie et de la santé. De l’autre: ceux qui subordonnent impitoyablement la vie humaine au profit des entreprises à savoir: la classe capitaliste et ses représentants politiques, tant au sein du Parti démocrate que du Parti républicain, dont les politiques ont entraîné la mort inutile de plus de 470.000 personnes aux États-Unis et de plus de 2,3 millions de personnes dans le monde.

Le combat mené par les éducateurs de Chicago pour contenir la pandémie et sauver des vies nécessite la mobilisation la plus large possible de toute la classe ouvrière dans une grève générale politique à l’échelle nationale. Il n’y a pas un moment à perdre pour étendre le réseau de comités de la base qui a été mis en place aux États-Unis et dans le monde entier pour préparer ces luttes à venir.

(Article paru en anglais le 6 février 2021)

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